GUY BEDOS EST MORT

écrit par ReneDislaire
le 31/05/2020
Guy Deux Bosses

Guy Bedos est mort.

Personne n’a fait d’effort. Nulle gazette n’a titré  Bedos s’en est allé  ou nous a quittés, ni même  Bedos est décédé.
Non : Bedos est mort. Mort. Le même mot que pour un Africain embarqué en Libye qu’on ramasse étendu sur une plage italienne et qu’on ajoutera aux statistiques des migrants malchanceux...
Sauf que, contrairement à la mère de l’Étranger de Camus, l’Africain naufragé l’a fait exprès de mourir ou, dira-t-on, il l'a cherché...

Et si Bedos lui aussi l’avait fait exprès ? Lui qui a refusé de faire la guerre d’Algérie s’est battu en fin de vie pour la cause  mourir dans la dignité: peut-être en fait a-t-il abrégé sa longue maladie. Oh ! Il n’a pas fait que ça de bien, notre abbé Pierre sans barbe ni soutane, apôtre de la bonne cause toujours une bonne cause : il a mis la main à la pâte pour les mal logés.  Ce à quoi peut conduire Alzheimer!

Perspicace, il avait prévu sa mort bien avant qu’elle survienne. Moins perspicace, il avait formulé le vœu suivant : pour mes obsèques, je veux beaucoup de monde, d’ailleurs je n’ai que la rue à traverser pour aller au Panthéon.
Mes obsèques ! Vaniteux, va ! 

Beaucoup de monde ? Bedos n’avait pas anticipé le coronavirus actuel. Aucune dérogation, dix personnes maximum à ses funérailles a dit le Premier ministre. Décision édulcorée, se dit-il, par la porte-parole du gouvernement toujours en mal de sensibilité, aussi noire que l’humour du dieu disparu : Par chance les fleuristes sont ouverts, on pourra couvrir sa bière de narcisses. Mais pourquoi donc avoir associé Bedos à un narcisse ?

Que du banal dans les journaux. Preuve qu’est vrai ce qu’il se murmurait naguère : les journalistes panégyristes téléphonent tous à Benichou, nécrologue retraité du Figaro, pour écrire leurs papiers. Or Benichou lui aussi a pris l'ascenseur des pieds-noirs ad patres .

Triste tout ça?

Pardon : je ne sais pas vous, mais moi, le sang de son sang m’a fait pouffer de rire.
La mort de son père, le héraut Nicolas Bedos l'a annoncée en ces termes :
« Il était beau, il était drôle,
Il était libre et courageux. »
Oui, j’ai pouffé. Parfait distique octosyllabe réparti en quatre mesures quadrisyllabiques et depuis j’ai cette chanson paillarde en tête – paillarde, mais softement yarde quand même:
« Il était beau, il s’app’lait Jules,
Il n’avait pas encore fauté… ».
C'est la chanson du fils père. Elle faisait partie de mon répertoire estudiantin, il y a plus de cinquante ans.  À l'époque, son slow La Drague était une rude concurrence. 

Bedos, Dabadie, Piccoli... et tous les octogénaires des EHPAD.
Il paraît que dans les cimetières beaucoup d’oiseaux ont fait leurs nids cette année.

René Dislaire ©  Houffalize, le 31 mai 2020

  • Guy Deux Bosses
  • Guy Deux Bosses. Deux Bosses? son nom en inversant les B et D,  chameau pour son humour, et le chameau est l'animal de son pays natal, l'Algérie.  Caricature: JM Lesage
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