Centenaire du décès de l’abbé Nicolas Pietkin, défenseur du wallon et des traditions

écrit par francois.detry
le 11/01/2021

Ce samedi 9 janvier, sur les hauteurs de Sourbrodt, une commémoration s’est effectuée sans faste, Covid-19 oblige, en présence de deux représentants du Royal Club Wallon ( Président et Secrétaire ) et des bourgmestres de Malmedy et Waimes, pour mettre à l’honneur ce grand défenseur du Wallon. Lors de cette petite cérémonie « intimiste » au pied de la stèle érigée en hommage à l’abbé Pietkin,  Jacques Remy-Paquay, président du Royal Club wallon de Malmedy en a expliqué la signification « À une époque ou on perd la connaissance et le sens du Wallon, c’est bien de se souvenir, explique. Nous devons la pratique du Wallon à des gens avant nous qui se sont battus pour des causes importantes. Et la cause la plus importante à l’époque du Kulturkampf était évidemment de garder le parler et l’usage du Wallon. Si nous avons notre âme Wallonne c’est donc aussi grâce à Pietkin et à d’autres qui se sont battus pour cette sauvegarde.»

Le bourgmestre malmédien poursuivait dans le même sens. «On ne mesure pas la chance aujourd’hui de pouvoir parler cette belle langue et d’avoir pu garder nos racines. Et je pense que c’est la moindre des choses de prendre la peine de souligner ces moments importants. De plus, je tiens à remercier le Royal Club Wallon qui fait toujours attention pour les différentes dates, les différentes journées et d’avoir un rayonnement, comme ici lors de cette cérémonie, malgré l’épidémie actuelle.»

Et Jacques Remy-Paquay donnait «rendez-vous au 125e anniversaire du Royal Club Wallon où on espère qu’on pourra faire une manifestation un peu plus importante que cette manifestation en petit comité qui garde toute son importance et son symbole.»

Quelques éléments de la vie de l’abbé Nicolas Pietkin, fondateur du Royal Club Wallon, défenseur de la tradition romane en Wallonie Malmédienne.

Nicolas Pietkin est né à Malmedy le 6 décembre 1849. Après des études à l’Ecole bourgeoise, il se destine à la prêtrise et accomplit des études de philosophie et de théologie à l’Université de Bonn. Ordonné prêtre le 24 août 1875 pendant le « Kulturkampf », il émigra quelques années en France, à Nantes et à Vannes et rentra quelques années plus tard en Belgique.

La paroisse de Sourbrodt étant dépourvue de titulaire, le jeune Nicolas Pietkin en assuma l’administration de manière officieuse à partir de 1881. Toutefois, la cure ne lui fut officiellement attribuée qu’en 1889.

À l’université de Bonn, il avait mené de front des études de théologie et de médecine. Il acquerra bientôt une réputation de guérisseur qui s’étendra à toute la Wallonie malmédienne et lui assurera une grande popularité dans le pays.

Nicolas Pietkin a exploré de vastes domaines des sciences telles que : théologie, philosophie, liturgie, littérature, botanique et folklore. Il avait une connaissance approfondie des langues anciennes : latin, grec, hébreu, sanskrit et des langues modernes : allemand, anglais, italien, espagnol. Il apprit même le Polonais pour pouvoir exercer son ministère auprès de forçats originaires de Pologne détenus dans un camp disciplinaire à Sourbrodt. Vers la fin de la guerre, les Polonais ayant été remplacé par des prisonniers russes, il étudia également cette langue.

En 1889, au moment où l’Abbé Pietkin prend officiellement possession de la cure de Sourbrodt, le gouvernement allemand bannit la langue française de l’enseignement primaire. Son but est clair : extirper tout vestige de culture latine et romane de la Wallonie malmédienne.

C’est contre cette entreprise systématique de « dénationalisation » qu’il va se dresser et lutter jusqu’à la fin de sa vie.

En toutes circonstances, il rappelle ses concitoyens à la conscience de leur culture romane et ravive en eux l’esprit traditionaliste. Il est bientôt considéré comme le « chef de la tribu des Wallons ». En effet, le wallon, et non le français, est la langue maternelle des Malmédiens : c’est donc à la langue, à la tradition, à l’âme wallonne qu’il va demander les moyens efficaces d’enrayer les progrès de la germanisation.

Au fil des années, les Malmédiens manifestent de plus en plus bruyamment leur mécontentement contre la germanisation. Et bientôt, grâce à son autorité morale sur la Wallonie malmédienne, il crée le Club Wallon, qui sera véritablement l’arme de résistance culturelle des Malmédiens face à la germanisation toujours plus importante.

Conscient de son rôle de leader, l’abbé Pietkin rédige à l’usage des Malmédiens un « système d’orthographe pour le wallon malmédien avec l’exposé de sa phonétique ». Il composera encore par la suite un « Dictionnaire explicatif et étymologique du parler malmédien ». De plus, il enrichit de sa collaboration personnelle « L’Armonacwallon » et le journal « L’Organe » par des poésies, des chansons et des nouvelles wallonnes.

En 1914, Nicolas Pietkin est arrêté, battu et détenu pendant plusieurs jours par l’armée allemand.

Le 24 août 1919, il est le premier citoyen de la Wallonie malmédienne à recevoir la Croix de Chevalier de l’Ordre de Léopold au cours d’une séance publique qui se déroulera sur la Place du Marché (actuelle place Albert Ier).

Nicolas Pietkin regagne ensuite sa modeste paroisse de Sourbrodt. Il ne devait revenir à Malmedy que quelques mois plus tard pour y mourir le 9 janvier 1921.

Aujourd’hui encore, le souvenir de Nicolas Pietkin est resté très vivant dans toute la Wallonie malmédienne où il conserve la valeur d’un fier symbole de défense du wallon. La bibliothèque du Royal Club Wallon porte son nom ainsi qu’une rue de la ville de Malmedy et une autre dans le village de Sourbrodt.

Le monument érigé à la mémoire de Nicolas Pietkin à Sourbrodt

Ce monument de sept mètres de haut représente la Louve, Rémus et Romulus (œuvre de Georges Petit), symbole de la civilisation latine. Sur la partie inférieure du monument, orné d'une croix et entouré de chêne et de laurier figure, en un médaillon d'un mètre de diamètre, les traits de Pietkin. La stèle est inaugurée le 3 octobre 1926 dans un climat passionné. En effet, une partie du clergé proteste contre l'architecture du monument et son caractère païen. À l'initiative de l'abbé Toussaint relayé un temps par La Libre Belgique et La Gazette de Liège, une manifestation d'opposition aux deux Romains tétant la louve est organisée: immorale, indécente, païenne, les qualificatifs employés pour désigner la stèle cachant mal la germanophilie de l'abbé Toussaint. Celle-ci dénoncée, plusieurs membres du clergé malmédien se rétractent... L'inauguration du monument devient le rappel de la mémoire d'autres résistants de la culture wallonne à Malmédy.

Durant la Deuxième Guerre mondiale, le monument est endommagé par des habitants pro- nazis de la région (hiver 1940). Il est restauré après la guerre et inauguré une nouvelle fois le 2 juin 1957.

- L’inscription principale indique :
Au patriote malmédien
Nicolas Pietkin
Curé de Sourbrodt
Défenseur de la civilisation latine
La Wallonie reconnaissante
1849-1921

Monument érigé par souscription publique, à l’initiative de l’Assemblée wallonne sous le patronage du général baron Baltia, haut commissaire du Roi et des villes de Charleroi, Huy, Ixelles, Liège, Mons, Namur, Nivelles, Pepinster, Spa, Stavelot, Tournai et Verviers.

- Sur les faces latérales, en relief, apparaissent deux citations empruntées à l’abbé Pietkin, dans son chant Todis Walons ! écrit en 1898 :
Efants d’ Mâm’dî, nos-autes nos èstans fîrs,
Come nos vîs péres, d’èsse co todis Walons !

- Sur le bas du monument actuel, on retrouve les inscriptions similaires à celles de 1926, à savoir

Monument érigé par souscription publique à l’initiative de l’Assemblée wallonne sous le patronage du lieutenant général baron Baltia haut commissaire royal et des villes de Charleroi, Dinant, Huy, Ixelles, Liège, Mons, Namur, Nivelles, Pepinster, Spa, Stavelot, Tournai et Verviers.
MCMXXVI

L’inscription suivante résume la restauration de la manière suivante :
Détruit en 1940 a été reconstruit en 1956 à l’initiative de l’administration communale de Robertville

Vidéo VEDIA www.vedia.be/www/video/info/societe/malmedy-waimes-hommage-au-quot-chef-...

© François DETRY

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