"Pictoresque, un Voyage lithographique et intimiste dans le Namurois", au "TreM.a", à Namur, jusqu'au 29 Janvier

écrit par YvesCalbert
le 29/12/2022

La « Société Archéologique de Namur » présente, au « TreM.a » (« Musée provincial des Arts ancien du Namurois »), jusqu’au dimanche 29 janvier 2023, une exposition qui ravira les amoureux de la Vallée mosane et les amateurs d’œuvres intimistes.

L’exposition se déroulant au 1er étage, face à l’ascenseur, nous découvrons deux oeuvres du lithographe belge Jean-Louis Ghémar (1819-1873) : une reproduction géante de la « Tour du Rocher », sise dans le « Domaine Royal d’Ardenne » (1846), une lithographie deux teintes soulignant l’importance qui était donnée de présenter des personnages à l’avant plan, ici, une scène paysanne, sur la droite, un artiste peintre avec son tréteau, au centre.

En haut, à gauche, dans un cadre, une vue des ruines du « Château de Montaigle » (1857), l’un de ses dessins aquarellés.

« Pictoresque, un Voyage lithographique et intimiste dans le Namurois » trace une balade de vallées mystérieuses, avec ses châteaux et autres édifices, certains en ruines, d’autres aujourd’hui disparus, nous permettant de pénétrer l’âme romantique du premier tiers du XIXè è siècle.

Après plusieurs siècles de gravure sur bois et sur métal, la lithographie, inventée, en 1796, par l’artiste munichois  Aloys Senefelder, constitue une révolution technique, économique et sociologique, qui reflète les exigences de la  révolution industrielle : soucis de rapidité, d’exactitude et d’abaissement du coût. Notons que la lithographie fut introduite en Belgique en 1817, alors qu’avant 1865, quelques 950 lithographes y étaient dénombrés.

Afin de mieux comprendre le procédé de création d’une lithographie, deux courts-métrages documentaires (durée total : 10’27 ») nous sont proposés par le « Musée de l’Imprimerie et de la Communication graphique », à Lyon, l’un présentant la préparation de la pierre lithographique, l’autre, l’impression d’une lithographie, une vitrine nous présentant les outils utilisés par un lithographe, ainsi qu’une pierre avec une illustration de la « Société Royale  Moncrabeau », fondée en 1843.

A noter que le terme anglais « picturesque » (en référence au tableau, à l’image), souvent traduit en français par
« pittoresque » (issu de l’italien « pittore », renvoyant dès lors à l’acte de peindre), apparaît en tant que catégorie esthétique, en 1792, introduit par le pasteur anglais William Gilpin (1724-1804), qui décrit le « picturesque », donc  le « pittoresque » comme étant une combinaison de rupture, de diversité, de contraste et d’enchevêtrement des éléments, célébrant le triomphe du romantisme, à la charnière des XVIIIè et XIXè siècles, au sein d’une société européenne en pleine mutation.

Cette notion de « pittoresque » repose sur la rupture, la diversité, le contraste et l’enchevêtrement des éléments.  Cette nouvelle sensibilité, qui se distingue du beau et du sublime, sans s’en éloigner complètement, trouve dans le récit de voyage, d’abord exotique, puis beaucoup plus local, une source d’inspiration infinie.

Si la lithographie permet des reproductions de vues en forts tirages et à coûts réduits par rapport à la gravure, des investissements étant, néanmoins, indispensables. Trois pratiques modernes vont permettre de développer ce marché : l’alliance de plusieurs talents, la publicité, au sens actuel du terme, et la souscription, notamment de propriétaires de domaines, qui pourraient être reproduits, mais aussi, parfois, de souverains belges et  néerlandais, de princes, grands ducs, barons, …

Il convenait, à l’époque, de donner au lecteur l’impression d’être ce voyageur intrépide, sensible aux charmes
comme aux dangers de la nature, valorisant ainsi tant sa lecture que, pour les souscripteurs leur perception de leurs biens.

Au XVIIIè siècle, les voyages initiatiques des jeunes nobles ou bourgeois aisés – vers les lieux des exploits chantés dans leur éducation classique, Italie, Grèce et au-delà – ont produit des carnets de voyages, illustrés et commentés , mais réservés à des cercles d’initiés.

Ainsi le Baron Antoine Joseph d’Obin, prenant la route à 30 ans, rédigea, pendant sept ans (1767-1774), son  « Journal de mes Voyages », celui-ci étant exposé, parmi d’autres, au « TreM.a », où de nombreuses oeuvres  d’un officier néerlandais en garnison dans nos contrées, le Général Anton de Howen (1774-1848), nous sont présentées, témoignages d’une inestimable valeur historique, à une époque où la photographie n’existait pas.

Notamment, nous découvrons l’ancien moulin à eau, aujourd’hui disparu, qui était installé sur la Sambre, à hauteur du Centre-Ville de Namur, témoignage de sa vision inédite de nos contrées, qui satisfait, à la fois, aux canons du pittoresque et au potentiel économique de l’impression lithographique.

Tel un pionnier découvreur d’un nouveau monde, son premier ouvrage rassemblait 12 esquisses et dessins gravés
sur cuivre. Il fut édité à Namur, en 1820, peu de temps avant l’essor de la lithographie.

Le peintre anglais George Arnald (1763-1841) découvre, en 1818, la « Vallée de la Meuse », y reconnaissant un paysage qui répond à ses attentes pittoresques et romantiques. Lui-même dû rechercher les endroits pittoresques  et choisir les points de vue, élargissant ainsi l’inventaire si souvent reproduit créé par le Général Anton de Howen.

Ainsi, il réalisa des croquis qu’il n’a alors aucune intention de publier, les destinant à être partagés dans son cercle d’amis. Cependant, surpris par le peu de cas fait, jusqu’alors, de la « Vallée de la Meuse », par ses contemporains, il prend la décision de s’associer avec d’autres artistes pour dévoiler les sites mosans. Naît ainsi le volumineux  « Picturesque Scenery on the River Meuse », reprenant 30 dessins originaux de George Arnald, transposés en mezzotinte, 4 plans gravés et 28 pages de texte.

Namur et sa province acquièrent dès lors une notoriété internationale, surtout avec l’invention de la lithographie.

Théodore Lambert Antoine Schaepkens (1810-1883), aquarelliste, dessinateur, graveur, lithographe et peintre belgo -néerlandais, écrivit : « La plupart des châteaux (de la « Vallée mosane »/ndlr) sont ruinés, mais leurs ruines sont
majestueuses et imposantes. C’est que l’art de ces temps (réputés barbares) s’y reflète avec toute sa grandeur, avec cette énergie virile dont le Moyen Âge porte bien le cachet. Ces tableaux, pour le paysagiste, sont des monuments qui doivent être connus et conservés dans l’intérêt de l’art et pour l’honneur du pays ; tout homme civilisé doit les respecter et prévenir cette scandaleuse manie de destruction qui en a déjà privé la Belgique d’un si grand nombre. »

« A cet effet, leur valeur, leur beauté, doivent être proclamées par les artistes et les savants ; leurs formes doivent
être étudiées avec conscience et reproduites par le crayon de nos dessinateurs ; la publication de ces dessins est le plus sûr moyen d’y attacher l’intérêt de la classe instruite, et de le porter vers les endroits où se trouvent ces antiques manoirs, les artistes et les touristes. »

Lors de notre visite de presse, la dynamique Commissaire de l’exposition, Aurore Carlier, attira notre attention sur ce qui devait être, en 1844, le premier guide touristique belge, édité en format de poche.

Cette dernière a l’intelligence d’accompagner le visiteur dans un véritable parcours, à l’image d’une excursion pittoresque, en établissant d’abord les caractéristiques du style, de la technique et du processus de production, avant de présenter les sites et les auteurs les plus remarquables. L’impression générale d’intimité est bien rendue, tant les œuvres présentées appellent une observation du détail, qui nous fait littéralement entrer dans la  lithographie et en ressentir l’émotion romantique.

Elle nous montre à quel point il fallait donner au lecteur confortablement assis dans son intérieur, l’impression d’être ce voyageur intrépide, sensible aux charmes comme aux dangers de la nature, valorisant ainsi tant sa lecture que
sa perception de ses biens.

Comme l’écrit le député-président de la Province de Namur, Jean-Marc Van Espen : « Rappelons à chacun combien  notre province est belle et mérite que nous continuions à la promouvoir, ainsi que son patrimoine. Partageons cette intimité avec tous ceux qui sauront l’apprécier. »

Profitant de l’actuel congé scolaire, deux ateliers « un dimanche en famille » seront organisés les 08 & 22 janvier  2023, de 10h30 à 12, à l’issue d’une visite en groupe de l’exposition. Ce sera l’occasion de découvrir ce qu’est une  lithographie  et comment elle permet à l’artiste de sublimer les sites bien connus de notre région. Ensuite, ayant enfilé un tablier  d’artiste, chacun pourra développer sa créativité, en utilisant uniquement des ustensiles  et  produits ménagers mis à sa disposition, afin de réaliser, ce que l’équipe du musée appelle une « kitchen-litho » (lithographie de cuisine). Ne serait-ce pas là un intéressante expérience artistique ?

Prix unique (en supplément à l’entrée au musée, le dimanche 22 janvier/entrée gratuite le dimanche 08 janvier) pour l’activité, conseillée à partir de 10 ans : 2€50, les deux dimanches (0€, pour les moins de 12 ans).

Egalement, deux ateliers « Graphi’Cartes » seront proposés :

– le mercredi 11 janvier 2023, de 14h à 16h, pour les seniors, dès 60 ans. Après avoir découvert, au sein de l’exposition, la richesse des lithographies pittoresques romantiques de nos régions, participation à l’atelier, en utilisant divers procédés (collage de type « scrapbooking », colorisation d’une gravure, estampage, frottis, monotype sur plaque de gel, …) pour que chaque stagiaire réalise ses propres cartes postales, sans oublier la pochette qui permettra d’emporter le tout.

– le mercredi 25 janvier 2023, de 14h à 16h, pour les enfants de 6 à 10 ans. Chaque apprenti imprimeur  réalisera  une série de cinq cartes postales suivant divers  procédés : collage, colorisation, estampage,  frottis & monotype, avant de repartir à la maison, avec sa propre  production. Cette folle expérience créative sera précédée par la  découverte du procédé de la lithographie par l’exploration des paysages namurois  présentés au sein de l’exposition.

Prix unique, pour ses deux stages : 5€.

Pour ces quatre ateliers : inscriptions obligatoires : 081/77.67.54 & musee.arts.anciens@province.namur.be.

Ouverture : jusqu’au , du mardi au dimanche, de 10h à 18h. Prix d’entrée : 5€ (2€50, pour les étudiants, les seniors & les membres de groupes / 1€, pour les membres d'un groupe scolaire / 0€, pour les moins de 12 ans, les « Art. 27 », les détenteurs du « Museum Pass Museum », les membres « ICOM » et, pour tous, ce dimanche 08 janvier 2023). Catalogue : « PicToresque. Un voyage lithographique et intimiste dans le Namurois«  (Ed. « Société archéologique de Namur/Collection « Namur. Histoire et Patrimoine« /différents auteurs, dont Marie-Christine Claes, Marianne Michaux, Elisabeth Obradovic &  Lut Pilcatonné/352 p.) : 40€. Contacts : 081/77.67.54. Site web : www.museedesartsanciens.be.

En parallèle à l’exposition, la Société archéologique de Namur organise des visites sur les sites pittoresques du Namurois, guidées par des experts des lieux. Plus d’infos : bit.ly/3ThNjjL.

Notons que du samedi 18 février jusqu’au dimanche 10 septembre 2023, un second volet de la présente  exposition sera proposé par la « Maison du Patrimoine médiéval mosan« , à Bouvignes.

Soulignons qu’un stage artistique est prévu, du lundi 27 février jusqu’au vendredi 03 mars, « De l’Illustration à la Reliure », durant lequel chacun composera chaque page de son carnet d’artiste, grâce à différentes techniques  (cyanotype, enluminure, gravure, monotype, …), en s’inspirant des collections des deux musées provinciaux, le  « TreM.a » (trésor d’Hugo d’Oignies {1178-1240}, peintures à l’huile d’Henri Blès {vers 1500-vers 1555.}) et le  « Musée Félicien Rops » (gravures et dessins de Félicien Rops {1833-1898}). Ensuite, un atelier de reliure japonaise sera animé par Alexandre Rosman, un artisan au service du livre et du papier. 

Lieu : locaux pédagogiques du "Musée provincial Félicien Rops", rue de Fumal, 10. Prix : 60€, pour 3 jours (du lundi 27 février jusqu'au mercredi 01 mars ou du mercredi 01 au vendredi 03 mars) ou 80€, pour 5 jours (du lundi 27 février jusqu'au vendredi 03 mars). Inscriptions obligatoires : stage.musee@province.namur.be ou 081/77.54.76.

Yves Calbert.

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