Hommage au dessinateur namurois Claude Laverdure (1947-2020)

écrit par YvesCalbert
le 23/08/2020

Ce lundi 17 aoûtClaude Laverdure s’est éteint, à 73 ans, à Namur, des suites d’une longue et pénible maladie.

Avec talent, à l’occasion des 150 ans de la Province de Namur, il avait introduit cette belle Province, où il résidait, dans le monde de la bande dessinée, en ayant dessiné, assisté de Chris Lamquet, « 150 ans d’Avatars de la Province de Namur », sur un scénario de Bernadette Laloux et Alain Streng (Ed. « Wesmael Charlier », pour le  « Comité provincial du 150è Anniversaire de l’Indépendance nationale »/mars 1981/76 pages/60 planches), un  album qui remporta, à Paris, le « Grand-Prix international du Livre de Tourisme ».

A cette occasion, il avait créé le personnage « Grognon le Nuton », qui présente graphiquement cet ouvrage,  prépublié en 1980, jour après jour, par le journal « Vers l’Avenir », Pierre Falize (1927-1980), Ministre de la Culture française (1973-1974), puis Gouverneur de la Province de Namur (1977-1980) ayant souhaité qu’une bande dessinée présente ce qui était devenu sa Province, lui qui était natif de Schaerbeek.

Comme l’écrivait Emile Lacroix (1920-1993), alors Gouverneur de la Province de Namur (1980-1987), dans la préface de cet ouvrage, « C’est dans une vaste matière qu’ont dû puiser les auteurs, afin de donner, à partir de faits pittoresques ou saillants, un apperçu géographique et historique du Namurois. Ces « 150 ans d’Avatars de la Province de Namur » – le titre donne le ton – ont, en effet, exigé des recherches énormes et rigoureuses, auxquelles ont participé d’éminents spécialistes namurois (dont Félix Rousseau {1887–1981}, Officier du Mérite wallon, Docteur en Histoire de l’Université de Liège, conservateur aux Archives du Royaume, à Bruxelles et de l’Etat, à Namur/ndlr)... Claude Laverdure a fait preuve, au niveau des dessins, d’un respect d’authenticité, consultant maintes gravures d’époque et une large documentation graphique. »

Confirmant le ton ironique plaisant de cet album, les auteurs de cette BD font dire à « Grognon le Nuton » : « Si d’aventure la tête se met à vous tourner,… évitez de téléphoner à votre psychiatre ! Vous risqueriez d’y rencontrer les affreux qui ont fait ce bouquin… Excusez moi, mais mon psychanaliste m’attend en double file… »

Au fil des pages, outre des faits anecdotiques – comme l’organisation, dès 1910, sur l’esplanade de la Citadelle de Namur, de plusieurs… corridas (p. 56)– et historiques – tel l’assassinat (p. 66) de François Bovesse (1890-1944) par des membres des « gardes wallonnes rexistes », alors qu’il était Gouverneur de la Province de Namur  (1937-1944), ayant créé, en 1923, le« Comité des Fêtes de Wallonie ».

Par ailleurs, côté artistique, les auteurs nous présentent le créateur du saxophone (p.31-32), Adolphe Sax (1814-1894) et le peintre (p. 33-34) Adolphe Wiertz (1806-1863), tous deux natifs de Dinant, ainsi qu’un peintre namurois (p. 72), Albert Dandoy (1885-1977), ainsi que la rencontre (p. 22 à 26), à Namur, de Félicien Rops (1833-1898) et de Charles Baudelaire, ce dernier tombant, en 1866, au sortir de l’église Saint-Loup, victime d’une attaque, qui le laissa aphasique… Et comme écrit dans cette BD : « pour Baudelaire, ce fut le début de la fin ».

En musique, n’oublions pas le festival musical « Le Temps des Cerises » (p. 72), à Floreffe, alors que les médias (p. 72-73) ne sont pas oubliés, avec le magazine « Confluent », fondé, en 1971, par Pierre Dulieu, et la « RTBF ».

Même la BD, n’est pas oubliéeDupond et Dupont, créés par « Hergé » (Georges Remi/1907-1983), croqués par  Claude Laverdure, apparaissant (p. 64) lors de la présentation de la Garde civique, créée en 1830.

S’étant attaché au folklore (P. 44-45), nous découvrons les « Echasseurs » ou encore les « 40 Molons » de la « Royale Moncrabeau », créés, en 1843, par Nicolas Bosret, le compositeur, en 1851, de « Li Bia Bouquet »l’hymne des Namurois.

Le cinéma est évoqué par une image de la projection cinématographique, en 1895, de l’ « Arroseur arrosé » (p. 60), court-métrage de Louis Lumière (1864-1948), ou encore, sur la « Maison de la Culture » (p. 72), de la mention « Média 10/10 », l’ancien réputé « Festival du Court-Métrage » (1982-2013) de la Province de Namur.

Côté sports (p. 73), nous trouvons une petite image du « revigorant bain de boue et de poussière » (sic) de l’ancien « Grand-Prix de Belgique de Moto-Cross » (1947-2007), sur le circuit de la Citadelle, ainsi qu’en  football, un dessin  montrant l’escargot namurois manquer un but, avec ce commentaire, écrit en 1980, qui pourrait toujours être d’actualité40 ans plus tard, en 2020 : « L’ ‘U.R. Namur’ n’a pas… euh… pété des flammes ces derniers temps, mais tout espoir n’est pas perdu. »

Plusieurs sujets touristiques sont évoqués, comme les « Grottes de Han » (p. 51) ou la découverte (p. 52), vers 1862, de la « Villa romaine », à Anthée, rattachée, depuis 1977, à Onhaye.

Loin de vouloir s’adonner au tourisme, êvant de faire fortune, dès 1862, des Namurois gagnèrent l’Etat du Wisconsin (p. 49), au prix de… 35 US dollars (ce qui, à l’époque, était bien cher pour de simples agriculteurs) par traversée maritime d’Anvers à New Yorkun trajetà bord du « Quinnebaug », qui prenait… 48 jours

Une justice rendue, un peu rapidement, en une seule journée, en 1895, est aussi évoquée (p.20-21), provoquant la dernière utilisation de la guillotine, en Province de Namursuite à un crime comis à Couvin.

A noter que de la soeur de Claude Laverdure, Christine Laverdure, directrice du « Comité Animation de la Citadelle », participa à l’écriture du scénario de 24 pages complémentaires (avec un dessin de l’inauguration, le 15 juin 1995, des  nouveaux bureaux de la Région Wallonneà Jambes-Namur), couvrant la période de 1980 à 1996, cette seconde édition intitulée « Les Avatars de la Province de Namur 1830-1996 » étant réalisée par les Editions « Hélyode », en 1997.

Pour en arriver à de telles productions graphiques, de 1960 à 1964, notre dessinateur namurois avait poursuivi, à Namur, des études d’arts, en sérigraphie et en publicité, à l’« IATA » (« Institut des Arts et Techniques Artisanales »).

De 1967 à 1973, il travaille, à Namur, aux Editions « Wesmael-Charlier », où il cumule les fonctions de cartographedessinateur, graphiste, metteur en pages et photograveur.

Les autres BD signées Claude Laverdure :

Dessinateur indépendant dès 1974, collaborant toujours avec « Wesmael-Charlier », il assiste « Mazel » (Luc Maezelle/°1931), sur le western animalier « Chacal Bill », publié par « Pif Gadget ».

Si, sur les couvertures de trois tomes (1980-1981) de « Tony Stark »édités par « Hachette », seul le nom d’Edouard Aidans apparaît; il est à souligner qu’il fut secondépour le dessin, par Claude Laverdure, alors que le scénariste n’était autre que Jean Van Hamme, dont le nom est davantage associé aux séries « Largo Winch »  et  « XIII », à un « one shot » intitulé « Kivu », voire à la reprise des « Blake et Mortimer ».

En 1986, il retrouve Alain Streng, au scénario, pour « La Mémoire Albinos », le premier tome de la trilogie « Le Syndrome des Sorciers », éditée par « Bédéscope ».

« Dargaud » édite, en trois tomes, sa collection « Chroniques de l’impossible », sur des scénarios de Christian Piscaglia : « La Maison de Bruges » (1987), « Les Tempêtes de Saint-Malo » (1988) et « La longue Nuit de  Strasbourg ».

Pour les Editions « Lefrancq », dans leur collection « BDétectives », sur des scénarios de Luc DelisseClaude Laverdure dessine trois « Fantomas », « L’Affaire Beltham » (1990), « Juve contre Fantomas » (1991) et « La Mort qui tue » (1995).»

Avec ce même sénariste, chez ce même éditeur, nous découvrons, en 2 tomes (1993 & 1997), une adaptation du roman de Jules Verne (1828-1905), « Voyage au Centre de la Terre », recolorié et réédité, en 2006, par « Miklo ».

En 2003, le 5è tome de la collection « Biggles raconte »éditée par « Le Lombard », « Saint-Exupéry » est  scénarisé par Philippe Durant et dessiné par Claude Laverdure.

A noter que cet hiver, un dernier ouvrage mis en pages par ses soins« Signe du Zodiaque », du peintre Marcel  Lucas, sortira de presse, comme nous l’annonce Henri Filippini, réputé critique français de bandes dessinées.

Carricaturiste de talent, il aimait croquer, à sa façon, différentes personnes, telles Ernest Montellier (1894-1993),  directeur musical de la « Société Moncrabeau », pendant plus d’un demi-siècle (1931-1984), ou d’Edouard Aidans (1930-2018), chez qui il effectua son apprentissage de dessinateur, au sein du « Studio Aidans ».

Alors qu’il était déjà atteint par la maladie qui vient de l’emportercette annéedu 31 janvier au 23 févrierClaude Laverdure eut le plaisir de voir 65 de ses oeuvres inéditesfruit de 50 années de travail graphiqueexposées à la « Galerie Aarnor », à Jemeppe-sur-Sambre, dans l'ancienne commune de Spy, qu’il évoque, en page 52, de son ouvrage dédié à la Province de Namurdeux squelettes du type Néandertalien y ayant été découverts, en 1886, après une défense de mammouth, en 1879.

Artiste aux talents multiples, , en 1947, à Buta, au Congo belge, il dessina son « Grognon le Nuton »en tenue militaire, accompagné de son escargot, pour créer le logo destiné au Commandement Militaire de la Province de Namur, et participa à la réalisation de la scénographie du « M usée de la Fraise », à Wépion-Namur.

Telle fut la contribution de Claude Laverdure au « 9è Art », un dessinateur namurois qui avait l’intention de reprendre ses crayons et pinceaux, au moment où sa maladie en décida autrement…

Yves Calbert.  

 

78 lectures
Portrait de YvesCalbert
Yves Calbert

Yves Calbert