6è "Lille 3000" : "Utopia", à Lille, jusqu'au 02 Octobre

écrit par YvesCalbert
le 28/09/2022

Il ne nous reste que quelques jours, jusqu'au dimanche 02 octobre, pour découvrir les superbes expositions d' "Utopia", la 6è édition de l'événement "Lille 3000".

 

"Utopia" est un néologisme grec, formé par l'écrivain anglais Thomas More (1478-1535), qui désigne, habituellement, un idéal inexistant ou inaccessible. A l'heure du changement climatique et des enjeux environnementaux, "Utopia" s'intéresse aux liens qui unissent l'Homme au Vivant. A découvrir, en différents musées et autres lieux :

 

*** "Tri postal" : "Les Vivants - Fondation Cartier pour l’Art contemporain"

 

"No Caminho" © Bruno Novelli © Coll. A. et J. Olympio Pereira © "Lille 3000" © Ph. : S. Esteves

 

La "Fondation Cartier pour l’Art contemporain" - qui possède une collection riche de plus de 2.000 œuvres de 500 artistes de plus de 50 nationalités différentes - développe depuis plus de vingt ans une programmation qui explore les grands enjeux écologiques actuels. Au fil du temps, sa collection s’est enrichie de nombreuses œuvres qui invitent à porter un regard renouvelé sur la beauté et la vulnérabilité du monde vivant. Réunissant près de 250 œuvres essentiellement issues de cette collection, cette exposition "Les Vivants" propose de transporter notre imagination au-delà de l’anthropocentrisme afin de réinventer, avec empathie et humilité, une nouvelle cohabitation terrestre avec les plantes et les animaux.

 

L’exposition convie une communauté d’artistes et de scientifiques engagés dans une quête esthétique et existentielle, profondément marquée par la beauté énigmatique du monde vivant, à l’instar du musicien et bioacousticien américain Bernie Krause (°Détroit/1938), de l’artiste chinois Cai-Guo Qiang (°Quanzhou/1957), du plasticien français Fabrice Hyber (°Luçon/1961), en passant par le cinéaste arménien Artavazd Pelechian (°Leninakan/1938), le botaniste français Francis Hallé (°Seine-Port/1938), l’artiste américain Tony Oursler (°New York/1957). Leurs œuvres figurent parmi les plus emblématiques de la collection de la "Fondation Cartier" et sont le fruit d’un travail commun de plusieurs années entre ces artistes et l’institution. L’exposition "Les Vivants" est aussi l’occasion pour la "Fondation Cartier" de développer de nouvelles collaborations avec des artistes brésiliens tels Bruno Novelli (1936-2003) ou Solange Pessoa (°Ferros/1961).

 

Notons que le coeur de cette exposition est constitué d'un ensemble exceptionnel d'oeuvres d'artistes amérindiens contemporains, issus de de l'Amazonie brésilienne, réunies pour la première fois en Europe. Leur expérience d'une relation de parité entre êtres vivants, humains et non humains, constitue une tradition immémoriale, dont nous avons tout à apprendre, en ce temps de crise écologique.

 

*** "Église Sainte-Marie-Madeleine" : "Le Jardin d'Eden" :

 

"Flower Fragrum Cardamomi" © Peter de Cupere © "Lille 3000"

 

L'artiste belge Peter de Cupere (°Leuven/1970) est un créateur olfactif, qui travaille avec les parfums et senteurs. Il crée des œuvres destinées à explorer notre sens de l’odorat. Dans le cadre de l’exposition "Le Jardin d’Eden", il présente, dans l’église Sainte-Marie-Madeleine, un parcours d’œuvres olfactives qui invite le public à se laisser guider par le bout du nez. "Flower Fragrum Cardamomi", une installation monumentale de 9 mètres de hauteur, représente un bulbe en fleurs, avec de longues tiges s’étendant vers le ciel. Nous sommes invités à nous approcher et gratter la surface de la sculpture, libérant ainsi un parfum dans l’air. 

 

Nous pouvons même, empruntant une échelle, pénétrer au sein d'un nuage, pour sentir l’âcre odeur de pollution de ce nuage de fumée, grâce à "Smoke Cloud", une autre oeuvre étonante de Peter de Cupere, qui poursuit son parcours olfactif au sein de la "Maison Folie Moulins", aux côtés des œuvres de Cyril Lancelin, Kim Simonsson et Peter Van den Ende.

 

“God Hungry” © Subodh Gupta © "Lille 3000"

 

En outre, installée à l'occasion "Bombaysers de Lille", première édition de "Lille 3000", en 2006-2007, l'oeuvre monumentale - créée suite au tsunami qui dévasta l'Inde, en 2004 - “God Hungry”, de l'artiste indien Subodh Gupta (°Khagaul/1964), consituée de milliers d'ustensiles métalliques de cuisine, est à (re)découvrir, aux côtés des créations de Peter de Cupere.

 

*** "Gare Saint-Sauveur" : "Novacène" :

 

Dans son dernier ouvrage, intitulé "Novacène", le célèbre environnementaliste, scientifique et centenaire britannique James Lovelock (1919-2022), imagine une nouvelle ère, le "Novacène", qui prendra la suite de notre ère géologique actuelle, l’Anthropocène, marquée par les bouleversements climatiques et environnementaux dus à l’activité humaine. Cinquante ans après son « Hypothèse Gaïa », affirmant que la Terre est un être vivant, James Lovelock partage dans ce livre testamentaire son optimisme et prophétise l’avènement d’une relation positive entre l’humain et l’environnement, favorisée par la technologie. 

 

Nuée de méduses roses © James Lovelock © "Lille 3000" © Ph. : "Roger(S)"

 

Parmi les œuvres marquantes, nous retenons la forêt de troncs d’arbres, installée à l’entrée, des troncs que nous sommes supposé.e.s les prendre dans nos bras, pour sentir des vibrations et entendre des sons qui en émanent. N'oublions pas, non plus de découvrir une nuée de méduses roses, en plastique.

 

A voir, également, à droite, en entrant, une multitude de créations d'enfants des écoles de la Métropole lilloise sont rassemblées au sein de l'expo "Môm'Art".

 

"Not a place but a feeling" © Bianca Bondi © "Lille 3000"

 

En nous dirigeant vers la sortie, sur la gauche de la cour, ne ratons pas la visite de la « Maison Bikini ». L’artiste sud-africaine Bianca Bondi (°Johannesburg/1986) y a installé son œuvre "Not a place but a feeling", un cabaret abandonné aux allures mystiques, rendant hommage à l’ancienne fonction du lieu.

 

*** "Musée de l’Hospice Comtesse" : "Le Serpent cosmique" :

 

Les « Minitos » à table © Jean-François Fourtou © « Lille 3000 »

 

Si nombre d'oeuvres nous sont présentées dans la salle d'expositions temporaires, nous découvrons, dans les salles du musée, une confrontation entre les oeuvres anciennes de l' "Hospice Comtesse" et les"Minitos", créés par Jean-François Fourtou (°Paris/1964), que nous retrouvons bousculant la vaisselle sur la table de la salle à manger ...

 

... Cette exposition s’inscrit dans l’esprit du philosophe lillois Etienne Souriau (1892-1979), qui développait le concept d’art naturel et pur, en affirmant que la création artistique devait s’inspirer de la nature.

 

Le lien nature/culture/utopie étant essentiel dans l’acte de création artistique, "Le Serpent cosmique" explore la manière dont les artistes s’inspirent, se nourrissent, voire fusionnent avec la nature et le vivant, afin de créer des utopies.

 

Deux « Serpents cosmiques » (Jaider Esbell) © « Lille 3000 »

 

Symboles de fertilité et d’abondance, nous découvrons deux serpents géants, installés dans la cour de l'"Hospice Comtesse", qui sont en transit entre les mondes, continuant de veiller à la protection des peuples indigènes d’Amazonie et de notre nature commune, une oeuvre de l'artiste brésilien, de l'ethnie Macuxi, Jaider Esbell (°1979-2021).

 

A noter que cette exposition se prolonge dans l’accueillant jardin médicinal de cet ancien hôpital, envahi par une série de jardiniers « Nanitos », personnages sculptés avec des têtes d’artichauds, de choux, de navets, de poivrons, de tomates, …, ainsi qu’à l’extérieur du musée (entrée gratuite) – sis sur l'îlot Comtesse, à proximité de l’avenue du … Peuple Belge -, avec une maison, gardée par un « Nanitos » géant, cette installation, créée par Jean-François Fourtou - "La Maison du Maxitos" -, dans laquelle nous pénétrons, nous proposant des chaises, un lit, une table et autres meubles, prévus pour accueillir des … géants ...

 

*** "Palais des Beaux-Arts" : "La Forêt magique" :

 

 « Un Rayon de Soleil » (détail/Célestin Nanteuil) © « Grand Palais », Paris © Photo : Thierry Le Mage

 

« La Nature est un temple où les vivants piliers / Laissent parfois sortir de confuses paroles / L’Homme y passe à travers des forêts de symboles / Qui l’observent avec des regards familiers. » (Charles Baudelaire {1821-1867}/ « Les  Fleurs du Mal »/1857).

 

« La Siouva » (Cécile Beau & Anna Prugne)

 

Avant l’homme, il y avait la forêt, lieu privilégié de la faune et de la flore, l’homme ayant longtemps vécu avec elle. Si pour beaucoup, elle est devenue un lieu de promenades, de ressourcement, elle est gravement menacée par …  l’homme, du moins par certains chefs d’Etats, comme en ce qui concerne la forêt amazonienne, au Brésil, qui – selon  l’ « INPE » (« Instituto Nacional de Pesquisas Espaciais« ), sis à Sao Paulo -, a été déboisée de 8.712 km², du 1er  août 2020 jusqu’au 31 juillet 2021, pour 9.126 km², l’année précédente …

 

« Depuis la Terre jusqu’au Ciel » © Gilles Barbier © "Lille 3000"

 

… Mais tel n’est pas le propos de cette exposition artistique, qui vise à démontrer que, source inépuisable d’inspiration, la forêt a toujours suscité l’imaginaire et éveillé la créativité des artistes et poètes, qui ont tenté d’en percer les mystères. Riche d’une cinquantaine d’oeuvres aux médiums variés (peintures, installations & extraits de films), la présente exposition s’attache à s’interroger sur les liens que l’homme entretient avec la forêt, nous invitant à la contemplation, à la méditation et à la réflection.

 

Une superbe scénographie © « PBA » © "Lille 3000"

 

Tantôt vénérée et crainte, tantôt protégée et détestée, la forêt habite notre imaginaire depuis des temps  immémoriaux. Parmi les femmes et les hommes, bon nombre d’artistes ont porté un regard singulier sur l’arbre et la forêt, pressentant leur importance dans l’équilibre du monde vivant.

 

« Nous voulons faire renaître une forêt primaire en Europe de l’Ouest », écrit le botaniste français Francis Hallé (°1938), auteur du manifeste « Pour une Forêt primaire en Europe de l’Ouest » (Ed. « Actes Sud »/2021).

 

Dans l’atrium, une rotonde de 170 m² © "Lille 3000" © Photo : Inès Dauguet/« Pépère News »

 

Sur un ruban de 40m de longueur, entourant cette rotonde, textes et photographies illustrent ce projet, consistant à reconstistuer, en Europe de l’Ouest, une forêt primaire, c’est à dire, qui n’a pas été ni défrichée, ni exploitée, ni modifiée de façon quelconque par l’homme.

 

Deux étages plus bas, vivons, au sein du deuxième espace, une expérience esthétique forte, conjuguée au message écologique et sensible des artistes d’hier et d’aujourd’hui, en parcourant la salle d’expositions temporaires, dont les quatres sections sont mises en musique, à partir de bruits de la forêt, par le compositeur français Bruno Letort (°Vichy/1963).

 

*** "Gare ferroviaire de Lille Flandres" : "Simone" :

 

A peine sortis du train, en arrivant dans la gare ferroviaire de Lille-Flandres, que nous sommes surpris par une oeuvre monumentale, un gonflable de plus de 40 m de longueur, "Simone", un hommage rendu, par une plasticienne portugaise, influencée par de nombreux courants liés au pop art, au surréalisme, Joana Vasconcelos (°Paris/1971), à trois grandes figures féminines françaises, Simone de Beauvoir (1908-1986), Simone Hérault (°Enghien-les-Bains/1950/une comédienne connue pour être, depuis 40 ans, la voix de la "SNCF") et Simone Veil (1927-2017).

 

Cette structure gonflable est recouverte d'une décoration entièrement faite à la main, à partir de laine, de tissus variés et de LED, une autre création de Joana Vasconcelos, "Martha", spécialement réalisée pour la "Maison Folie" de Wazemmes, qui est l'un des lieux présentant "Le Jardin d'Eden".

 

*** "Rambla", sur la rue Faiherbe : "Moss People" :

 

« L’Amitié », un « Moss People » © Kim Simonsson © « Lille 300 » © Ph. : J. Gimpel

 

Au sortir de cette gare de "Lille Flandres", nous pouvons nous promener vers l' "Opéra", empruntant la "Rambla", nom donné depuis lévénement "Lille 2004", à l'origine de "Lille 3000", à la rue Faidhebe, découvrant les "Moss People" ("Gens de Mousse"), créations de l'artiste finlandais Kim Simonsson (°Helsinki/1974).

 

De l’ « Opéra » à « Lille Flandres », la « Rambla » © « Lille 300 » © Ph. : J. Gimpel

 

D'une couleur verte, évoquant la nature, nous progressons, entourés de personnages de la forêt, vivant en harmonie avec le monde végétal, exprimant soit-y "L'Amitié", soit-y différentes fonctions, du "Cueilleur" au "Faiseur de Lumière", en passant par le "Philosophe" et bien d'autres, tous identifiables grâce aux objets qu’ils portent sur le dos, ces êtres féériques contribuant à nous apporter un certain calme intérieur ...

 

Site web : https://www.lille3000.eu/.

 

Yves Calbert.

 

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