Retour cinématographique des "Vieux Fourneaux" : "Bons pour l'Asile"
« Connus pour être frondeurs, « Les Vieux Fourneaux » sont aussi des personnages emplis d’une grande humanité, que l’on se réjouit de retrouver dans cet esprit anar et militant de la BD originale » (« Les Grignoux ») !
Les voici de retour, dans un second long-métrage, « Bons pour l’Asile » (Fra./2022/97′), réalisé, en 2022, par Christophe Duthuron (°Marmande/1973), inspiré du tome 5 de la série de bandes dessinées, éditée par « Dargaud », en 2018, créée par Paul Cauuet (°Toulouse/1980), pour le dessin, et Wilfrid Lupano (°Nantes/ 1971), pour le scénario, ce dernier étant le scénariste des deux films. Ensemble ils préparent le tome 7 : « Chauds comme le Climat »
Synopsis du film « Bons pour l’Asile » : « Pour venir en aide à des migrants qu’il cachait à Paris, Pierrot conduit ‘Les Vieux Fourneaux’ dans le Sud-Ouest, chez Antoine qui lui-même accueille déjà Mimile, en pleine reconquête amoureuse de Berthe. Nos trois héros deviennent consultants d’une campagne électorale que Larquebuse, le maire de Moncœur n’est pas prêt d’oublier … »
Comme pour le premier film, simplement intitulé « Les Vieux Fourneaux » (Christophe Duthuron/Fra./2018/87′), dans la distribution, nous retrouvons Pierre Richard (né Pierre-Richard Maurice Léopold de Fays/°Valenciennes/ 1934) et Eddy Mitchell (né Claude Moine/°Paris/1942). Pour interpréter le troisième des « Vieux Fourneaux », son interprête original, Roland Giraud (°Rabat/ 1942) n’étant pas disponible, le rôle est tenu par Bernard Le Coq (°Le Blanc/1950).
Qu’en dit le scénariste, Wilfrid Lupano ?
« Lorsque j’arrivais sur le plateau, deux ou trois fois par semaine, sans rôle précis, j’éprouvais de l’émotion. C’est très touchant de réaliser que, pour que les scènes que j’ai imaginées existent, au moins 80 personnes sont à pied d’œuvre depuis les aurores et qu’elles bossent pour résoudre toutes sortes de problèmes, cela au milieu d’un bric-à-brac invraisemblable de matériel et de costumes. Une deuxième lame de fond d’émotion arrive lorsque je vois ensuite les comédiens à l’image. Ils sont la partie émergée de l’iceberg qu’est un tournage de film. »
« Pierre est quelqu’un de très engagé et qui s’emporte facilement. Quand j’ai écrit le volet n°2, j’avais tout le temps
sa voix en tête. Je savais comment il allait balancer les répliques. Sur le plateau, c’est une boule d’énergie. Il a un
appétit de jouer ‘estomaquant’. »
Qu’en dit le réalisateur, Christophe Duthuron ?
« Je souhaite que ce second volet soit ouvert à tous, malgré son thème. Je ne le voulais pas moralisateur, ni destiné à prêcher des convaincus. Il laisse ouvert le débat et ne pose que la question de la dignité. Il donne une autre façon de voir les choses, comme une vigie. Il plante une graine. J’espère. »
« Avec Wilfrid, on a parlé ensemble de la structure du scénario, de sa thématique, de sa mise en image, ..., mais,
ensuite, Wilfrid a écrit seul. Quand il a eu fini, il m’a fait lire son texte. Nous en avons discuté, beaucoup
échangé, pris des décisions communes… qu’il est reparti mettre en forme. Bref, c’est lui qui tient le stylo. Et sur
le plateau, c’est l’inverse. Il regarde, suggère, interroge telle ou telle décision, précise des intentions qui ont pu
m’échapper, et me laisse les ‘interpréter’. Je crois pouvoir dire qu’on se comprend et s’entend très bien. »
« Je ne peux parler que de mon expérience. J’ai essayé d’être absolument fidèle à ‘l’esprit’ de la BD, puisque le langage de cinéma trahit nécessairement la ‘lettre’. Ensuite, je me suis affranchi des plans fixes un peu ‘cases’ que j’avais
utilisés pour le premier. J’ai privilégié l’énergie des acteurs, le jeu, le mouvement. J’ai quand même glissé, dans
chaque séquence, un plan qui pourrait sortir de l’album. »
« Tout le monde a accueilli Bernard à bras ouverts. Il a été formidable. Il s’évertue à faire croire l’inverse, mais il a énormémenttravaillé. Il n’a jamais été question de faire oublier Roland, ou de le copier. Il s’est agi de se rapprocher de l’Antoine de la BD, d’en livrer sa propre interprétation, comme un jazzman qui donne sa version personnelle d’un standard, se l’approprie, l’interprète. Je l’y trouve formidable. »
« À 88 ans, l’appétit de vie de Pierre est intact. Quand le tournage s’est confirmé, il avait très mal au genou. S’il s’était fait opérer, c’était trois mois de rééducation, ça compromettait le film. Il a préféré s’entraîner à marcher avec sa rotule en vrac. Il était très mobile sur le plateau, mais quand même ! Pour le soulager, on a trouvé cette idée de béquille. Je craignais que, malgré son énergie, l’image de la béquille ait une connotation trop médicale, qu’elle soit le rappel permanent d’un empêchement. On l’a donc ‘customisée’ comme un couteau suisse, bourrée de gadgets, à la James Bond, pour qu’elle soit ludique avant tout. Il s’est amusé avec comme un gamin. »
Et Pierre Richard, justement, que pense-t-il ?
« Quand un film vous a comblé et qu’on vous propose d’en tourner la suite avec le même scénariste, les mêmes partenaires et le même réalisateur, qui se trouve être, en plus, votre ami et votre metteur en scène de théâtre, depuis trente ans, on ne peut qu’être heureux. »
« J’étais fou de joie à l’idée de ré-endosser mon personnage de Pierrot. C’est marrant parce qu’il me correspond
tellement bien que j’ai toujours eu tendance à penser que Wilfrid Lupano l’avait écrit pour moi, alors qu’il l’avait créé
pour la BD, bien avant de savoir que je l’incarnerais un jour sur le grand écran. »
« Physiquement, Pierrot est comme moi, un grand dégingandé maladroit, et moralement, on a beaucoup de points communs tous les deux. On a la même vitalité, la même folie douce, le même goût pour l’extravagance et… une propension certaine à exploser à tout bout de champ : j’ai tendance, comme lui, à m’énerver facilement. »
« Un mot encore sur le fond du scénario qui nous avait tous tant touchés. Ce n’est pas tous les jours qu’on est amené à jouer sans aucun misérabilisme, avec autant de loufoquerie et de drôlerie une histoire généreuse et émouvante sur l’accueil et l’intégration de migrants. Merci encore à Wilfrid Lupano d’avoir réussi ce pari là, d’écrire une comédie sur un sujet aussi grave et important. Ça a été un honneur pour nous d’avoir eu à la jouer. »
De son côté, voici le propos d’Eddy Mitchell :
« Le scénario de ce 2è film des ‘Vieux Foureaux’ m’a bien fait marrer. Ce qui ne m’a pas empêché d’être très touché par cette histoire de migrants en galère. Retrouver Pierre n’était pas non plus pour me déplaire, et c’est un euphémisme ! On s’était tellement bien entendus sur le tournage précédent, que j’étais vraiment content de rejouer avec lui. Non seulement il connaît bien la musique (avec lui, ça va vite !) et est d’une inventivité sidérante mais il a cette qualité devenue rare chez les acteurs stars : il est totalement dépourvu d’ego. Ce qui fait qu’on peut s’amuser à le taquiner ou chahuter avec lui. Et en plus, ce qui ne gâte rien, il est un bon vivant. »
« L’équipe technique était du tonnerre. Wilfrid Lupano — dont j’avais adoré le scénario autant pour son extravagance rebelle que pour son point de vue sur l’obligation morale de respecter la dignité des migrants — venait nous voir souvent et, cerise sur le gâteau, mes partenaires étaient tous formidables. On a tourné, si j’ose dire, comme ‘en famille’. »
« Alice est un phénomène. Avec elle, à la cantine, il faut planquer la bouffe et surtout les desserts. C’est une grande dévoreuse. Elle avale tout, sauf… ses répliques. De ce côté-là, elle a la chance d’avoir une mémoire d’éléphant. Pas comme la mienne, qui est plutôt ‘immédiate’, dans l’instant. Chez moi, la nuit efface tout. Je ne me souviens jamais de ce que j’ai appris la veille. Ma grande chance a été que me transformer en Mimile nécessitait deux heures de maquillage. Je pouvais en profiter pour apprendre mon texte. »
Et Alice Pol (°Saint-Pierre, La Réunion/1982), déjà présente dans le premier film, qu’en pense-t-elle ?
« Quand Pierre, Eddy et Bernard jouent, ils ont une vitalité stupéfiante. Ils s’amusent comme des mômes. La semble avoir un pouvoir presque magique sur Pierre. Dès qu’elle s’allume, c’est comme s’il surgissait d’une boîte. On le dirait monté sur un ressort, totalement énergique et dynamique. À 88 ans ! Certains jeunes pourraient en prendre de la graine. »
« Comme le numéro 1, ces ‘Vieux Fourneaux 2’ s’adressent à tout le monde. Le film est chouette, jouissif, rigolo, généreux et, surtout, il montre qu’il est possible de décloisonner les gens qui, aujourd’hui, ont tendance à se rassembler par générations et par nationalités. »
Il vous reste à découvrir « Bons pour l’Asile », afin d’émettre votre propre avis !
Rappelons quelques distinctions reçues par les différents protagonistes :
Pierre Richard :
Fait « Officier de la Légion d’Honneur », en 2016, il est le lauréat, en 2006, d’un« César d’Honneur », d’un « Magritte d’Honneur », en 2015, du « Prix Hommage », à Monréal, en 2004, et, en 1996, du« Prix du meilleur Acteur », au « Festival de Karlovy Vary », en République tchèque, pour « Les mille et une Recettes du Cuisinier amoureux » (Nana Djordjadze), un film nommé, 1997, pour l’ « Oscar du meilleur Film étranger ». ainsi qu’en théâtre, en 2020, du « Molière du meilleur seul en Scène », pour "Monsieur X" (Mathilda May), un spectale sans paroles, débordant de bruitages, de poésie, de trucages, de vie.
Eddy Mitchell :
Fait « Commandeur de l’Ordre des Arts et des Lettres », il est le lauréat, en 1996, du « César du meilleur Acteur dans un second Rôle », pour « Le Bonheur est dans le Pré » (Etienne Chatillez), un film lauréat de cinq autres « César », sans oublier qu’il a obtenu cinq « Victoires de la Musique », entre 1992 et 2011.
Bernard Le Coq :
Il est lauréat, entre autres, en 2003, du « César du meilleur Acteur dans un second Rôle », pour « Se souvenir de belles Choses » (Isabelle Breitman) ; en 2013, du « FIPA d’Or de l’Interprétation masculine », au « Festival International des Programmes Audiovisuels », à Biarritz, pour « La dernière Campagne » (Bernard Stora).
Quand au scénariste des deux films et des six bandes dessinées, Wilfrid Lupano :
Il est, entre autres, le lauréat, au niveau de la bande dessinée : en 2013, du « Prix de la meilleure bande dessinée francophone », au « Festival international de la Bande dessinée d’Angoulème », pour « Le Singe Hartlepool » (avec Jérémie Moreau) ; en 2014, du « Fauve Polar SNCF », au « Festival d’Angoulême », pour « Ma Révérence » (avec Rodolphe Guenoden), et du « Prix Saint-Michel du meilleur Album francophone », pour « Les Vieux Fourneaux T. 1 : Ceux qui restent » (avec Paul Cauuet), à Bruxelles ; en 2015, pour ce même album, du « Prix du Pubic Cultura », au « Festival d’Angoulême », et du « Prix de la BD Fnac », à Bruxelles ; en 2017, du « Prix Tibet du Salon du Livre Jeunesse de Troyes », pour « Le Loup en Slip » (avec Mayana Itoïz) ; en 2018, de ce même Prix, pour « Quand le Cirque est venu » (avec Stéphane Fert), et le « Prix Saint-Michel Humour », pour « Les Vieux Fourneaux T. 4 : La Magicienne » (avec Paul Cauuet).
Anecdotes :
Le réalisateur, Christophe Duthuron est, également l’un des figurants de son film, ce qui n’était pas prévu. Au pied levé il rempaça un acteur, qui, malade, n’avair pu se présenter pour le tournage d’une séquence.
Forts de leurs convictions, Eddy Mitchell refusa une « Légion d’Honneur » , qui devait lui être remise, alors qu’en 2019, Christophe Duthuron écrivit une lettre, contestant la politique gouvernementale, à Emmanuel Macron, refusant d’être fait « Chevalier des Arts et des Lettres ».
Retour sur trois carrières :
Christophe Duthuron réalisa son premier film, un court-métrage de 10 minutes, « Et toi ? », en 2009, dans lequel il interprétait le rôle de François. La même année, il collaborait au scénario du long-métrage « Le Bonheur de Pierre » (Robert Ménard), un film primé dans les Etats de Californie, d’Hawaï, de New York et de Rhode Island, dont l’acteur principal est … Pierre Richard.
Ce dernier, ayant suivi des cours d’art dramatique à l’ « Académie Charles Dullin », à Paris, effectua ses débuts en théâtre, dès 1961. Pendant cinq ans, avec Victor Lanoux (1936-2017), il écrivit des sketches, se produisant, en duo, sur les scènes de nombreux cabarets parisiens, souvent en première partie des récitals de Georges Brassens (1921-1981). En 1986, il devient le propiétaire d'un ancien domaine des évèques de Narbonne, sis dans l'Aude, sur une péninsule des Corbières maritimes, s'étendant sur 50 ha de garrigue et de vignes, où sont cultivés, en agriculture raisonnée, des cépages, qui font de Pierre Richard un vigneron, réputé pour la qualité de ses vins - lauréats de nombreux Prix -, qui sont à l’image de leur producteur, tant amical, qu’attachant et populaire.
Quant à ses débuts comme acteur de cinéma, ils remontent à 1968, dans un long-métrage d’Yves Robert (1920 -2002) : « Alexandre le Bienheureux ». Son nom restera lié, à jamais, à deux autres films du même réalisateur, scénarisés en duo avec Francis Veber (°Neuilly-sur-Seine/1937)) : « Le Grand Blond avec une Chaussure noire » (1972/aux côtés de Bernard Blier, Jean Camet, Mireille Darc & Jean Rochefort) ) et « Le Retour du Grand Blond » (1974), qui firent que beaucoup de cinéphiles le surnomèrent « Le Grand Bond ». Avec ce même Francis Veber, réalisateur et scénariste, en 1981, il interprète le rôle de François Pignon, dans « La Chèvre », aux côtés de Gérard Dupardieu (°Châteauroux/1948).
Eddy Mitchell, quant à lui fut l’un des membres des « Five Rocks » (1960), puis des « Chaussettes Noires » (1961-1963), entammant une carrière solo, en 1964. En juin et juillet 2017, pour 17 représentations, en France, Suisse & Belgique, il effectue la tournée des « Vieilles Canailles », avec Jacques Dutronc (°Paris/1943) et Johnny Hallyday (1943-2017), ce dernier étant le parrain de sa seconde fille, Paméla (°1982).
Au cinéma, il preste une première fois comme acteur, en 1962, dans « Les Parisiennes » (Jacques Poitrenaud). Plus anecdotique, en 1987, il passe de l’autre côté de la caméra, pour réaliser un court-métrage publicitaire, et en 2016, il effectue un doublage du Roi Louie, pour la version française du dessin animé « Le Livre de la Jungle » (Jon Favreau, pour les « Studios Disney »), après avoir, en 2005, prêté sa voix à « Flappy », le lapin, pour le film d’animation en images de synthèse « Pollux-Le Manège enchanté » (Dave Borthwick, Jean Duval & Frank Passingham).
Retrouvons donc Antoine (Eddy Mitchell), Mimile (Bernard Le Coq), Pierrot (Pierre Richard) & Sophie (Alice Pol), en salles françaises et belges, dès le mercredi 17 août.
Yves Calbert.