Les 20 ans de "La Piscine", à Roubaix, fêtés jusqu'au 06 Février

écrit par YvesCalbert
le 26/01/2022

« On n’a pas tous les jours 20 ans » (Léon Reiter/1893-1978), voici qui qui doit nous inciter à nous rendre à  Roubaix, afin de (re)visiter le « Musée d’Art et d’Industrie André Diligent », plus connu sous le nom de « La Piscine », inauguré le 20 octobre 2001, au sein d’un lieu « Art déco » désafecté, qui avait hébergé l’ancienne piscine municipale roubaisienne, édifiée entre 1927 et 1932, par l’architecte - directeur, de 1914 à 1918, de l' "Académie des Beaux-Arts de Lille" - Albert Baert (1863-1951), à l'initiative du Maire de Roubaix, Jean Lebas (Jean-Baptiste Lebas/1878-1944/Ministre des PTT, puis du Travail, entre 1936 et 1938/décédé en déportation).

Lisons ce que Bruno Gaudichon (°Thouars/1956), conservateur depuis 1990, écrivit à l’occasion de cet  anniversaire « Le début a été porté par le public régional, qui a trouvé qu’à la fois, l’histoire sociale et la réalité architecturale du lieu racontaient le Nord. Quand vous habitez la région, si vous avez de la famille, des amis qui viennent, c’est devenu un des sites références à aller voir … Cela apparaît a beaucoup de gens comme un lieu de vie. On ne vient pas là pour se cultiver, au sens académique du terme, on vient aussi pour un moment de plaisir, et ça nous aide beaucoup. Il faut qu’on continue à étonner. »

En 2018, « La Piscine » accueillait près de 300.000 personnesquelques 4 millions de visiteurs ayant, en 20 ans, découvert « La Piscine », des travaux ayant agrandi le musée de 2.300 m2, de la pose de la première pierre, le 10 décembre 2016, jusqu’à la réouverture intégrale, le mercredi 19 mai 2021, le budget total octroyé  ayant été de 9,3 millions d’Euros.

Bordant les anciennes cabines de bain, dans lesquelles nous découvrons des éléments historiques du musée – sélectionnés et scénoraphiés par deux artistesJacqueline et Jean-Etienne Grislain -, nous trouvons une ligne du temps, illustrée de nombreuses photographies, résumant les vingt premières années de la vie intensive de ce haut lieu de culture, mettant en évidence la programmation et les acquisitions fondamentales.

Avant d’accéder à cette ligne du temps et à ces cabines« La Piscine » a tenu à mettre à l’honneur « La petite Châtelaine », sculptée par Camille Claudel (1864-1943), considérée comme étant l’emblême, la « Joconde » du  musée, celle-ci étant entourée de détournements de cette oeuvreréalisés par des enfants des ateliers du mercredi  (illustrant le travail de la compétente équipe d’animation du musée) et par des artistes contemporains (Violaine Desportes, Hugo Laruelle, Hugo Villaspasa, …).

A noter que pour la création de « La petite Châtelaine », c’est Marguerite Boyer, la petite-fille de la propriétaire du Château de L’Isiette, qui posa durant 62 heures, ce buste ayant été acquis, en 1995, à l’occasion de la première souscription publique d’un musée français pour une sculpture.

Expositions temporaires à découvrir, jusqu’au dimanche 06 février :

*** « Alexej von Jawlensky (1864-1941) – La Promesse du Visage »

Peintre russe, compagnon de route de Vassily Kandinsky (1866-1944) durant la première décennie du XXè siècle, Alexej von Jawlensky a participé à la modernité, en faisant l’expérience des frontières entre expressionisme et fauvisme, entre figuration et abstraction.

« Après avoir peint ces variations pendant quelques années, j’éprouvais le besoin de trouver une forme pour le visage, car j’avais compris que la grande peinture n’était possible qu’en ayant un sentiment religieux », écrivit-il.

À son arrivée à Munich (1896) Alexej Jawlensky assimile, avec une rapidité étonnante, toutes les leçons de l’avant-garde, à savoir les impressionnistes, Vincent Van Gogh (1853-1890), Paul Cézanne (1839-1906). Rapidement, toutefois, il arrive à une synthèse personnelle entre fauvisme et expressionnisme, qui révèle son talent exceptionnel de coloriste. En 1909, il est le fondateur, avec son ami Vassily Kandinsky, d’un groupe artistique déterminant pour l’histoire de la modernité, « La nouvelle Association ».

Artiste trop méconnu en France et en Belgique – alors qu’il est considéré, en Allemagne, aux Etats-Unis et en Suisse comme étant un peintre majeur de la première moitié du XXè siècle -, ses peintures, exposées à Roubaix – avec toute la force de la couleur -, ont de fortes chances de frapper aux coeurs les amateurs de beauté – de portraits, essentiellement -, qui se révèlent particulièrement marquants à nos yeux, à une triste époque, où, masqués de force, par sécurité sanitaire, nous ne pouvons plus découvrir les traits de nos visages …

A une époque où l’abstraction dominait, les visages d’Alexej Jawlensky constituèrent une révolution picturale, peinte avec des palettes de couleurs incandescentes, mêlant le jaune d’or au bleu azur, le noir profond au rouge carmin, autour de variations presque musicales.

Notons que des toiles de ses débuts, natures mortes et paysages, sont également exposés à « La Piscine ». Ayant étudié à l’ « École des Cadets », à Moscou, il fréquenta, ensuite, l’ « Académie impériale des Beaux-Arts », à Saint-Pétersbourg, avant de devoir se retirer en Suisse, durant la premiièe guerre mondiale.

*** « Susanne Hay-A la Piscine »

Trouvant fort justement leurs places au sein de « La Piscine », les peintures de l’artiste allemande Susanne Hay  nous présentent des … nageurs., confirmant son intérêt pour le corps humain, sa sensibilité,  ses souffrances,  son intimité, et le mystère des passages d’un état à un autre, entre tragique et burlesque, entre vision et réalité,  entre vie et mort, tout en entretenant un dialogue continu avec l’histoire de l’art.

S’étant formée artistiquement, en 1982-1983, à la « Kunstakademie », à Stuttgart, puis de 1983 à 1989, à l’ « Ecole  nationale supérieure des Beaux-Arts », à Paris, elle fait dire à Bruno Gaudichon : « Son style est le réalisme, avec un travail de dessin très poussé. »

La série de tableaux de nageurs, réalisés in situ, en 1996, dans une piscine publique parisienne, affirme des  couleurs vives, la solitude et la détresse des sportifs représentés dans un vaste espace y étant accentuées. Il s’agit d’hommes introvertis, perdus dans un lieu de sport et de loisirs, êtres étranges et mystérieux, si loin, si proches de  notre quotidien.

Une autre série d’huiles sur toile fut réalisée durant de longues séances de poses, consacrées à des personnes prenant leur douche, dans l’intimité d’une salle de bain. Il ne s’agit pas simplement d’incitations indiscrètes transformant le spectateur en complice voyeur, mais de mises en scène, en dépit des apparences contraires. Une  relation sensuelle et régénératrice s’établit avec l’eau, des compositions évoquant des rites d’initiation, de  purification, de passage, et de régénération de la vie.

*** « Jean François Fouilhoux-Le Chant de la Terre »

Le céramiste français Jean-François Fouilhoux (°1947) est l’un des rares artistes occidentaux reconnus, en Chine, comme Maître de Céramique. Consacrant son art et sa technique à la maitrise du céladon, une céramique millénaire et délicate que Jean-François Fouilhoux grave son génie.

« Il y a deux approches dans mon travail. La première, c’est la matière, ces céladons chinois, qui ont déclenché 30 ans de recherches, pour maîtriser cette technique, qui piège la lumière et engendre d’incroyables reflets. La seconde, c’est ma manière de sculpter. On peut comparer cela à de la calligraphie, à des signatures laissées dans la terre, avec la même nervosité, la même tension, le même dynamisme et les mêmes expressions caractéristiques des belles écritures », nous confie Jean-François Fouilhoux.

*** « 180 Ans d’ ‘ESMOD’ Héritage et Patrimoine »

Nous relevons un second anniversaire dans l’enceinte de « La Piscine », avec, au 1er étage, une exposition célébrant les 180 ans de l’ « ESMOD » (« École Supérieure des arts et techniques de la Mode »), une institution fondée, en 1841, par Alexis Lavigne (1812-1886), maître tailleur et amazonier de l’Impératrice Eugénie (María Eugenia Ignacia Agustina de Palafox y Kirkpatrick/1826-1920).

Les relations avec cette école supérieure remonte à une exposition textile, « Les États du Lin », organisée, en 1991, en préfiguration à la naissance du Musée. Depuis 2007, « La Piscine » décerne un Prix « Coup de Cœur » à un étudiant de dernière année, dont des pièces intègrent les riches collections de mode du musée, aux côtés des créations de Chanel, Dior, Lanvin, Saint-Laurent, …

*** « Didier Knoff-Les Visages de nos 20 Ans »

Parce que « La Piscine » ce sont, aussi, des personnes et des visages, nous trouvons les portraits de 20 jeunes de la métropole, qui fêtent leurs 20 ans en même temps que le musée, ce travail du photographe roubaisien Didier Knoff (1947) nous étant proposé dans le jardin d’accueil, nous emmennant à l’entrée de « La Piscine ».

*** « Belles Feuilles & petits Papiers »

“Le dessin est la probité de l’art” déclarait Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780-1867). Aussi, dans ses deux cabinets de dessins, au premier étage, « La Piscine » nous présente, comme à son habitude, diverses œuvres sur papier.

Ouverture : jusqu’au dimanche 06 février, du mardi au jeudi, de 11h à 18h, le vendredi, de 11h à 20h, le samedi & le dimanche, de 13h à 18h. Prix d’entrée (incluant la colllection permanente) : 11€ (9€, en tarif réduit / 0€, pour les moins de 18 ans, les demandeurs d’emploi, les personnes en situation de handicap et un accompagnateur, les mutilés de guerres et du travail), les « amis du musée », les étudiants, tous les vendredis, ainsi que pour tous, tous les vendredis, de 18h à 20h). Prix couplés : avec « La Manufacture – Roubaix » : 13€50, avec « La Villa Cavrois », à Croix : 16€50. Restaurant : ouvert, du mardi au dimanche, de 12h à 17h. Audio-guide (pour la collection pemanente) : 1€. Obligations sanitaires : port d’un masque buccal (dès 6 ans), présentation de son Covid Safe Ticket (dès 16 ans) et d’une pièce d’identité. Contacts : 00.33/3/20.69.23.60. Site web : http://www.roubaix-lapiscine.com.

A souligner la présence, au centre du Musée de l’excellent « Restaurant Méert », aux origines belges, la famille Méert étant flamande. L’un des leurs, Michael Paulus Gislenus Méert créa, à Lille, en 1849, la douce gourmandise iconique de la« Maison Méert » – fondée il y a 345 ans, en 1677 -, la « Gaufre Méert » ou « Gaufre de Lille », une pâtisserie briochée, garnie d’une pâte à la vanille de Madagascar. Par ailleurs, depuis 2004, nous pouvons déguster, aussi, la « Gaufre EphéMéert », aux parfums et accords délicats et subtils, tels, actuellement, citron et agrumes, framboise, griotte et pistache, marron, praliné riz soufflé, speculoos, …

Des plaisirs de la bouche, passons à ceux de la lecture, la boutique de « La Piscine » étant particulièrement bien achalandée, nous proposant, entre autres, les catalogues, fort bien illustrés, des différentes expositions temporaires, ainsi qu’un superbe ouvrage, édité à l’occasion de ses 20 ans : « La Piscine, Musée d’Art et d’Industrie André Diligent » : (Ed. « Gallimard »/collectif d'auteurs/broché/2021/photos de 640 pièces, de l’histoire et de la vie du musée/384 pages) : 29€.

Yves Calbert.

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