"Lisette Model" et autres Expositions, au "Musée de la Photographie", jusqu'au 22 Janvier
Lisette Model :
Après les expositions consacrées à Joel Meyerowitz (janvier 2008), Fred Baldwin et Wendy Watriss (septembre 2009), Duane Michals (mai 2009), Leonard Freed (janvier 2011), Gary Winogrand (décembre 2014), Weegee (mai 2016), Harry Callahan (mai 2017), Robert Frank (septembre 2018) et Joel-Peter Witkin (2021), le « Musée de la Photographie », à Mont-sur-Marchienne, poursuit son cycle de présentation des figures majeures de la photographie américaine, en étroite relation avec sa collection permanente, en nous présentant Lisette Model (née Elise Amelie Felicie Stern/1901-1983), qui fut à l’origine du premier mouvement féminin de la photographie.
Une première série de photographies est consacrée à « La Promenade des Anglais », à Nice, nous présentant, réalisées entre les deux guerres, des portraits sans concession de la bourgeoisie européenne, opulente et oisive, montrée sans fard dans des attitudes peu flatteuses.
Ces portraits sans concession, nous les retrouvons, parmi 150 clichés, de Montparnasse à New York, de son « Little Man, Lower East Side » à sa « Baigneuse de Coney Island », sans oublier sa série, de 1954-1956, consacrée au Jazz, incluant un immense éclat de rire de Louis Armstrong (1901-1971).
Une autre série attire notre attention : « Reflections » (1939-1945), qui nous montre des reflets, dans des vitrines, de piétons et des gratte-ciels. Concentrée sur le rythme de la ville, elle saisit, ainsi, de façon instinctive, les passants, extraits de la foule.
Après la mort de son père, en 1924, Lisette Model s’installa en France, dès 1926, avec sa mère et sa sœur, à Nice, puis à Paris. Ses premières publications, dans des revues communistes, « Regards » et « Lilliput », marquent ses débuts comme photographe documentaire de rues. Après son mariage avec le peintre américain, d’origine russe Evsa Model (1899-1976), elle émigre, en 1938, à New York, réalisant ses premiers portraits américains à Wall Street, Lower East Side et Coney Island.
Lisette Model devint membre, dès sa création, en 1936, de la « New York Photo League », qui organisa sa première exposition, ses premières photographies étant achetées, en 1940, dans le quartier de Manhattan, par le « MoMA » (« Museum of Modern Art »).
Ayant reçu, en 1965, une « Bourse Guggenheim », décernée par la « Fondation John Simon Guggenheim », elle fut faite, en 1981, « Docteur Honoris Causa », de la « New School for Social Research », à New York, avant de recevoir, en 1982, la « Médaille de la Ville de Paris ».
Ivan Alechine. Mexico Solo :
Fils du peintre Pierre Alechinsky (°Saint-Gilles/1927), pendant près de vingt ans, le poète-photographe belge Ivan Alechine (né Ivan Alechinsky/1952) séjourna, régulièrement, au Mexique, avec une prédilection pour la région de la Sierra Madre occidentale, qui n’est autre que le domaine des Amérindiens Huichol.
Au fil des années passées au sein de communauté indigène Tuxpan, de culture Huichol, à Bolanos, dans l’Etat de Jalisco, il apprit à connaître le quotidien et les rites de ceux qui se nomment eux-mêmes « Wiarika », peuple divin, dont il capte des moments de vie simple, que ce soit en rues, au travail, ou durant de longues cérémonies religieuses, d’une rare exubérance.
Travaillant à l’ancienne, en argentique noir et blanc, il a l’habitude de charger son « Rolleiflex » de bobines de douze poses, ce nombre limité de prises de vue aiguisant son regard.
Son regard qui, un jour, fut attiré par une scène naturelle, non mise-en-scène, qu'Ivan Alechine capta au bon moment, donnant comme titre de sa photo "L’Angélus de Tuxpan", lui faisant penser à une version mexicaine contemporaine de "L'Angélus" (1857-1859), peint par Jean-François Millet (1814-1875 ).
Bien loin des clichés touristiques, l’exposition « Mexico solo » – forte de 40 photographies argentique noir et blanc – est celle d’un Mexique oscillant entre croyances et modernité. Ses photographies d’immeubles aux vitres quadrillées, de toits de tôle ondulée, mais aussi de portraits de jeunes femmes, contraintes à la prostitution, témoignent de la misère humaine qui règne dans ce Mexique-là.
Sébastien Cuvelier. Paradise City :
Le photographe belge Sébastien Cuvelier (°1975) s’attache au pays mythique qu’est l’Iran. Dans les années 1970, son oncle était parti explorer ces contrées, tenant un journal de son périple. Inspiré par ce manuscrit, Sébastien Cuvelier y est retourné à plusieurs reprises, afin de construire sa propre image du pays, traquant l’image insaisissable d’un paradis sur terre, tel que le peuple d’Iran le conçoit. Le mot « paradis », qui vient de l’ancien persan « paridaida« , signifie littéralement ‘jardin clôturé’.
L’Iran, aux anciens jardins persans, est devenu une république islamique cadenassée. Tantôt, l’habitant rêve de renouer avec le monde des grands-parents et la culture ancestrale. Tantôt, il se projette en Europe ou aux Etats-Unis, à la recherche de paradis artificiels, ou, à 17 kilomètres au Nord-Est de Téhéran, « Paradise City« , une cité artificielle en construction.
Lisons ce qu’un écrivain belge – Philippe Marczewski (°Ougrée/1974), lauréat, en 2021, du « Prix Rossel » – écrit à son sujet, au sein du magazine « Tiff », édité, à Antwerpen, par le « FoMu » (« Foto Museum ») : « À quoi ressemble la réalité quand elle est photographiée à la lisière d’elle-même, dans la région étrange où elle se mêle à une version idéalisée du monde, entre sa forme certaine, objective et sa forme rêvée ? Les photographies de Sébastien Cuvelier offrent une réponse possible à cette question. »
« Il n’est pas anormal de ressentir un peu d’inconfort devant ces photographies. D’avoir le sentiment de faire intrusion sur un territoire imaginaire qui ne nous appartient pas et reste d’ordinaire secret. C’est peut-être parce que les personnes, les lieux et les objets nous sont par certains détails étrangers tout en relevant du quotidien – un quotidien presque trivial : immeubles d’habitation, décors intérieurs au luxe ostentatoire, rues banales ou arrière-cours, et qui pourtant nous perturbe tant nos repères y sont caduques. »
« Sur ses images, le réel semble toujours plus grand que ce qu’il est … Couleurs, flous, incongruités : tout concourt à nous faire douter que ces photographies montrent ce qui existe. »
« Sébastien Cuvelier semble avoir trouvé le chemin d’une chambre d’observation, qui offre une vue inquiétante et mystérieuse sur le désir des êtres de devenir une incarnation utopique d’eux-mêmes. »
« En attendant Saïgon », par Joris Degas :
Proposé par la « Galerie du Soir », Joris Degas, récent diplômé de l’ « Ecole supérieure des Arts Saint-Luc », à Liège, nous présente « En attendant Saïgon ». un projet autour de l’identité, la grand-mère maternelle de ce photographe belge ayant quitté le Vietnam, alors qu’elle approchait de la trentaine. Saïgon n’existe plus. Ce nom a disparu et le fantasme de cette ville n’est alimenté que par les récits de la grand-mère, la charge d’un objet souvenir et la présence d’images, qui entretiennent avec l’ici et l’ailleurs des relations ambiguës.
Le temps brouille l’image réelle ou fantasmée du pays originel. L’attente retarde la rencontre avec la ville souche, qui a sombré dans le passé, Joris Degas ne s’étant jamais rendu au Vietnam, son projet récent ayant sombré, des suites de la pandémie. Nous voici donc dans un Vietnam vécu en Belgique.
A noter que sa série « En attendant Saïgon » vient de remporter le « Prix Mark Grosset » des « Promenades photographiques », en catégorie plasticienne, à Vendôme, dans la région française Centre-Val de Loire, un Prix destine à découvrir et promouvoir de jeunes photographes, issus d’écoles internationales d’art et de photographie.
Lisons ce que Joris Degas déclara : « Ce travail propose une approche transgénérationnelle, où le lien au pays d’origine alterne entre page presque refermée, rendez-vous manqué et image fantasmée … La photographie m’est venue sur le tard, pourtant, c’était très présent dans ma famille, ma mère et ma sœur ayant fait partie d’un club photo. Adolescent, je les accompagnais souvent mais plutôt pour jouer le rôle de modèle. Par ailleurs, mon grand-père paternel avait été photographe semi-professionnel dans sa jeunesse. »
C’est d’ailleurs avec le « Rolleiflex » de ce grand-père, photographe semi-profesionnel, qu’il a réalisé ses clichés, qui nous parlent. Quant à son livre, original à souhait, il peut être feuilleté sur place, ce livre ayant été le premier projet de Joris Degas.
Annabelle Amoros. Area 51, Nevada, USA :
Dans la « Boîte noire », à l’étage, nous découvrons un court-métrage (15′) – « Area 51, Nevada, USA » – produit, en 2017, par « Le Fresnoy – Studio national des Arts contemporains » & « Piano Sans Films », réalisé par la photographe française Annabelle Amoros.
A son propos, Cyril Putman, galeriste d’art contemporain, écrivit, en 2014 : « Annabelle Amoros est un drôle d’oiseau. Elle travaille dans une ruralité fantasmagorique, crée des univers comme des nids, visite ceux des autres et y arrête le temps puis s’efface. Sa vision de ces morceaux de vie, a priori assez morne, lui permet de transformer, sans avoir ‘l’air d’y toucher’ chaque habitant en personnage de premier plan. On sent toute sa bienveillance et même son admiration pour ces petits mondes de la campagne dont elle est elle-même le fruit. »
Après avoir étudié à l’ « École supérieure d’Art de Lorraine », à Metz, Annabelle Amoros suivit des cours à l’ « École nationale supérieure de la Photographie », à Arles, ainsi qu’à l’ « Aalto University », à Helsinki, elle termina son cursus , en 2018, au « Fresnoy », à Tourcoing.
Assis dans la « Boîte noire », nous découvrons une zone militaire américaine, sise dans le désert du Nevada. Lourdement gardée, personne ne peut y accéder, les avions ne pouvant pas la survoler. Pour éviter toute intrusion, cette zone a été élargie en intégrant les montagnes qui l’entourent, formant une frontière naturelle impossible à franchir. On peut voir, cependant, de temps en temps, des lumières étranges et anormales s’en échapper, mais, aussi, entendre, au loin, des bruits d’explosion. »
Prix d’entrée (incluant les collections permanentes) : 8€ (6€, dès 65 ans & les membres d’un groupe / 4€, pour les étudiants, les enseignants, les demandeurs d’emploi & les personnes porteuses d’un handicap / 1€25, pour les « Art. 27 » / 0€, pour les moins de 12 ans & les détenteurs de diverses cartes). Prix de l’accès aux expositions pour les détenteurs d’un « Museum PASS Musée » : 4€ (2€, en prix réduit / 0€, pour tous, pour les collections permanentes). Contacts : 071/43.58.10 & mpc.info@museephoto.be. Site web : https://www.museephoto.be/.
Yves Calbert.