Jean Brankard / J.M Darte: "quand la Meuse tombait du ciel à Houffalize"
RIP Jean Brankard. Houffalize. Souvenir de la Meuse qui tombait du ciel
Le momallois Jean Brankard était la célébrité la plus connue à Houffalize au milieu des années 50. Oui, de Momalle, près de Liège.
Il est mort en ce mois de juillet 2020, âgé de 90 ans.
Un coureur cycliste wallon en qui on voyait le premier vainqueur belge du Tour de France depuis l’avant-guerre. Après lui, il faudra attendre Eddy Merckx.
Nous serons bref sur ses exploits ; ses contemporains auront été émus rien qu’au rappel de son nom.
Limitons-nous à dire qu’il fut 2e du tour de France de 1955, derrière Louison Bobet et devant Charly Gaul.
Qu’il était capable d’exploits contre la montre s’est montré excellent grimpeur en concurrence avec Charly Gaul, notre voisin luxembourgeois qui accumula les surnoms de Grimpeur ailé ou de l'Ange de la montagne.
Quand la Meuse nous tombait du ciel
Dans les années 50 les gens lisaient le journal. Plus que maintenant. Et ils avaient la radio.
La radio, qu’on appelait la TSF (téléphonie sans fil). Des postes raccordés au secteur comme on en voit dans les films français de la guerre avec les résistants agglutinés à l’écoute de Londres.
La technique n’avait donc guère évolué, avant l'avénement des transistors sur piles qui vous ont accompagnés partout, les ouvriers sur les chantiers, les bûcherons dans les bois.
Le reporter de l’INR (Institut national de radiodiffusion – donc avant la télévision) s’appelait Luc Varenne. Une voix incomparable, des commentaires passionnés, un débit de parole volubile. Un chauvinisme bien trempé.
Il faisait le reportage sur la ligne d’arrivée, aucun commentaire n’était transmis en direct de la course.
Et une heure pile après l’arrivée de l’étape du Tour de France un avion survolait Houffalize et, en rase-mottes au Thier des cochons et sur les hauteurs sous la chapelle St-Roch, il lâchait un paquet de journaux La Meuse.
On n’imagine pas l’exploit journalistique et technique.
La transmission des informations se faisait par télex, la composition sur le marbre. En imprimerie, rien n’avait évolué depuis le début du siècle. Ni fax ni photocopies. Et qui pourra dire aujourd’hui comment les gazettes sorties des presses du boulevard de la Sauvenière embarquaient dans un coucou vers les plateaux ardennais.
L’encre n’était pas encore fraîche, comme dit l’expression, quand le journal était distribué chez les clients dans toutes les rues de Houffalize.
Étaient énumérés les noms des coureurs dans les classements de l’étape et au général. Les comptes horaires. Le maillot à pois, le maillot vert. Le reportage de l’arrivée. Les équipes étaient formées « par pays » et non « par marques commerciales », ce qui correspondait bien au nationalisme d’après la guerre.
Jean-Marie Darte
C’est Jean-Marie Darte qui était préposé à la réception du paquet largué dans un champ de la ferme Peters de Randoux ou de la ferme Maron de la baraque Cawet. C’est-à-dire une pâture entre la route de Mabompré et la chapelle St-Roch. Il avait une douzaine d’années. Un collègue du même âge faisait pareil en face du château Steinbach.
Jean-Marie nous a révélé quelques détails encore méconnus
Écoutons-le.
En voyant l’avion au loin je devais faire des grands signes en sautillant et tenant un objet bien voyant à bout de bras.
Il fallait surtout éviter une zone herbeuse marécageuse autour de la source du Bouiltè.
Mais il est arrivé que le paquet de gazettes ne sache éviter le plus grave, une grosse flatte, une bouse de vache. Imaginez la tête des lecteurs.
C’est à ce moment que Jean-Marie pense à nous préciser que le papier du journal était rose !
Puis il lui allait au pas de course faire la tournée dans sa moitié des rues de la ville. Tout à pied.
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C’était l’époque de Jean Brankart. Nul doute que le journal liégeois La Meuse y fut pour beaucoup dans la notoriété du champion de Momalle. Et Jean-Marie Darte aussi au niveau houffalois: il s’en rend compte seulement plus de 60 ans plus tard !
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Lorsqu’enfin un Belge a remporté un Tour, les techniques avaient bien évolué. Il y avait la télévision et ce jour-là le premier homme marchait sur la lune.
René Dislaire © Houffalize, le 2 août 2020
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