N° 6 de "Tintin c'est l'Aventure" : "Aux Frontières de l'Étrange" © Hergé/Moulinsart 2020
« Si Hergé imagine d’abord des histoires ancrées dans le monde réel, l’actualité qui se fait plus sombre avec la Seconde Guerre mondiale le pousse à chercher l’inspiration du côté du surnaturel et de la fantaisie, et à faire vivre à son héros des aventures aux confins de la raison : souvent, le rire fait alors place à l’angoisse. Mystères de l’inconscient, superstitions, sectes, somnambulisme et phénomènes inexpliqués : rendez-vous dans un numéro de « Tintin c’est l’Aventure » à faire frissonner ! » (rédaction de © Moulinsart)
Au centre de ce superbe magazine, rehaussé d’un dépliant nous dévoilant de superbes illustrations de Jacques de Loustal (°Neuilly-sur-Seine/1956), nous découvrons son "Carnet de Voyage", écrit par Frédéric Granier, à qui il confie : « Je ne fais ni du reportage, ni du tourisme dessiné. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas l’illustration mais la contemplation… Voyager est indispensable pour ressourcer l’inspiration. Pour mes bandes dessinées, j’avais besoin de découvrir moi-même les lieux que je mettais en scène plutôt que de les voir à travers les photos des autres… »
« … La littérature me permet de prolonger mon voyage… Lors de mon reportage pour GEO aux Îles Marquises, j’étais seul face à l’immensité de l’océan. Mon seul compagnon ? Un exemplaire de « Taïpi » (1864), le roman autobiographique de Melville, qui se déroule dans l’archipel, sur l’île de Nuku Hiva. Je trouve toujours un livre pour faire écho à ma destination, quitte à piocher dans un vieux « SAS » ! »
… Et Frédéric Granier d’écrire : « Loustal a ce talent inné de rendre palpables les atmosphères des lieux qu’il a visités. Magie de la couleur, précision du dessin… Il se dégage de ses images une tonalité onirique, comme si les paysages croqués étaient suspendus dans le temps, à la manière de ceux d’un Giorgio de Chirico ou d’un David Hockney. C’est sans doute çà, la ‘patte’ Loustal : un trait reconnaissable entre mille, capable de faire jaillir l’imaginaire et le poétique d’un désert marocain, d’un gratte-ciel new-yorkais ou des Highlands écossais… »
Frédéric Granier consacre, également, un texte sur l’écrivain Éric Orsenna (Éric Arnoult/°Paris/1947), membre de l’Académie française, qui lui confia : « A travers ses voyages, Tintin m’a fait comprendre que la planète entière devait être un un terrain de jeu. » Pour lui, « ‘Le Lotus bleu’ est sans doute l’album qui marie le mieux le reportage avec la fantaisie, le réalisme avec l’imaginaire. »
De son côté Christophe Quillien, présentant « Tintin aux Frontières de l’Étrange », écrit : « Pour le plus célèbre des reporters, l’aventure ne se résume pas à des voyages autour du monde, elle s’apparente souvent à une plongée aux confins du réel et de la raison. Mystères de l’inconscient, superstitions, sectes, somnambulisme et phénomènes inexpliqués peuplent l’oeuvre d’Hergé et continuent de fasciner les lecteurs en quête de sensations fortes. Brrrrr… »
D’intéressants croquis de l’étrange, dans l’oeuvre d’Hergé, nous sont présentés par Daniel Couvreur, qui écrit : « L’auteur, qui traitait de télépathie, de lévitation, de voyance, de radiesthésie ou de rêves prémonitoires avec le plus grand sérieux, puisait dans ses sphères des éléments pour enrichir l’intrigue et le suspense des aventures de Tintin. Ainsi, la magie et l’occulte sont très présents tout au long de son oeuvre, peuplée de fakirs, d’hypnotiseurs, de franc- maçons, d’illuminés, de momies sacrées… Ces dessins rares sont le reflet de ses envoûtements. »
La seule découverte de ces dessins rares justifie l’achat de ce 6è tome de « Tintin c’est l’Aventure ». Nous en présentons un, réalisé en 1947, à la gouache et à l’aquarelle, le bleu de coloriage de la scène du « Music-Hall-Palace » des « 7 Boules de Cristal » illustrant la finesse du travail des couleurs dans les aventures de Tintin.
Issues de ce même album, suivent, en focus, sur quatre pages, deux planches comparées de la publication, en noir et blanc, dans le quotidien "Le Soir", et de l'édition, en couleurs, en albums, par Casterman, Hergé ayant entièrement redessiné cette aventure, en condensant plusieurs vignettes de la version originale, afin d'obtenir un visuel plus spectaculaire, créant une image panoramique totalement nouvelle.
Parmi ces dessins rares, nous découvrons, également, une planche inédite de « La Boule de Cristal », une aventure d’ « Antoine et Antoinette », créée par Hergé, en 1938, pour une confisserie bruxelloise.
Sous le titre « Les Aventuriers du tombeau ensorcelé », Marine Dumeurger nous emmène en Egypte, évoquant « Les Cigares du Pharaon » et se posant la question : « L’exhumation du sarcophage de Toutânkhamon, en 1922, aurait-elle provoqué une terrible malédiction ? » Et cette auteure d’évoquer une semblable malédiction décrite dans les « 7 Boules de Cristal », nous proposant un dessin d’Hergé de l’un des ses personnages, le Professeur Bergamotte, l’un des scientifiques ayant découvert la momie de Rascar Capac. Ce dessin étant placé côte à côte avec une photographie de Jean Capart (1877-1947), considéré comme le père de l’Egyptomologie belge, nous réalisons de quelle personne Hergé s’est inspiré pour créer l’un de ses personnages.
« Et si la fortune était au coin de la rue ? » Pourquoi pas à Bruxelles, sur la Place du Jeu de Balle, où nous retrouvons, dans la section « Panorama », une photo originale d’Hergé, en chapeau boule, avec, en incrustation, une case montrant Tintin en ce même lieu, tel qu’Hergé le dessina dans « Le Secret de La Licorne », nous rappelant une séquence du film éponyme, que Steven Spielberg (°Cincinnati/1946) réalisa, en 2011.
« Tintin au Tibet » - qui aurait pu avoir pour titre « Le Museau du Yacht », selon une idée d’Hergé, refusée par les Éd. Casterman - est évoqué par Manon Quérouil-Bruneel et Volker Saux, par leur texte sur « Les Peuples de l’Himalaya », qui est introduit en ces termes : « En envoyant son héros entre Inde et Népal, Hergé évoque la cause de nombreuses ethnies du plus haut massif montagneux du monde. Et fait la part belle aux Sherpas, dont il encense le courage et la loyauté… »
… Une séance de spiritisme nous est encore proposée, sous la forme d’une B.D. de 8 pages, « Es-tu là ? », signée par un musicien, scénographe, rockeur et… auteur belge, Romain Renard (1975), diplômé de l’Institut Saint-Luc, à Bruxelles, lauréat, en 2014, du « Prix Diagonale-Le Soir du meilleur Album », pour « Melvile », édité par Lombard.
A la rédaction de ce tome 6, Romain Renard confie : « L’étrange et le surnaturel sont si présents que se sont les éléments qui m’ont le plus marqué dans l’oeuvre d’Hergé… La rencontre avec le bizarre ou l’horeur est importante dans l’aventure chez Hergé… La fantasmagorie apparaît dès la toute aventure de 'Tintin au Pays des Soviets'… Ce n’est pas par hasard si je termine cette bande dessinée, créée pour ce numéro de « Tintin c’est l’Aventure », par un clin d’oeil à Rascar Capac ! »
Enfin, une autre B.D. est mise à l’honneur, présentée par Daniel Couvreur : « Freak Parade » (Fabrice Collin et Joëlle Jolivet/Éd. Denoël Graphic/144 p./23€), dans laquelle « Harry Monroe, héros malgré lui, est assistant de production sur le tournage d’un film maudit, à Hollywood, au coeur de la Grande Dépression des années 1930… »
A souligner que « Tintin c’est l’Aventure » a reçu le « Prix Relay 2020 de l’Innovation éditoriale », pour le « meilleur Lancement ou meilleure nouvelle Formule de l’Année », et le « Prix Stratégies Bronze 2020 », pour le “meilleur Lancement, nouvelle Formule de Presse”, dans la catégorie “meilleures Initiatives éditoriales”.
N’hésitez donc pas à vous procurer « Aux Frontières de l’Étrange » dans une « Boutique Tintin » ou en librairie, afin d’avoir un « rendez-vous avec des sorciers et des momies, des ovnis et des spectres écossais…, des fakirs et des prestigitateurs… les aventures de Tintin (s’étant) peu à peu apparentées à des incursions aux confins du réel et de la raison… », comme écrit par la rédaction, dans l’éditorial de ce tome 6 de « Tintin c’est l’Aventure ».
Caractéristiques : 144 pages/offset 120 gr/205 x 288 mm/couverture souple, avec rabats, couché 300 gr/15,99€.
… Et, à l’approche de Noël, nous recommandons deux nouveaux ouvrages, édités par Moulinsart :
*** « Hergé, Tintin et les Américains » :
L‘auteur de cette monographie, Philippe Goddin, a déjà signé les ouvrages « Hergé, Tintin et les Soviets » (2016) et « Les Tribulations de Tintin au Congo » (2018). Il nous offre maintenant un voyage-découverte au cœur de l’Amérique et de la création d’Hergé que nous suivons à la trace jusque dans l’adaptation de son histoire pour un quotidien flamand « Het Laatste Nieuws » (1941-42). Les courriers inédits très personnels envoyés des États-Unis, au cours de ses deux grands voyages, à la recherche des Amérindiens, témoignent de son grand intérêt pour ce peuple qu’il cherchait à défendre.
*** « Tintin en Amérique » (nouvelle adaptation colorisée)
Quatre-vingt-neuf ans après la publication des premières vignettes de « Tintin en Amérique » dans « Le Petit Vingtième », les Éd. Moulinsart ont réalisé la colorisation de l’édition originale noir et blanc, dans le prolongement des deux premières mises en couleur de « Tintin au Pays des Soviets » (2017) et de « Tintin au Congo » (2019). La colorisation se déploie autour des aplats noirs d’origine, les coloristes ayant privilégié le respect de la puissance du noir et blanc. C’est en ce sens qu’on parle de « colorisation ».
* Notons enfin qu’en famille, nous pouvons profiter d’une nouvelle exposition temporaire au « Musée Hergé », à Louvain-la-Neuve : « En Amérique avec Tintin ». L’occasion, pour nous tous, de redécouvrir « Tintin en Amérique » à travers quelques magnifiques planches originales jamais exposées, divers documents inédits et de nombreuses photos à découvrir, dans la nouvelle monographie extrêmement documentée de Philippe Goddin : « Hergé, Tintin et les Américains ». A souligner la vision profondément respectueuse qu’Hergé avait, en 1931, des Amérindiens, ces hommes fiers mais exploités, est, à maints égards en avance sur son temps.
Sites web : http://www.tintin.com et http://www.museeherge.com.
Yves Calbert,
avec des extraits de textes publiés par © Moulinsart.