"Surréalisme, pour ainsi dire ...", au "Musée de la Photographie", à Mont-sur-Marchienne, jusqu'au 26 Janvier
En 2024, à l’occasion du centenaire du « Manifeste du surréalisme », rédigé, en 1924, par André Breton (1896-1966), nombre d’expositions furent organisées, à Bruxelles, dont « Imaginer ! 100 Ans de Surréalisme international », aux « MRBAB » (« Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique ») ou encore « Histoire de ne pas rire. Le Surréalisme en Belgique », au « Palais des Beaux-Arts » (« Bozar »), dont le commissaire et co-auteur du catalogue était Xavier Canonne, docteur en histoire de l’art, directeur du « Musée de la Photographie » carolorégien.
C’est à ce titre, tout à fait naturellement, que ce dernier a tenu à prolonger cette année du surréalisme, en présentant, jusqu’au dimanche 26 janvier, dans son superbe musée de Mont-sur-Marchienne, son exposition de photographies, intitulée : « Surréalisme, pour ainsi dire … »
*** « Surréalisme, pour ainsi dire … » :
« Il est déjà difficile de définir le surréalisme. Dès lors, définir ce qu’est une photo surréaliste paraît encore plus compliqué », nous confia Xavier Canonne.
A « Bozar », il nous avait confié « Le surréalisme en tant que mouvement dépasse simplement l’image et ça, c’est quelque chose peut-être que l’on oublie : s’il a duré aussi longtemps en Belgique, c’est parce que c’est un mouvement de pensée, c’est un mouvement politique, un mouvement philosophique, pas seulement un mouvement artistique. »
« Comment donc ne s’est-on pas aperçu qu’avant d’être une doctrine le surréalisme est, fondamentalement, une attitude de l’esprit ? », écrivit le poète bruxellois Paul Nougé (1895-1967), auteur d’une photographie mise en valeur au « Musée de la Photographie », « Le Bras révélateur » (1929-1930).
« Exceptionnellement présentée dans les deux principales salles du musée, cette exposition ‘Surréalisme, pour ainsi dire …’ se décline en douze sections, arbitrairement composées en thématiques, tout aussi arbitrairement dénommées, le dispositif dérogeant de sorte à la présentation alphabétique ou chronologique », nous disait Xavier Cannone, en introduction de la visite de presse.
« Surréalisme, pour ainsi dire … », ce titre énonce les précautions autant que la difficulté à définir une production « labellisée », à tracer les frontières d’une « photographie surréaliste », l’intention de l’auteur comme de son sujet n’étant pas toujours les plus sûrs des critères, pas plus que l’appartenance à l’un des groupes surréalistes, celle-ci pouvant être de durée et d’époque variables.
A notre époque, nombre de personnes pourront être choquées par une photo, présentée en tout grand format, extraite d'un film de Luis Bunuel (1900-1983), co-scénarisé par Salvador Dali (1904-1989), "L'Âge d'Or" (France/ 1930/60'/avec, entre autres Paul Eluard, Max Ernst & Pierre Prévert, film classé, en 1949, par la "Cinémathèque française", parmi les "cent chefs d'oeuvre du cinématographe"), l'écrivain & poète suisse Freddy Buache (1924-2019) ayant écrit : « Luis Buñuel a jeté, avec 'L'Âge d'Or', le seul vrai cri, le plus inimitable hurlement en faveur de la liberté humaine de toute l'histoire du cinéma. Ce film brille d'un éclat incomparable au ciel du septième art : c'est l'étoile sur laquelle tous les cinéastes, épris d'indépendance à l'égard des idées reçues ou à l'égard des bons sentiments routiniers peuvent et pourront toujours orienter leur difficile navigation », alors que l'archevêque de Paris, Jean Verdier (1864-1940) déclarait : « Film injurieux pour la patrie, la famille et la religion », Xavier Canonne tenant, sourire aux lèvres, à rassurer tout en chacun : "La jeune dame, sur les genoux du Grand Saint était majeure" ...
Raoul Ubac (Rudolf Gustav Maria Ernst Ubach/1910-1985) accueille le hasard dans la production de ses images. Il se livre à des expérimentations techniques et recourt à divers procédés – le brûlage, la solarisation, la surimpression, … – qui confèrent à l’image une impression de voilage, comme dans sa création, « Nébuleuse » (1939).
Comme nous pouvons, aussi, le constater au sein du « Musée Magritte », le peintre belge René Magritte (1898-1967) réalisa un beau nombre de photographies surréalistes, le "Musée de la Photographie" lui ayant consacré une exposition, en 2020, « René Magritte. Les images révélées ».
De son côté, l’écrivain belge Marcel Mariën (1920-1993) aimait habiller des dos nus féminins de textes, qu’il photographiait ensuite, comme cette pensée : « Muette et Aveugle, me voici habillée des Pensées que tu me prêtes » (ca 1940-1945).
Outre bien d’autres oeuvres surréalistes – parfois des collages -, dont celles des artistes belges Léo Dohmen (1929-1999) & Marcel Lefrancq (1916-1974), français Pierre Malinier (1900-1976), tchécoslovaque Jindřich Štyrský (1899-1942) ou américain Man Ray (1890-1976), le commissaire de cette exposition, Xavier Canonne, tient à nous présenter divers catalogues, ouvrages, publications et revues, qui furent le principal vecteur de diffusion de la photographie surréaliste quand elle ne faisait encore l’objet d’un marché.
Parmi ces publications, notons le magazine belge « Variétés », éditée de 1928 à 1930, sous la direction du journaliste et éditeur belge Paul-Gustave Van Hecke (1887-1967), qui aborde, avec audace, la photographie comme un moyen d’expression osé et novateur. Dans un jeu suggestif de collages surréalistes, les photos se jouxtent dans des combinaisons à la fois surprenantes et étrangement bizarres, si bien que « Variétés » s’imposa comme une véritable anthologie de la « Nouvelle Photographie », en tant que discipline artistique moderne et indépendante.
Nous découvrons, également, des exemplaires de la revue française « Minotaure », éditée de 1933 à 1939, sous l’impulsion conjointe du critique d’art grec « Tériade » (Stratis Eleftheriadis/1897-1983) & de l’éditeur suisse Albert Skira (1904-1973), la couverture du premier numéro ayant été créée par Pablo Picasso (1881-1973).
*** « Pol Pierart. De Progrès ou de Force » :
Présent lors de la visite de presse, Pol Pierard (°Liège/1955) étudia, de 1972 à 1978, la peinture décorative, à
l’ « Académie royale des Beaux-Arts », à Liège, ayant choisi la photographie en option. Ayant présenté un film, en 2011, à la « Biennale d’Art », à Venise, il avait exposé ses clichés, en 2002, aux « Rencontres internationales de la Photographie d’Arles ».
Alors qu’il exposait, en 2019, au « Salon d’Art », à Bruxelles, Xavier Canonne l’avait présenté en ses termes : « Trente ans qu’il fixe par la photographie, sans jamais se renier, un petit théâtre cent fois monté et démonté, comme les tréteaux des baladins portés autrefois de ville en ville. Tout son monde est là, qui tient en ces objets exhumés du fond des tiroirs, oubliés, râpés, mutilés parfois, agrémentés de mots qu’il dispose à leurs côtés.
Images simples et efficaces qui disent sa force et sa fragilité, ses colères et ses illusions ; images puissantes à la mesure de sa déception, images tendres parfois au reflet de ses espoirs, petites images aux grandes ambitions, qu’un format de carte postale sert tellement mieux que de flatteurs agrandissements ; justes images en aphorismes photographiques qui sont, plus que celles d’un moraliste, les sentences d’un philosophe qui, à la fin de l’envoi, parvient toujours à nous toucher … Telle une ombre, Pol Pierart se met quelques fois en scène dans ses images, sans souci d’autoportrait, usant de son visage, de son corps à l’égal des objets, signe entre les signes, exhibant aussi mots et maximes qu’il tend entre le paysage et notre regard. Sa tâche est ample : mettre le doigt où saigne le monde, donner une apparence à ses blessures, et rendre visible l’absurdité de l’existence, où la conscience de l’inévitable mort devrait pourtant suffire à réduire bien des ambitions, des méfaits. »
*** « Hongsuk Ahn. Till the Humming sleeps », à la « Galerie du Soir » :
Pour cette période d’expositions temporaires, notre collègue du « Soir » Jean-Marie Wynants tient à nous présenter le travail d’ Hongsuk Ahn, un jeune Coréen, récemment diplômé de la section photographie de l’ « École nationale supérieure des Arts Visuels La Cambre ». Né en Corée du Sud, c’est dans son pays qu’il effectua ses premiers pas universitaires dans le domaine artistique.
Il nous confia : « J’y pratiquais notamment la photographie et c’est dans cette Université coréenne qu’un professeur, diplômé de 'Paris VIII' (une Université sise à Saint-Denis, héritière du « Centre universitaire expérimental de Vincennes »/ndlr) m’a conseillé de poursuivre mes études à l’étranger. Trois ou quatre ans avant, j’avais commencé à photographier avec un moyen format ‘Hasselblad’. Il s’agissait essentiellement de paysages et c’était une chose que je faisais uniquement pour le plaisir. Avant cela, j’avais sans doute fait quelques images avec le petit appareil qu’utilisait mon père. »
« J’ai une sœur qui a étudié la peinture en Corée. Elle a été diplômée il y a 5 ans et poursuit son travail dans notre pays. De mon côté, j’ai voulu tenter l’aventure à l’étranger et plus particulièrement en France. Je suis donc parti étudier les beaux-arts à Aix-en-Provence. Il ne s’agissait pas d’une formation consacrée à la photographie mais plutôt à l’image en général, avec notamment un large aspect théorique. Et à partir de ça, j’ai commencé un travail de dessin, tout en poursuivant la photographie, mais plutôt pour le plaisir … À travers l’exploration du langage photographique, je cherche à interroger la structure et les conditions du travail de l’image. »
Et Jean-Marie Wynants d’ajouter : « Un travail de l’image au sens très large puisqu’à côté de la photographie, ce jeune homme plein de ressources poursuit le dessin, mais se tourne aussi, selon les besoins et les envies, vers la vidéo ou la performance. »
*** « Jérôme Cortie. Paradise », dans la « Boîte noire » :
Traditionnellement, c’est un travail de vidéo qui nous est présenté dans la « Boîte noire », le choix s’étant porté cette fois sur « Paradise » (15’24/2022), un court-métrage réalisé par le jeune artiste français Jérôme Cortie (°Aubervilliers/1992)
Synopsis : « Lorsque sa mission scientifique s’achève, un satellite chargé de surveiller l’évolution du climat chute à près de 28 000km/h vers une Terre dévastée. Dans cette course folle, il rencontre une guide opérant pour ‘Pèlerin’ , agence de tourisme de l’apocalypse, qui propose aux survivants des expéditions vers des lieux sensationnels. »
Par un jeu de mises en perspective historique et d’association de références accidentelles, Jérôme Cortie interroge la perception de notre environnement et de sa sauvegarde. Ces recherches se déploient principalement sous des formes hybrides d’installations, de vidéos ou de jeux vidéo, où les questions d’interactivité et d’expériences partagées sont centrales.
Diplômé de l’ « École nationale supérieure Louis-Lumière », à Sant-Denis, de « Sciences Po », à Paris, ainsi que du « Studio national des Arts contemporains-Le Fresnoy », à Tourcoing, où Jérôme Cortie présenta, en 2022-2023, ce même « Paradise », produit par « Le Fresnoy », à l’occasion de l’exposition « Panorama 24 », ce travail ayant été présenté, également, en 2021, aux « Rencontres de la Photographie d’Arles » et, à Paris, au « Jeu de Paume », ainsi qu’en 2023, à « La Villette ».
Ouverture de ces 4 expositions : jusqu’au dimanche 26 janvier, du mardi au vendredi, de 09h à 17h, le samedi et le dimanche, de 10h à 18h. Prix d’entrée (incluant l’accès aux collections permanentes) : 8€ (6€, par senior ou par membre d’un groupe / 4€, pour les étudiants {dès 12 ans}, enseignants, personnes à mobilité réduite et demandeurs d’emploi / 1€25, pour les « Art. 27 » / 0€, pour les moins de 12 ans). Détenteurs d’un « museumPASSmusées » : accès gratuit aux collections permanentes / pour les expositions temporaires : 4€ (2€50, en prix réduit). Visite guidée : samedi 25 janvier. Contacts : 071/43.58.10. Site web : https://www.museephoto.be/.
Cette visite des expositions temporaires nous permet de (re)découvrir les très nombreuses photographies des collections permanentes, incluant, notamment, la reconstitution d’un studio supposé dater des débuts de la photographie.
Prochaines expositions temporaires : du samedi 01 février jusqu’au dimanche 18 mai : « Studio Stone », « Portraits retrouvés. Jean-Marc Wull », « Elle se fera Caresse. Lucie Pastureau », « Les Traces. Pablo Briones » & « Quartier Jean-Bart Guynemer. Loreda Marini ».
Yves Calbert.