« Europalia » : « Orient Express », à « Train World », à Schaerbeek, jusqu'au 17 Avril
« La question est de savoir quoi faire. Il regarda Poirot. Poirot le regarda. Viens, mon ami, dit Bouc. Vous comprenez ce que je vais vous demander. Je connais tes pouvoirs. Prenez les commandes de cette enquête ! Non, non, ne refuse pas. Voyez-nous c’est sérieux. Je parle pour la ‘Compagnie Internationale des Wagons-Lits’ », écrivit, en 1934, Agatha Christie (née Agatha Mary Clarissa Miller/1890-1976), dans son roman « Le Crime de l’Orient Express », classé, en 1995, par les « Mystery Writers of America », parmi les 50 meilleurs livres policiers de tous les temps.
Ce train de rêves, nous le retrouvons, jusqu’au dimanche 17 avril, dans le cadre de l’exposition « Orient Express. Mythique. Luxueux. Belge », l’un des principaux événements du Festival « Trains & Trackx », organisé par « Europalia », se déroulant à Schaerbeek, dans toutes les salles de « Train World ».
Notre visite commence par la vision des photos d’époque, en noir et blanc, de la« Gare de l’Est », à Paris, et de la « Gare de Sirkeci », à Constantinople, d’une impressionante ancienne photographie panoramique, exposée en dix tableaux, du port istanbuliote, sur le Bosphore, exposée dans l’immense « salle des perdus » (aussi appelée « salle des guichets »), de l’historique « Gare de Schaerbeek », édifiée en 1887, où est évoquée Constantinople, non donné, en 330, à cette ville, porte de l’Orient, en l’honneur de l’Empereur romain Constantin 1er (272-337), cette ancienne capitale turque ayant pris, en 1930, le nom d’Istanbul (ou Istamboul).
Echauffés par l’ambiance exotique de Constantinople – qui avait gagné Paris, notamment grâce à un opéra bouffe, intitulé « Les Turcs », dont une affiche est exposée -, nous gagnons, au premier étage, au sein de la salle « Pays de Waes », un cabinet de curiosités, reconstituant, entre autres, le bureau du créateur, en 1872, de la « CIWL » (« Compagnie Internationale des Wagons-Lits »), l’ingénieur civil liégeois Georges Nagelmackers (1845-1905).
S’étant inspiré des trains de nuit, lancés, aux Etats-Unis, par George Mortimer Pullman (1831-1897), par la magie de l’électronique, Georges Nagelmackers y prend la parole (en néerlandais et en français), alors que des cartes géographiques, dessins (entre autres de derviches tourneurs turcs), documents, objets divers, faïences orientalistes (de la manufacture louviéroise « Royal Bosch », fondée en 1841), photographies (plaques stéréoscopiques incluses) et peintures (dont deux oeuvres du peintre anversois Jan Baptiste Huysmans {1826-1906}) nous sont présentés.
Accueillis par un buste de Georges Nagelmackers, réalisé, en 1912, par le sculpteur toulousin Victor Joseph Jean Ambroise Ségoffin (1867-1925), nous découvrons, également, un exemplaire de l’ouvrage « Aziyadé » (Ed. « Calmann Levy »/1879), de Pierre Loti (1850-1923), qui écrivit : « Quelque chose comme de l’amour naissait sur ces ruines et l’Orient jetait un grand charme sur ce réveil de moi-même, qui se traduisait par le trouble des sens. »
En outre, une photographie du roi Léopold II (1835-1909) nous est proposée, prise en 1854, en Égypte, ainsi que des photos de Constantinople, acquises en vue de préparer un voyage, en 1860.
Soulignons que Léopold II, lui-même, apporta son soutien financier à ce projet, le premier départ de l’ « Orient Express » s’étant déroulé le 05 juin 1883, entre Paris et Constantinople. Alors que tout au long des cinq premières années, le voyage s’interrompait à Giurgiu, en Roumanie, où les passagers devaient prendre un bac, puis un train local et un ferry, dès 1888, le voyage devint direct, prenant, désormais, 81 heures, 30 heures de moins qu’auparavant, offrant donc la liaison la plus rapide de l’époque, entre le le coeur de l’Occident et Constantinople, aux portes de l’Orient.
Notons encore la présence, dans une dernière vitrine, de tickets et de maquettes de tramways, témoignant que ces derniers avaient été introduits à Constantinople, aussi bien qu’à Sofia ou Salonique, par des entepreneurs belges, de« La Métallurgique », de Nivelles, de la « Société franco-belge », de l’ancienne commune de La Croyère, devenue un quartier de La Louvière, ce marché des voies vicinales ayant été facilité par l’ « Orient-Express », qui était fréquenté par des hommes d’affaires à la recherche de nouveaux marchés : constructions de gares, ponts, structures ferroviaires, …
Ainsi, il est à souligner que c’est une compagnie liégeoise qui, en 1889, équipa Contantinople en canalisations de gaz, comme elle le fit à Athènes, en Bulgarie et en Roumanie.
Une fois arrivés dans le batiment moderne de « Train World », un parcours nous est proposé, jouxtant la collection permanente du musée, de nombreuses affiches de l’époque étant exposées, certaines ayant été créées par des artistes réputés, tel le peintre gantois Théo Van Rysselberghe (1862-1926).
Film à l’appui, nous apprenons que le blanchissage du linge des voitures-lits – les draps étant changés tous les jours – est effectué, dès 1883, à Saint-Ouen, précédant d’autres implantations à Milan, Ostende et Vienne.
De même, avec l’illustration crayonnée d’une première page d’un quotidien, montrant une attaque d’un « Orient Express », nous apprenons que des brigands ayant attaqué un train, en Bulgarie, en 1891, l’on conseilla, alors, aux passagers d’être armés, la traversée de longues étendues désertiques pouvant inciter certains individus à s’en prendre aux biens de ses voyageurs fortunés.
Côté négatif, notons, qu’en 1929, un autre « Orient Express » avait été bloqué par la neige, en Turquie, durant cinq jours, des passagers ayant dû chasser des loups, afin de pouvoir se nourir à bord.
Côté positif, soulignons qu’un billet d’accès à un « Orient Express » était valable 60 jours, aller-retour, ce qui permettait de prévoir plusieurs escales, histoire de compléter notre culture en visiant des villes de différents pays.
Sous d’anciennes lampes qui décoraient les tables de voitures-restaurants, près d’une veste de maître d’hôtel, entre différentes pièces de vaisselle, en porcelaine « Villeroy-Bosch », argenterie « Christofle » et verrerie « Baccarat », nous trouvons le menu à 7 services, du dîner du 27 octobre 1912 : Crème d’écrevisses, Cromesquis à la Hongroise, SoBaccarat » »le à l’Ambassadrice, Escalope de riz de veau à la Catalane, Céleris braisés au Porto, Faisan truffé, Salade, Glace aux Avelines & Corbeille de fruits.
Passant par la salle des horloges, nous apprenons (ou nous rappelons) qu’en Belgique – où la première ligne ferroviaire de l’Europe continentale, entre Bruxelles et Maline, fut inaugurée le 5 mai 1835 -, ce n’est que dans les années 1840, grâce au développement du chemin de fer, que les heures locales furent abandonnées au profit de l’heure de Bruxelles, devenue nationale.
Mais revenons à l’ « Orient Express », notre parcours nous permettant de traverser deux voitures mythiques, rachetées, en 2011, à la « CIWL », et restaurées par la« SNCF », durant deux ans, dans les « Ateliers de Construction du Centre », à Clermont Ferrand. Une voiture-salon, nommée « Côte d’Azur », nous accueille d’abord, avec ses fauteuils recouverts de tissus « Art Déco » et ses parois en mélange d’essences de bois d’acajou et de bouleau, incrustées de fines marqueteries, certaines voitures-salons ayant bénéficié de vitraux, de tapisseries « des Gobelins » ou en « maroquains de cuir de Cordoue ».
Ressentant l’ambiance et le luxe de ce train légendaire, nous déambulons, ensuite, dans la voiture-restaurant « Riviera », dont la scénographie nous présente les tables dressées, avec des bouteilles de champagne, des flacons de cognac, voire, sur certaines, une pipe, un appareil photos, des jeux de société, des cartes postales, et, sur l’une d’elle, un exemplaire du 1er numéro du « Journal de Spirou », daté du 12 août 1938, il y a près de 84 ans …
… Une époque où les voyageurs de l’ « Orient Expres » se déplaçaient avec leurs malles « Vuitton », dont quelques -unes, de différents formats, nous sont présentées, à la sortie de cette seconde voiture, dont une boîte à chaussures en cuir de vache et un « beauty case » en maroquin, avec flaconage en écailles et en verre …
(Re)découvrant, au passage, des voitures d’un ancien train royal, nous atteignons une galerie de photographies, nous présentant quelques personnalités, qui eurent l’occasion de voyager à bord de l’un ou l’autre« Orient Express » , le « Roi des Trains » ou « Train des Rois » : Joséphine Baker (1906-1975/qui soigna des blessés, lors d’un attentat, à Biatorbagy, en Hongrie, en 1931, 20 passagers étant décédés), Sarah Bernard (1844-1923), le baron Edouard Alphonse James de Rotchsild (1868 -1949), Marlene Dietrich (1901-1992), Albert Einstein (1879-1955), le roi Ferdinand 1er de Bulgarie (1861-1948), Ian Fleming (1908-1964), Graham Greene (1904-1991/auteur du livre « Stambul Train » {1932}), Mata Hari (née Margaretha Geertruida Zelle/1876-1917), …, en notant, pour l’anecdote, qu’un homme d’affaire britannique, d’origine arménienne, Calouste Sarkis Gulbenkian (1869-1955), fit voyager son fils, Nubar (1896-1972), enroulé dans un tapis d’Orient, afin qu’il échappe aux tortures qu’imposait le sultan ottoman Abdülhamid II (1842-1918).
Cette superbe exposition évoque, également, les imaginaires éveillés par ce train mythique et les rêves qu’il a engendrés, des plus ténus au plus connus, comme ceux inspirés par Agatha Christie (1890-1976), dont les romans ont inspirés des films, comme le prouve des affiches des deux longs-métrages, au même titre : « Le Crime de l’Orient Express » (Sidney Lumet/UK/ 1974/128’/avec Jean-Pierre Cassel & Sean Connery/film lauréat, en 1975, de l’« Oscar de la meilleure Actrice » {Ingrid Bergman}, de 3 « Bafta Awards » et de 3 « Evening Standard British Film Awards », ainsi que, plus récemment, Kenneth Branagh/UK-USA-Malte/2017/114’/ avec Johnny Depp & Michelle Pfeiffer).
D’autres affiches de films sont à (re)découvrir, dont celles de « Bons Baisers de Russie » (Terrence Young/UK/1963/ 115’/avec Sean Connery, dans le rôle de « James Bond »/adaptation du roman (1957) de Ian Fleming/film lauréat, en 1964, du « BAFTA Award de la meilleure photographie britannique » {Ted Moore}) et de « Sherlock Holmes attaque l’Orient Espress » (Herbert Ross/UK-USA/1976/113’/avec Vanessa Redgrave/film nommé, en 1977, deux fois aux « Oscars »).
Ouverture : jusqu’au dimanche17 avril, du mardi au dimanche, de 10h à 17h (dernière entrée à 15h30). Prix d’entrée : 14€ (11€, de 13 à 17 ans, dès 67 ans, pour les enseignants {0€, en accompagnant une classe}, guides touristiques belges & les personnes porteuses d’un handicap {14€ pour ce visiteur et son accompagnateur} / 10€, par membre d’un groupe de minimum 15 personnes / 9€, de 06 à 12 ans & pour les cheminots et leurs ayants droit / 5€, par élève d’une classe / 1€25, pour les « Article 27 » / 0€, pour moins de 6 ans & par accompagnateur d’un groupe de minimum 15 personnes) / 40€, par famille {2 adultes et 3 enfants, jusqu’à 18 ans, ou 1 adulte et 4 enfants, jusqu’à 18 ans}). Pour l’entrée au « Musée Keramis », à La Louvière (présentant des faïences produites aux XIXè et XXè siècles) : réduction de 2€, sur présentation du ticket d’ « Orient Express ». Contacts : 02/224.74.37 & info@trainworld.be. Site web : https://www.trainworld.be/. Fermeture du Musée : du lundi 18 avril jusqu’au lundi 09 mai inclus, en raison du montage de la prochaine exposition temporaire.
Livre–Catalogue : « Orient Express, de l’Histoire à la Légende » (Guillaume Picon/Ed. « Snoeck »/2021/240 p./49€).
Yves Calbert.