"The Circus we are", jusqu'au 25 septembre, et événements, au "Delta", à Namur
Alors que le « Delta », en bord de Sambre, à Namur, s’apprête à fêter, du vendredi 23 jusqu’au dimanche 25 septembre, le 3è anniversaire de son inauguration, suite à la rénovation de l’ancienne « Maison de la Culture de la Province de Namur » (édifiée entre 1957 et 1964), revenons à « The Circus we are », son actuelle exposition temporaire, qui reste accessible jusqu’au dimanche 25 septembre.
« ‘The Circus is coming to town !’ Lorsque le cirque ouvre son chapiteau, les curieux viennent de loin pour s’y presser : l’émerveillement fait halte dans la ville. Tous, petits et grands, se rassemblent autour d’une expérience magique : les acrobates, les animaux, les clowns, les jongleurs, la musique, le spectacle. Le cirque attire comme un aimant », écrit Joanne De Vos, dans l’avant-propos du catalogue.
Pour cette dernière, tout commença par la (re)découverte, en Floride, au « Ringling Museum », de quatre grandes toiles de lin, peinte à l’huile, assurant la promotion, jusqu’en 1952, du « Cirque Minnaert », peintes, vers 1925-1930, par Frans De Vos, l’arrière-grand-père de Joanna De Vos, historienne de l’art, commissaire des expositions de l’événement « The Circus we are », qui se prolonge, jusqu’à cette même date, au « Musée provincial Félicien Rops », ainsi que, jusqu’au samedi 24 septembre, à la « Belgian Gallery ».
Concernant ces toiles de lin, Barbara Ramsay, ancienne conservatrice en chef du « Ringling Museum », déclara, en 2015 : « Lorsque nous les avons déroulées ces toiles étaient dans un état lamentable. Le tissu était déchiré en plusieurs endroits et beaucoup d’autres accrocs avaien été rapiécés ou recollés. En outre, elles étaient, évidemment, très sales. La peinture, elle-même était bien conservée ; c’est principalement à la couche de crasse et à la dégrdation du tissu que nous avons dû travailler. »
Quant à Joanna De Vos, elle écrit, dans le catalogue : « L’art et le le cirque coulent tou deux dans mes veines et s’expriment dans ma réalité quotidienne. En tant que commissaire d’exposition, je suis moi aussi une nomade, accompagnant, en tournée itinérante, la grande famille des artistes. Ensemble, nous sillonons l’existence et nous interrogeons sur le monde qui nous entoure. Au fil de ce voyage imaginaire, nous nous incitons mutuellement à communiquer et à monter des expositions. Emerge alors une spirale, un manège centrifuge qui propulse l’histoire individuelle vers le lien vital de l’action interpersonnelle. »
Au « Delta », sur deux étages, nous revivons le cirque d’autrefois, grâce à de nombreuses photographies, dont celles du « Cirque Minnaert », prises dans les années 1920-1930, issues de la « Collection André De Poorter », sans oublier affiches, programmes, articles de presse, …, de cirques américains, comme le « Barnum & Bailey Circus », qui, fondé en 1871, ferma définitivement ses chapiteaux en 2017.
De l’évocation du passé au présent, des oeuvres contemporaines nous sont présentées, comme celle qui illustre l’affiche de cet événement namurois, accessible depuis le vendredi 13 mai, « Manège », une oeuvre (100 x 18 x 12 cm/ 2016) de Fabien Mérelle, réalisée toute en finesse, le manège, posé sur un torse d’homme sculpté, tournant sur elle-même, comme une authentique attraction foraine.
A noter que cette sculpture est à considérer comme un auto-portrait, dont la tête est remplacée par ce manège, dont certains minuscules passagers font allusion aux membres de sa famille. Et les rédacteurs du catalogue de s’interroger : « La vie quotidienne n’est-elle pas souvent une attraction forraine, parfois palpitante et magique, parfois houleuse et pesante ? Nos têtes tournent au rythme de ce cirque qu’est la vie. »
Autre oeuvre phare de cette exposition : la sculpture, en polyester et acier, « Dancer » (110 x 110 x 146 cm/2019), de Hans Op de Beeck (°Turnhout/1969), lauréat, en 2017, du « Prix Pino Pascali », à Polignano a Mare (Italie), en 2001, du « Prix de la jeune Peinture belge », à Bruxelles, &, en 1999, du « Prix Uriôt », de l’ « Académie Nationale » , à Amsterdam. Ce sculpteur belge nous présente, ici, une artiste, courronée de plumes, en tenue de scène, s’échappant de la frénésie du strass et des paillettes, dans une attitude détendue, pleine d’introspection.
Artiste pluridisciplinaire, il nous propose, quelques mêtres plus loin, une vidéo de 2’18, « Blender », au côté baroque, presque kitsch. Sur un grand écran, nous voyons un ancien carousel de chevaux de bois, l’image devenant de plus en plus floue, à mesure que la vitesse augmente, avant de se préciser à nouveau, lorsque le manège se met à ralentir.
Autre vidéo, « Tightrope » (58’10/2015), de l’artiste féminine russe Taus Makhacheva (°Moscou/198), qui nous montre comment, en Russie, surplombant une spectaculaire vallée, le funambule Asul Abakarov, sur une corde tendue entre deux pans rapprochés d’une montagne, a pu transporté, d’un côté à l’autre, quelques 61 copies de tableaux, du « Musée des Beaux-Arts du Daghestan ».
Pour revenir à Fabien Mérelle, soulignons qu’il nous présente trois autres oeuvres, l’une étant une installation, créée en 2006, qui, revue pour le « Delta », en 2022, n’a jamais été présentée, telle qu’elle, au public, avec un lit d’enfant renversé et une poupée clownesque allongée sur le sol. Enfant, il était terrifié par les clowns, qui hantaient ses cauchemars. S’agissait-il, ici, d’un cauchemar ? Est-ce la représentation de l’issue d’une lutte, où le clown, après des années à hanter ses rêves d’enfant, a finalement triomphé du futur artiste, … le plaquant au sol ? …
Discrètement accrochée sur un côté, nous découvrons une petite encre sur papier, simplement intitulée … « Vengeance » (28,2 x 21 cm/2007), nous montrant une semblable poupée clownesque, peinte face contre terre, … avec une paire de ciseaux plantée dans le dos … Voulait-il tuer ce clown, qui hantait ses cauchemars ???
Fabien Mérelle expose, également, une autre sculpture, celle d’un éléphant, en bronze, … porté à … dos d’homme, cette création étant posée sur un socle en pierre, son titre étant : « A l’Origine » (bronze : 80 x 69 x 36 cm/socle : 100 x 40 x 40 cm), cet éléphant nous rappelant une autre époque, celle où ses congénères, « à l’origine », paradaient dans les villes, afin d’annoncer les prochains spectacles d’un cirque, alors que, depuis 2013, les animaux sauvages ne peuvent plus être exhibés par aucun cirque, comme c’est le cas, désormais, dans une vingtaine de pays européens …
Mais revenons au personnage du clown, un clown triste, filmé et photographié par l’artiste néerlandais Erwin Olaf (né Erwin Olaf Springveld/°Hilversum/1959). Cette série, « April Fool » (2020) de photos et vidéos, est constituée d’autoportraits, d’un clown blanc mélancolique – se promenant, parfois, devant les rayons vides d’un supermarché –réalisés lors de ce cauchemar surréaliste que fut la pandémie, exprimant ce sentiment de paralysie qui nous imprégnait, l’artiste résumant cette situation par la formule : « Le château de cartes s’effondre et nous sommes tous des jokers. »
Aujourd’hui encore, les artistes contemporain.e.s se reconnaissent en la personne du saltimbanque, car cet univers pluriel qu’est le cirque inspire leurs sensibilités esthétiques : le rire se partage la vedette avec la grimace.
La vie elle-même ne prend-elle pas bien souvent la forme d’un cirque ? En cette période où l’actualité est constamment bouleversée, la société, la politique, les sciences sont autant de thématiques, où le créateur et la créatrice, en même temps que le public s’interrogent : « Are we (in) the circus ? » …
Plus joyeuses et davantage colorées, nous trouvons « Fall o the Idols », deux sculptures de clowns, en carton, polyester, polyuréthane, plâtre et textile, réalisées par l’artiste espagnol Enrique Marty (°Salamanque/1969), qui fut longtemps fasciné parles statues de dieux grecs, indiens ou romains, autrefois puissants et vénérés, dont la grandeur idéologique s’est, aujourd’hui, totalement effondrée. Les ayant photographiées dans des musées ou sur des sites archéologiques, il s’en est inpiré pour créer des corps disproportionnés, jadis héros parfaits, s’étant mués en clowns, en « freaks ».
Par ailleurs, il nous propose une vaste série de tableaux colorés, qui, filmés image par image, lui permirent de réaliser sa vidéo d’animation « All your World is Pointless » (épisode VI/7’22), que nous pouvons découvrir à l’étage du « Musée provincial Félicien Rops », prouvant la complémentarité des deux expositions, la conservatrice de ce dernier musée, Véronique Carpiaux, écrivant, dans le catalogue : « Jouant délibérément les idiots, le clown adopte, en réalité, une posture cynique et inquisitrice. A l’instar du bouffon médiéval, il est souvent le seul à pouvoir dire la vérité crue. A distance, il (Enrique Marty/ndlr) observe le monde, qui semble accepter ses propres montruosités et se transforme en cirque, en spectacle absurde, vide de sens. »
Reliant les deux étages, à l’extérieur des deux salles, suspendue dans la cage d’escalier, nous découvrons l’œuvre créée pour la présente exposition, « Diogène » (2022), de l’artiste mexicain, travaillant à Anvers, Dodi Espinosa (°Ciutad de Mexico/1984), évoquant la philosophie cynique de Diogène de Sinope (413-327 avant notre ère), surnommé « le chien », par ses disciples, … d’où la représentation sculptée d’un os à ronger coloré, sorte de colonne vertébrale de la présente exposition, désinvolture face à la vie, à l’image de Diogène …
Au 5è étage, nous sommes surpris par « Kicking Against The Pricks », une oeuvre que, critique du monde l’art, l’on peut toucher, pire encore, que nous pouvons taper du pied, puisqu’il s’agit de ballons de football, recouverts de masques de personnalités politiques autoritaires, telles que Donald Trump, réalisés par l’artiste sud-africain Kendel Geers (°Johannesburg/ 1968). Libre à nous de jouer avec ces politiques, comme ils ou elles jouent avec leurs concitoyen·ne·s.
A proximité, accrochés à un mur, nombre de figures creuses colorées, créées, en acrylique sur plâtre, par l’artiste espanol Santiago Ydanez (°Puente de Génave/1969), certaines évoquant le cirque, toutes nous faisant penser à ces têtes de géants, portés, lors de cortèges folkloriques, aussi bien dans le Nord de la France qu’en Espagne, à Ath, à Bruxelles, dans les Marolles, ou à Namur.
Authentiquement utilisé, durant trois ans, par Nathalie, lanceuse de couteux, pour le « Cirque belge Ronaldo », toujours en activité, nous sommes interpellés par « Love is in the Air », un panneau en bois, avec néons, à l’effigie du martyre du Christ, oeuvre d’un autre artiste espagnol, Carlos Aires (°Ronda/1974). « S’agit-il d’une discrète allusion à Saint-Sébastien – victime au 4è siècle de la persécution romaine contre les chrétiens, son corps étant transpercé de flêches – ou d’une allusion métaphorique, jusque que dans le titre de l’oeuvre, à cet autre archer, dont nous sommes tous victimes : Cupidon« , s’interroge t’on dans le catalogue ???
En conclusion, lisons ce qu’écrit Joanna De Vos, dans le catalogue : « L’art et le cirque, tous deux jouent un rôle non négligeablede trait d’union et ont le pouvoir de nous révéler collectivement l’essence même de notre humanité. »
Artistes exposé.e.s : Carlos Aires, Homa Arkani, Uldus Bakhtiozina, Frans De Vos, Dodi Espinosa, Kendell Geers, Taus Makhacheva, Fabien Mérelle, Joan Muyle, Daniele Puppi, Erwin Olaf, Hans Op de Beeck & Santiago Ydañez.
A partir de cette sélection d’artistes contemporain.e.s, belges et étranger.ère.s, l’exposition présentée au « Delta » amène des pistes d’interprétation et de questionnement sur le spectacle, dans lequel chacun.e de nous est un maillon. Humour et enchantement font partie intégrante de ces œuvres, nous proposant un parcours où la gravité alterne avec le jeu, à découvrir en famille.
Ouverture : jusqu’au dimanche 25 septembre, du mardi au vendredi, de 11h à 18h, le samedi et le dimanche, de 10h à 18h, jusq’à 21h, le vendredi 23. Prix d’entrée : 5€ (2€50, de 12 à 25 ans et pour les plus de 65 ans / 0€, pour les moins de 12 ans, les enseignants, pour tous les samedis 10 et 24 septembre & les dimanches 11 et 25 septembre). Prix du « Pass » annuel (accès à prix réduits pour toutes les organisations du « Delta ») : 16€ (5€, de 12 à 25 ans, pour les plus de 65 ans, les demandeurs d’emploi, les enseignants et les personnes en situation de handicap / 0€, pour les moins de 12 ans & les « Art. 27 »). Catalogue (combiné pour la présente exposition et celle du « Musée provincial Félicien Rops »/Joanna De Vos, Tamara Beheydt & Véronique Carpiaux/Ed. « Stichting Kunst Boek »/broché/2022/ 112 p.) : 25€. Contacts : info@ledelta.be & 081/77.67.73. Site web : http://www.ledelta.be.
Evénements à venir au « Delta » :
** les samedi 10 et dimanche 11 septembre : « Journées du Patrimoine » :
« Patrimoine et Innovation » : visite guidée gratuite (environ 60′), les deux jours, à 11h, 13h, 15h et 17h, à la (re)découverte d’un batiment dû à l’architecte carolorégien Victor Bourgeois (1897-1962), figure centrale du « Mouvement moderne international », en Belgique, dont ce fut le dernier chantier d’envergure, puisqu’il décéda deux ans avant l’inauguration, en mai 1964, de la « Maison de la Culture de la province de Namur », rénovée sous la conduite de l’architecte gantois Philippe Samyn (°1948), incluant un 5è étage, le « Tambour », ses deux nouvelles salles de spectacles et ses studios, avancées technologiques et normes environnementales incluses, cette nouvelle inauguration s’étant déroulée le samedi 21 septembre 2019, sous le nom de « Le Delta ».
** du vendredi 23 jusqu'au dimanche 25 septembre : 3è Anniversaire de l’Innauguration du « Delta ».
** le vendredi 23 septembre : « La grande Ouverture, un Soir, un Cirque » :
18h : « Opticirque », par la « Cie. Nicolas Longshow » (illusion et magie pour tous).
19h : « La petite Musique des Choses » (concert pataphonique du compositeur belge Max Vandervorst, concetpteur de la « Maison de la Pataphonie », à Dinant).
20h & 21h30 : « Moon, Cabinet de Curiosités lunaires », par la « Cie. Barks » (acrobaties mécaniques et poétiques qui défient la gravité).
20h30 : « Le Cirque » (film de et avec Sir Charlie Chaplin {né Charles Spencer Chaplin, anobli, en 1975, créateur, en 1914, du personnage de « Charlot »/lauréat, en 1972, d’un « Oscar d’Honneur »/1889-1977}/USA/ 1928/70′). Synopsis : « En fuyant la police, un vagabond se retrouve sur la piste d’un cirque. Ses étourderies provoquent l’hilarité du public et incitent le directeur de l’établissement à l’embaucher comme clown … »
21h : « Monstres » (visite spéciale du « Musée provincial Félicien Rops »/infos & inscriptions : arts.plastiques@province.namur.be).
22h : « Only Bones v.1.6 » (intrigante performance d’une contorsionniste solo, Marina Cherry).
23h : « Calèche Kabaret » (souffleur de feu, poésie du mouvement et danses enflammées).
24h : « Freaks » (« La monstrueuse Parade »/film d’horreur de Tod Browning {1880-1962}/USA/1932/102′). Synopsis : « Chloé a 7 ans et n’a jamais vu la lumière du jour. Son père la maintient à l’écart du monde extérieur, ne cessant de lui répéter qu’elle est différente, et que tout ce qui se trouve de l’autre côté de la porte d’entrée représente une menace. C’est en bravant tous les interdits que Chloé va pouvoir découvrir la vérité sur sa condition … »
Autres expositions de l’ événement « The Circus we are » : jusqu’au dimanche 25 septembre, au « Musée provincial Félicien Rops », & jusqu’au samedi 24 septembre, sous le titre « The Clown Spirit », à la « Belgian Gallery ».
Autre exposition au « Delta » : « L’Art en tant qu’Acte solidaire pour plus de Justice sociale » (70 toiles de Didier Severin, accrochées sur les murs de la mezzanine du foyer, exposées jusqu’au jeudi 22 septembre). Accès libre.
Prochaines expositions au « Delta » :
** du samedi 10 septembre juqu’au dimanche 16 octobre, « Palestinain Workers », des photographies de Véronique Vercheval, au « Point Culture ».
** du samedi 10 septembre 2022 jusqu’au lundi 29 mai 2023 : « Histoire(s) naturelle(s) », à l’ « Espace muséal ».
** du samedi 22 octobre 2022 jusqu’au dimanche 08 janvier 2023 : « Maëlle Dufour & Jean-Michel François ».
** du vendredi 18 novembre 1922 jusqu’au lundi 29 mai 2023 : « Fais pas ton Genre ! Stéréotypée, la Pop Culture ? »
Yves Calbert.