Houffalize. Pandémies. Traditions et croyances
Pour se protéger contre les pandémies et se réchapper les Houffalois ont mieux que le Professeur Raoult.
Puissent en 2020 les enseignements que nous allons donner se transmettre avec bénéfice d’homme à homme d’une manière exponentielle.
Il est toujours indispensable de se rattacher à l’Histoire.
À Houffalize, l’année 1634 peut être associée à un pic de l’épidémie de peste.
C’est en effet l’année de la construction de la chapelle consacrée à saint Roch, invoqué contre la peste.
La localisation de ce qu’on appelle aujourd’hui la chapelle St-Roch, au sommet de la rue éponyme, est significative.
Elle est au point culminant de la ville de Houffalize (460 mètres, soit 130 mètres au-dessus du niveau de l’Ourthe).
L’édifice étant juché à ce niveau, les invocations à St-Roch qui en émanaient arrivaient on ne peut plus vite au Ciel, et les retombées des prières sur les bourgeois de la ville pleuvaient partout aussitôt comme d’un arrosoir.
Saint-Roch. Dans le culte catholique (non pas dans la liturgie mais dans la dévotion privée), prononcer le nom d’un saint -récitation-, est reçu par celui-ci comme une prière. Ainsi, pas besoin de penser aux paroles que l’on dit pour obtenir les grâces de la mère de Dieu lorsqu’on récite le Je vous salue Marie. Chaque fois donc que, au fil des siècles, le nom de St-Roch fut prononcé à Houffalize, ne fût-ce qu’en nommant sa rue, il est permis de croire que le saint l’a accueilli comme une supplique pour sa protection.
Autres témoins d’une ère d’affres pandémiques, les deux statues des saints antipesteux que sont St-Roch mais aussi St-Sébastien, qui dominent le maître-autel de l’église Ste-Catherine. Ces œuvres sont de Jean Pécourt, fin du XVIIe siècle.
À noter que la vie de Sébastien n’a rien à voir avec peste.
Sous un empereur romain, il fut condamné à la sagittation.
Il s’agit du supplice d’un tir de flèches. Et comme la peste fut plus tard censée transmise par les airs (sous forme de gouttelettes dira-t-on) les flèches qui l’ont atteint, mais dont il n’est pas mort, sont la symbolique de la transmission de la peste vaincue -grâce à Dieu- par le centurion romain.
Des deux saints antipesteux, Roch et Sébastien, ce dernier était le plus invoqué au Moyen-Âge.
Soulignons aux épris de culture que le St-Sébastien de Houffalize est la seule statue de Sébastien lors de son martyre.
Saint Roch et saint Sébastien. Tout cela pour dire que Houffalize a tout pour être considéré par les croyants encore aujourd’hui, même si cela est peu vulgarisé, comme un lieu privilégié pour obtenir la protection céleste contre la peste, mot qui englobe toutes les maladies pandémiques, tel le covid actuel. Et bien d’autres.
Les mesures civiles de lutte contre la pandémie au XVIIe siècle, c’est-à-dire entre le Concile de Trente (qui a donné au clergé séculier -les prêtres- une solide formation intellectuelle), et le sac de la ville par Louis XIV (qui amputera la cité seigneuriale de tant d’attributs de ville forte médiévale)
Ce que nous allons écrire peut être considéré à Houffalize comme vraisemblable sinon vrai, à défaut de sources locales existantes ou à tout le moins à notre disposition.
Il s’agit d’usages relatés dans Liège et sa principauté. Or il existait des relations d’apparentage étroites avec nos voisins du bassin mosan. Par les affaires quotidiennes courantes et aussi du fait que nos élites communes fréquentaient l’université de Cologne.
Imaginons-nous à Houffalize au XVIIe siècle et pensons aux mesures anti-covid édictées par la Première ministre belge en 2020.
La ville recluse par la nature (Ourthe, relief) et par des artifices (remparts et portes) était on ne peut plus facile à mettre sous confinement par temps de ravages épidémiques.
Les entrées et sorties étaient strictement prohibées entre lever et coucher du soleil.
Quant à la proximité physique, il était inutile qu’elle fût expressément proscrite.
Les gens étaient beaucoup moins tactiles -ratchoufteus dirait-on- qu’aujourd’hui (poignées de mains, embrassades, bisous). Pas de bulle, les attroupements étant inexistants (écoles, réunions de loisirs, lors de spectacles, mariages, enterrements).
Et nous avons tous dans notre mémoire des récits de pauvres hères souffreteux pérégrinant avec une crécelle ou relégués en ermitage dans les bois. Intouchables.
La distanciation sociale était de mise. On en savait presqu’autant qu’aujourd’hui sur la maladie : la transmission par les airs.
Les conversations intimes étaient rares.
C’est pour les confessions que fut imaginé le dispositif suivant : du feu prétendu brûler les vecteurs de l’épidémie. Les une ou deux ou trois bougies entre le confesseur et le pénitent devinrent une pratique générale dans la vie civile.
La quarantaine : les personnes atteintes devaient être rigoureusement enfermées dans une chambre ou dans des lieux à cet effet. Et quarante jours, ce n'était pas quatorze.
Toutefois les malades pouvaient sortir la nuit, seuls, comme le permet Madame Wilmès aujourd’hui, mais à condition "d’avoir une verge blanche".
Ignorant ce que cela signifie, nos recherches sur le net nous ont appris que la verge blanche est une maladie qui constelle le pénis de taches blanches. Mais peut-être la verge, de tout temps le nom d’une baguette, doit-on plutôt l'assimiler à la canne blanche des aveugles aujourd’hui, à brandir de nuit.
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Quels que soient nos convictions ou le prestige de nos statuts professionnels ou sociaux, ce que nous avons dit sur le religieux doit forcer le respect plutôt que l’aspirine. Certaines personnes n’invoquent-elles pas quotidiennement la Vierge de Lourdes et des cierges ne brûlent-ils pas en permanence dans nos églises ?
C’est donc à l’héritage cultuel et profane acquis au cours des siècles que les Houffalois doivent d’être une référence appréciée pour, s’agissant de la pandémie du covid virus actuel, disserter et pontifier.
René Dislaire © Houffalize, le 25 août 2020.
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Post Scriptum. Le chien de St-Roch.
Une amie lectrice nous demande quelques mots sur le chien de St-Roch. Voici ma réponse, sous une forme forcément familière.
Myriam. Roch, pestiféré, vivait à l'écart, dans les bois, en Italie, rejeté de tous, inapprochable. C'est son chien qui allait tous les jours au village, où il recevait un pain.
Juste avant sa mort, Roch put se confesser et révéla au prêtre qu'il était prêtre, lui aussi, et les miracles qu'il avait accomplis par le passé. Apprenant cela, le confesseur fit rapport en haut lieu, ce qui aboutit à la canonisation de l'ermite. Sans cela, Roch serait mort "comme un chien" mangé des loups et personne n'aurait jamais rien su de lui.
Le chien de Roch. À l'époque les chiens n'étaient pas des amis de l'homme, des animaux de compagnie. Ils étaient considérés comme maléfiques et traqués.
L'histoire du chien de Roch est déterminante pour expliquer la sympathie qui a pu naître entre l'homme et les animaux non comestibles ou utilitaires.
Mais peut-être n'est-elle que légendaire. Tout comme les prêches de François (d'Assise) qui, un siècle plus tôt, s'adressait à la fois aux poissons d'eau douce et aux poissons d'eau de mer réunis en grand nombre pour la cause à l'estuaire d'un fleuve.
De mon écrit nombreux sont ceux qui ne retiendront que les verges blanches. Mais dans ce cas existent plusieurs témoignages et récits d'époque dans des archives à Liège. L'affaire est donc authentique.
PS. Pour l'orthographe je me relirai, ce n'était pas prévu à mon programme :)
Archives :
• Jean Pécourt, l’architecte maître sculpteur de Houffalize
• Saint Sébastien : Houffalize rencontre l’homoérotisme