« Perspectives minimales en Belgique », au "Delta", à Namur, jusqu'au 17 Avril
En bord de Sambre, à Namur, à l’initiative du Service de la Culture de la Province de Namur – en partenariat avec la « Galerie Ronny Van de Velde », d’Anvers, et la « Banque privée Delen » -, le « Delta » met l’art minimaliste à l’honneur, jusqu’au dimanche 17 avril, avec son exposition temporaire « Perspectives minimales en Belgique », inaugurée le vendredi 18 février par la députée provinciale à la Culture, Geneviève Lazaron.
Anaël Lejeune, docteur en Histoire de l’Art et commissaire de la présente exposition, écrit, dans l’avant-propos du catalogue : « Dans son moment d’émergence, l’art minimal se caractérisait par un dépouillement formel extrême qui lui valut d’ailleurs les railleries d’une partie de la critique et du public. Les oeuvres se présentaient le plus souvent comme d’imposants volumes géométriques ou structures élémentaires faits de matériel industriel tels le contreplaqué, l’acier ou le plexiglas. Simples au point de paraître simplistes, ces oeuvres ont pourtant permis de dévoiler avec une force inouïe certains enjeux fondamentaux que soulève la création artistique, lesquels continuent de féconder aujourd’hui encore l’esprit de bien des plasticiennes et plasticiens … Le sens d’une forme ou objet artistique ne précède pas son apparition mais dépend de la manière dont cet objet se donne à la spectatrice ou au spectateur, et des conditions dans lesquelles advient leur rencontre. »
« Quelle que soit sa simplicité apparente (dans l’art minimalisme/ndlr), le sens de toute forme ou tout objet artistique dépend profondément de toute une série de facteurs tels que ses rapports de proportion avec le corps de la personne qui le contemple, les rapports d’échelle par rapport à l’architecture, les angles de vue sous lesquels il s’offre, les variations de lumière, … »
Né aux Etats-Unis, au milieu des années ’60, ce courant artistique s’inspirait de la devise de l’architecte allemand, naturalisé américain, Ludwig Mies van der Rohe (1886-1969) : « Less is more » (« Moins c’est plus »).
Parmi les artistes exposés, notons – formé à l’ « Académie des Beaux-Arts » de Liège, où il obtint, en 1939, un doctorat en histoire de l’art – Jo Delahaut (1911-1992), l’une des figures emblématiques de l’abstraction géométrique - représentée, ici, par son huile sur toile « Signe Vert » (1967) -, l’art abstrait étant apparu en Belgique, dès les années ’20, de nombreux artistes belges ayant participé à son développement, alors que notre pays fut une terre d’accueil pour nombre d’artistes américains.
« Formes » (1939), huile sur panneau de Georges Vantongerloo (1886-1965), est un autre bel exemple de ces abstractions géométriques. Ayant étudié aux « Ecoles des Beaux-Arts » d’Anvers et de Bruxelles, blessé en 1914, cet artiste profita de sa convalescence, aux Pays-Bas, pour rencontrer, entre autres, le peintre néerlandais Piet Mondrian (Pieter Cornelis Mondriaan/1972-1944), l’un des pionniers de l’abstraction.
Autodidacte, ayant représenté, dans les années ’80, la Belgique, aux « Biennales de Sao Paulo » et « de Venise », n’ayant vécu qu’une année, en 1952, dans une école d’art privée, à Paris, Marthe Wéry (1930-2005), autre adepte des formes géométriques, est représentée, au « Delta », par son installation « Sans Titre » (1984), composée de trois acryliques sur toile (2m70 x 80 cm, pour l’une d’elle, et 80 cm x 30 cm, pour les deux autres), constituées de couches superposées de couleurs, répandues sur les trois surfaces, dont l’accrochage précis a été déterminé par l’artiste.
A l’occasion de la visite de presse du vendredi 18 février, nous parlant de l’oeuvre exposée de Lili Dujourie (Roulers/°1941) – « Côté Couleurs, Côté Douleurs » (1969), constituée de deux plaques d’acier – Anaël Lejeune insista sur la précision absolue exigée quant à son installation, quitte à ce qu’elle soit retirée de l’exposition, même pour un seul centimètre d’erreur de placement, une rigueur que les non initiés ne peuvent imaginer, cette oeuvre ne pouvant exister sans son soutien, puisqu’elle dépend d’un environnement architectural, n’étant pas accrochée, mais bien simplement posée contre un mur.
Venant d’évoquer l’architectural, Anaël Lejeune insiste, aussi, sur le rapport de cet art minimaliste à l’architecture, un bel exemple étant, d’ailleurs, le batiment de l’ancienne « Maison de la Culture de la Province de Namur », dont l’édification fut entammée en 1957 par l'architecte belge Victor Bourgeois (1897-1962), inaugurée en 1964, avant d’être rénovée, pour nous offir depuis 2019, l’actuel « Delta ».
Un « Delta », où nous découvrons quelques oeuvres particulières, dont la création d’une artiste belge, née au Royaume-Uni, Ann Veronica Janssens (°Folkestone/1956), qui ayant représenté la Belgique, en 1999, à la « Biennale de Venise », nous propose, ici, « Blue Light » (2011), un cube en verre, contenant de l’huile de parafine, qui permet, en son sein, l’apparition d’une surface bleue, émanant d’une sérigraphie que nous ne pouvons voir. Cette oeuvre, d’un bon poids – 80 kilos -, ayant demandé trois heures de montage, aucune petite poussière ne pouvant être présente.
C’est à cette même artiste que nous devons l’oeuvre illustrant la couverture du catalogue et l’affiche de l’exposition , « Ax » (2006), un anneau lumineux en led blanc, d’un diamètre de 52 centimètres.
Alice Janne (°Namur/1985), une artiste locale qui – diplômée de l’ « ERG » (« Ecole de Recherche Graphique »), reçut, en 2012, le « Prix du Public de la jeune artiste la plus talentueuse » du « Concours Médiatine Art Libre » – nous présente, ici, « Rose, Vert, Violet » (2022), une installation en techniques mixtes, mettant en lumière les traces laissées par notre société de consommation.
Plusieurs créations de Guy Mees (1935-2003), formé à l’« Académie des Beaux-Arts » d’Anvers, nous sont présentées, dont « GM-311 Espace perdu » (1965), une création de 1m20 de diamètre, réalisée en dentelle et en bois, avec un néon bleu en son centre, ainsi qu’un ensemble de trois duos de papier colorés, intitulés « Espace perdu GM-051 » (1983), « GM-070″ (1984) et « GM-067 » (1989), Anaël Lejeune ayant insisté sur l’importance des espaces entre les morceaux de papier, ces espaces faisant partie de l’installation.
N’oublions pas de citer la « Stèle 29*29*165 » (1989 & 2020), de Jacqueline Mesmaeker (°Uccle/1929), un bloc parallépipède, en béton vibré, créé à la hauteur de l’artiste (1m65), contenant un chandelier à cinq branches, forcément invisible à l’oeil nu, mais révélé par un photogramme, cinq gammagraphies de ce chandelier faisant partie de l’installation, telle qu’elle fut présentée, en 1990, à Bruxelles, par la « Galerie Guy Ledune », alors que la « Stèle » seule, avait été présentée, l’année de sa conception, en 1989, à Maastricht, au pied du jubé de l’église Saint-Augustin.
A noter qu’en 2020, pour être exposée au « Palais des Beaux-Arts » (« Bozar »), à Bruxelles, à l’occasion de l’exposition monographique « Ah quelle Aventure », cette « Stèle » connut une seconde conception, avec un nouveau chandelier. La gammagraphie, considérée, désormais, comme dangereuse, étant remplacée par une autre technologie, le « Géoradar GPR ». A Namur, en 2022, nous découvrons, également, une photographie « Polaroïd », dévoilant la « Stèle » originale.
Enfin, notons que le lauréat, en 1976, du « Prix de la Jeune Peinture », Willy De Sauter (°Dudzele/1938) est venu au « Delta », afin d’y réaliser, "in situ", une installation, qui se caractérise par « une recherche d’ordre et de structure, dans une tentative d’atteindre jusqu’à l’essence de la peinture » (catalogue/p.82)
Comme nous l’écrit l’artiste malonnois Bernard Boigelot, professeur retraité de l’ « Académie des Beaux-Arts » de Namur : « La particularité du minimalisme c’est de concevoir, avec des moyens épurés, une installation en symbiose pour un lieu précis », ce qui est fort bien réalisé au « Delta », même si, de l’avis de Bernard Boigelot, au « Delta » : « Plusieurs oeuvres s’intègrent davantage à d’autres mouvements (que l’art minimaliste/ndlr), tels que l’art abstrait, l’art conceptuel, l’art optique et l’art povera ». A chacun de se faire son avis !
Une quarantaine d’oeuvres sont exposées sur deux étages du « Delta », réalisées par Felix de Boeck, Jan De Cock, Luc Coeckelberghs, Amédée Cortier, Jo Delahaut, Lili Dujourie, Willy De Sauter, Pierre-Louis Flouquet, Francine Holley, Alice Janne, Ann Veronica Janssens, Bernd Lohaus, Guy Mees, Marc Mendelson, Jacqueline Mesmaeker, Jozef Peeters, Jules Schmalzigaug, Victor Servranckx, Camiel van Breedam, Edmond Van Dooren, Philippe Van Snick, Georges Vantongerloo, Guy Vandenbranden, Dan Van Severen, Didier Vermeiren et Marthe Wéry.
Ouverture : jusqu’au dimanche 17 avril, du mardi au vendredi, de 11h à 18h, le samedi et le dimanche, de 10h à 18h. Prix d’entrée (incluant l’accès à l’espace muséal présentant, entre autres, des oeuvres de l’artiste namuroise Evelyne Axell {1935-1972}) : 5€ (0€, pour les moins de 12 ans, les étudiants des écoles de la Province de Namur, les enseignants, les « Art. 27 », les « Pass Museum » & pour tous, les dimanches 6 mars et 4 avril / réductions pour les détenteurs d’un « Pass Delta »). Réservations recommandées : via le site web. Obligations sanitaires (qui pourraient être adaptées en mars) : port d’un masque buccal (dès 12 ans), présentation de son « Covid Safe Ticket » (dès 16 ans) & d’une pièce d’identité. Catalogue : Xavier Canonne – docteur en Histoire de l’Art et de l’Archéologie, directeur du « Musée de la Photographie de la Fédération Wallonie-Bruxelles -, avec un avant-propos d’Anaël Lejeune/Ed. « Ronny Van de Velde »/cartonné/120 p./30€ {réductions avec le « Pass Delta »}). Contacts : 081/77 67 73. Visites guidées : mediation@ledelta.be. Site web : http://www.ledelta.be.
A noter qu’à 400 m du « Delta », sur la place d’Armes, dans la « Belgian Gallery », nous pouvons découvrir d’autres oeuvres minimalistes, celles de l’artiste belge Cindy Wright (Herentals/°1972).
Ouverture : le samedi, de 14h à 18h & en semaine, sur RDV. Entrée libre. Contacts : info@belgiangallery.com & 0486/82.52.10. Site web : www.belgiangallery.com.
Yves Calbert.