Le Carnaval de Binche vu par Jacques Baudoux
Afin de nous présenter un événement figurant, depuis 20 ans, sur liste du « Patrimoine culturel immatériel de l’Humanité de l’UNESO », le Carnaval de Binche – qui nous attend durant les jours « gras » , du dimanche 11 jusqu’au mardi 13 février – nous avons rencontré un ancien Gilles de … Morlanwelz, notre collaborateur photographe Jacques Baudoux.
Rompant avec les images traditionnelles du carnaval, Jacques Baudoux a réalisé cette série de photographies en mettant l’accent sur l’amitié, l’aspect humain, la chaleureuse camaraderie, la connivence et la fraternité régnant parmi les acteurs du carnaval et au sein des sociétés carnavalesques.
Lisons donc son propos :
« Le carnaval (le mardi « gras »/ndlr) commence le matin vers 4h30. Cela veut dire que le gille doit être debout vers 3 heures pour pouvoir se préparer. Aux environs de 5h, un ‘tamboureur’ vient chercher le gille à la maison. Il recevra, comme tous les amis présents, un verre de champagne, avant de sortir dans la rue. Ensuite le premier gille, ira chercher un deuxième gille, puis un troisième, et ainsi de suite. Chacun des six joueurs de tambour de chaque société procèdera de la même manière. »
« Lorsque les sociétés seront enfin composées de tous leurs gilles, elles se répandront dans la ville au son des tambours et par moments d’une flûte ou d’une clarinette. Certains prendront un petit-déjeuner en commun avec des huîtres ou du saumon-fumé accompagné de champagne. »
« C’est pendant la matinée que les sociétés seront reçues par les autorités communales pour la remise des médailles aux gilles en fonction du nombre de participations au carnaval (15, 25, 40, 50, 60 ou 65 ans). Les gilles danseront toute la journée, jusque tard le soir, ou dans la nuit suivante. Ils ne pourront jamais être assis, sauf au moment du petit déjeuner de la société et lors du repas de midi. La pause de midi sera d’environ 2h30. »
« Il ne faudrait pas passer sous silence les gilles des autres carnavals, petits ou grands, de la Région du Centre, creuset de ce folklore, le gille n’ayant pas vraiment sa place en dehors de cette région. »
… Mais si le Carnaval de Binche est réputé pour son inoubliable Mardi Gras, se terminant par un exceptionnel rondeau sur la Grand’ Place, face à l’Hôtel de Ville, il commence dès la fin du carnaval de l’année précédente, la Ville de Binche vivant au rythme de son carnaval … Lisons ce qu’en dit Jacques Baudoux, non seulement pour Binche, mais, également, pour la Région du Centre.
« Le carnaval se prépare plusieurs semaines à l’avance. Il faut prévenir les gens. Annoncer que le carnaval approche et avec lui le printemps. Dans le patois wallon local, les sorties préparatoires s’appellent ‘soumonces’, qui peuvent être un peu différentes du point de vue de l’habillement d’une ville ou d’un village à l’autre. Dans les villages où la tradition est la plus respectée, les sorties préparatoires ont lieu toutes les deux semaines à partir de la sixième semaine avant le carnaval. A Binche, ces événements sont organisées chaque week-end, étant donné le nombre de sociétés participantes. »
« Première sortie : répétition de batterie. Autrefois les gilles se retrouvaient dans le local de sa société, en début de soirée, et des ‘tamboureurs’ venaient se présenter et montrer leur savoir-faire, pour être, éventuellement, engagés par la société pour le carnaval à venir, les gilles ne sortant pas du local. Aujourd’hui, les ‘tamboureurs’ viennent toujours se présenter, les gilles les écoutent, comme si l’engagement pour le carnaval dépendait de leurs prestations. En réalité, les tambours sont déjà engagés bien avant. La soirée se termine par la sortie des gilles pendant quelques heures en tenue de tous les jours, mais toujours avec quelque chose dans la main pour rythmer la danse. »
« Deuxième sortie, soumonce batterie : avec, uniquement, les tambours et la grosse caisse. Les gilles se réunissent au local vers 16h, et sortent dans les rues de la ville ou du village jusque vers minuit. Ils sont en tenue de tous les jours ou en sarrault, une tenue des ouvriers du début du XXè siècle. Aux pieds, ils portent des sabots, à la taille, une ceinture de clochettes, tenant, en mains, un ‘ramon’, faisceau de branches de saule séchées, qui rappelle les anciens balais de rue, un ‘ramon’ que l’on retrouvera lors du carnaval, quand le gille ne porte pas son panier d’oranges. »
« Troisième sortie, soumonces générales ou en musique : en début d’après-midi, les gilles sortent en costumes de fantaisie, au son de la musique, qui les accompagnera toute la journée du carnaval, c’est-à-dire les tambours et les instruments en cuivre, cette sortie se terminant souvent après minuit. »
« A Binche, les « Trouilles de Nouilles » – pour lesquelles les touristes ne sont pas conviés – sont organisées le dernier lundi avant le carnaval, la tradition prévoyant que les femmes des gilles (qui ne peuvent pas être gilles) sortent déguisées et masquées, en dansant comme les gilles, au son des tambours et des instruments de cuivre, changeant leurs voix, pour ne pas être reconnues, dès 20h. A minuit, elles enlèveront leurs masques, peu avant la clôture de cette journée. »
« Le dimanche gras est la dernière sortie des gilles, en costumes de fantaisie, dès le matin, à Binche, avant le carnaval, ceci, l’après-midi, au son des tambours et cuivres, comme lors du carnaval. »
Et Jacques Baudoux de nous présenter les principaux autres acteurs du Carnaval de de Binche, dont les prestations seront calquées sur celles des gilles :
- Paysans : étudiants du « Collège Notre-Dame de Bon Secours ».
- Marins.
- Arlequins : élèves de l’ « Athénée royal ».
- Pierrots : élèves du « Petit collège ».
Notons quelques précisions que Jacques Baudoux tient à apporter quant à son travail :
« Si l’idée de travailler sur ce sujet avait germé dans mon esprit en 2011, le début des prises de vues a eu lieu à l’occasion du carnaval de 2014. Chaque année, je me suis efforcé de me focaliser sur le sujet. Carnaval après carnaval, les cadrages ont évolué et la distance des prises de vues s’est réduite de manière à isoler au maximum les acteurs. Une sélection draconienne sur le grand nombre de photographies réalisées s’est imposée. Ce projet n’a pu aboutir que grâce aux attitudes et l’incroyable dynamisme des acteurs du carnaval, merci à eux pour leur inconsciente participation. »
Attention : veuillez noter que la reproduction de ces photos est interdite sans l’autorisation de l’auteur.
N’oublions pas la présence, à Binche, du « MÜM » (« Musée international du Carnaval et du Masque »), dont une section, le « Centre d’Interprétation du Carnaval de Binche » nous permettant de pouvoir profiter d’une installation originale, « Dansons avec les Gilles ». Chacun peut, ainsi, chausser une paire de sabots. Au martèlement de nos sabots, sur une reconstitution de vieux pavés, une grosse caisse et des tambours résonnent. Ambiance !
Plus loin, dans cette même section, petits et grands, nous pourrons lancer des oranges (synthétiques) vers des photographies de mains, supposées être tendues par la foule. Un bien amusant « lancer d’oranges », comme si nous étions le mardi gras, sur la Grand’ Place.
Outre l’exposition de vêtements de gilles, de leurs accessoires et instruments de musique, de nombreux documents historiques, d’une réalité virtuelle en 3D (nous permettant de vivre un rondeau à 360°, sur la Grand’ Place), une intéressante série de photographies nous permettant de vivre l’année des Binchois, mois par mois, d’une réunion préparatoire d’une société carnavalesque jusqu’aux sardines du mercredi des cendres, en passant par les essayages de costumes, les soumonces et les « Trouilles de Nouilles« .
En outre, outre les autres collections permanentes, 3 expositions temporaires nous sont proposées :
** jusqu’au dimanche 07 avril, « Le Carnaval de Binche à la manière de … » (36 oeuvres de l’artiste binchois Gilles Rochez, inspirées de tableaux de Salvatore Dali (1904-1989), Jean-Michel Folon (1934-2005), René Magritte (1898-1967), Pablo Picasso (1881-1973), Vincent Van Gogh (1853-1890), … ;
** jusqu’au dimanche 26 mai, « Festum » (l’iconographie religieuse et les traditions folkloriques locales, vues par le photographe binchois Paulin Groise, la scénographie étant de haute qualité) ;
** jusqu’au dimanche 15 septembre, « Binche intime » (nous présentant un aspect particulier du folklore binchois, grâce à une série de capsules sonores inédites – avec des voix d’acteurs masqués, d’artisans, d’enfants, dans la maison d’un gille (salon, cuisine, hall d’entrée) & au café – réalisées par Dimitri Merchie & Flora Six).
Quant aux horaires et activités, en famille ou pour nos enfants, en février :
du dimanche 11 jusqu’au mardi 13 février : ouverture de 09h30 à 18h (billetterie jusqu’à 17h30).
dimanche 11 février, de 13h à 14h30 : atelier en famille (comme Gilles Rochez, avec des feutres, réinventer les acteurs du Carnaval, à la manière de Keith Haring (1958-1990). Prix d’accès : 8€.
lundi 12 février, de 14h à 15h30 : atelier pour enfants (idem, à la manière de Niki de Saint-Phalle (1930-2002). Prix d’accès : 8€.
Contacts : 064/33.57.41 & info@museedumasque.be. Site web : http://www.museedumasque.be.
Yves Calbert