Malaria
Il y a bien longtemps (j’étais encore à l’école primaire à Jadotville/Likasi, Congo/Zaïre), nous devions régulièrement prendre de la quinine, traitement préventif à la malaria.
Maman nous distribuait selon la prescription, cet infâme médicament important, mais si amer et si difficile à avaler…
À l’époque, je faisais de l’anémie, et le médecin avait aussi recommandé à ma chère mère de me faire manger du foie de veau. Mais je n’aimais pas que l’on m’impose ce que je mangerais ou non, et rechignais… Je prenais une bouchée de foie et le mâchais pendant des heures, sans l’avaler.
Ma pauvre maman, impuissante devant mon entêtement a tout essayé pour me « faire avaler ma boulette » ! Il lui est arrivé de rester trois heures à mes côtés pour vérifier que je mange, puis désespérée, de mettre mon assiette au frigo pour me la resservir au repas suivant.
Puis elle a essayé le système du « supplice » : lentement, elle mangeait devant moi mon dessert, espérant que je craque et mange cette foutue tranche de foie pour pouvoir après, déguster les fruits que j’adorais ! Rien n’y fit, et foie de veau fut supprimé de mon menu.
Un jour, je fis de grosses fièvres qui dépassaient allègrement les 40°, avais mal partout, ne tenais pas debout et étais trempée de sueur (ceux qui ont connu la malaria et la grippe disent que les symptômes sont les mêmes, en beaucoup plus fort pour la malaria)… Examens et diagnostic : j’avais la malaria. Le médecin a dit à mes parents que c’était incompréhensible et exceptionnel, car les personnes prenant le traitement préventif n’attrapaient normalement pas cette maladie. Tous se posaient des questions…
Bien plus tard, mes parents découvrirent le pot aux roses !
Lorsque un jour, ils déplacèrent la lourde table en bois massif de la salle à manger, ils entendirent des petits bruits bizarres, avant de voir rouler un peu partout des médicaments qui venaient de sous la table…
Tous les deux à quatre pattes, prospectèrent les entrailles du meuble… et découvrirent sur une des planches, une quantité monumentale de cachets de quinine, et des empilements de tranches de foie de veau sèches !
Hé oui, c’était le moyen que j’avais trouvé pour planquer ce que je ne voulais pas avaler : j’avais commencé par la quinine, puis suivit le foie…
Maman réalisa alors qu’elle avait été bien bernée, et que les jours où elle avait été si contente que j’aie vidé mon assiette n’étaient qu’un leurre : j’avais profité des quelques minutes de ses absences pour faire disparaître le veau !
Mes parents comprirent aussi pourquoi il était arrivé qu’il y ait une « drôle d’odeur » dans la salle à manger, et qu’ils n’y avaient jamais trouvé de rat ou de souris crevés… Heureusement, l’odeur n’a jamais été insupportable, car le climat nous permettait de vivre toutes fenêtres ouvertes, et la viande ne pourrissait pas longtemps, car la chaleur la séchait !