"Magritte-Folon. La Fabrique poétique", au "Musée Magritte", jusqu'au 21 Juillet

écrit par YvesCalbert
le 30/05/2024

« Très souvent, dans mes images, je dessine un oeil. La présence d’une chose immense qui nous échappe. J’ai imaginé un Sphynx, qui met un doigt sur la bouche, qui demande le silence. Je ne sais pas vraiment ce que cela signifie. Peut-être qu’il faut protéger le silence de l’art », écrivit Jean-Michel Folon (1934-2005) dont une sélection d’oeuvres sont exposées, jusqu’au dimanche 21 juilletau « Musée Magritte »cette exposition s’étant ouverte le 01 mars 2024, jour du 90è anniversaire de la naissance de l’artiste.

« Tout dans mes oeuvres est issu du sentiment de certitude que nous appartenons, en fait, à un univers énigmatique », écrivit, pour sa part, René Magritte (1898-1967).

Tandis que Bruxelles célèbre les 100 ans du surréalisme, quelques œuvres de René Magritte honorent de leur présence les expositions du « Palais des Beaux-Arts » (« Bozar ») et des « MRBAB » (« Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique« .

Aussi, le « Musée Magritte » profite de cette période pour imaginer un dialogue entre l’univers fascinant de René Magritte (1898-1967) et les créations poétiques de Jean-Michel Folon (1934-2005), aquarelliste, graveur, peintre et sculpteur, voire même acteur dans quelques films français.

Tous deux explorent les espaces du rêve et de l’imaginaire, mais suivant des démarches assez différentes, dans la douceur des couleurs et la poésie des signes chez Jean-Michel Folon, dans le questionnement et la confrontation des sens, chez René Magritte.

Autre ressemblance : l’homme en bleu de Jean-Michel Folon et l’homme au chapeau boule de René Magritte, tous deux étant des personnages génériques, des silhouettes évoquant « monsieur tout-le-monde ».

Soulignons l’intéressante scénographie, qui nous permet de découvrir, côte à côte, comme au sein du catalogue, des oeuvres des deux peintres, mettant en lumière un même sujet, Jean-Michel Folon ayant été un admirateur des peintures de René Magritte, cette exposition étant une rencontre onirique et un dialogue fécond noué entre deux imaginaires particuliers.

 Au célèbre « Oiseau », de René Magritte, Jean-Michel Folon substitue un oiseau plus épuré, dessiné d’un trait ; à la maison précisément représentée chez Magritte, Folon opte pour un parallélépipède rectangle.

A 20 ans, en 1954, Jean-Michel Folon ayant découvert, au sortir de ses études à l’ « Institut Saint-Luc », « Le Domaine enchanté », une série de peintures murales (70 mètres de long sur 7 mètres de hauteur) que René Magritte avait réalisé, en 1953, pour le « Casino », à Knokke, écrivant, en 1999 : « j’ai pensé : ‘On peut vraiment tout faire en peinture. Même inventer des mystères.’ Voilà ma rencontre avec l’art ».

Dans le « Musée Magritte », une valise de « Folon » © « Fondation Folon »/ »ADAGP » © Ph. : Xavier Janssens

Bien que les deux artistes ne se soient jamais rencontrés, les connexions entre leurs univers sautent aux yeux. Jean-Michel Folon – l’artiste qui ouvrit les fenêtres du rêve -, considérant l’un des maîtres du surréalisme belge, René Magritte, de 36 ans son ainé, comme « l’un des pères » de sa génération, l’un et l’autre ne s’étant, néanmoins, jamais rencontrés.

Dans le catalogue de la présente exposition, Michel Draguet, directeur des « MRBAB » durant 19 ans, écrit : « Le 02 juillet 1987, ‘Sotheby’s’ dispersait l’ ‘atelier René Magritte’. Peu avant – le 31 mars – une vente était organisée au ‘Palais des Beaux-Arts’ de Bruxelles, avec le contenu de sa villa, rue des Mimosas, où Georgette, l’épouse du peintre, avait vécu, jusqu’à son décès, survenu le 26 février 1986. Folon en rendra compte dans un texte resté manuscrit, où il fustige cette mise à l’encan, où les ‘objets ont été vendus moins chers que le prix qu’ils coûteraient dans n’importe quel grand magasin ».

« A cette vente, il fera quelques acquisitions. Ni des gouaches, ni des toiles, mais 13 des 388 objets ayant appartenu à l’artiste – sa montre, de marque ‘Pace Maker’ et à sa muse -une boîte en carton, contenant des jeux, un écrin à mailles ou encore un ‘bijou ressemblant à un oeil’, mais aussi au couple : les alliances échangées le 28 juin1922, à l’église Sainte-Marie, à Schaerbeek, sont ainsi récupérées par le graphiste, qui jouit, alors, d’un succès international. »

« Et je me souvenais des mots de Georgette, lorsqu’elle parlait de René, un soir, à Paris. Ils se sont aimés, le temps d’une vie. Et les cailloux du chemin étaient disséminés. Et quelque chose en moi voulait les sauver de l’oubli. Quelque chose en moi voulait leur donner un sens. »

… « D’emblée, Folon a ressenti le fondement, non pas littéraire, mais philosophique de la démarche de Magritte … Comme Magritte durant sa‘période Renoir’ (de 1943 à 1947, René Magritte utilisant la technique impressionniste, propre à Auguste Renoir {1841-1919}/ndlr), – qui place la présence de la couleur au centre de son oeuvre – Folon fait du dessin le lieu d’une interrogation sur les conditions du réel en même temps que la scène d’une réinvention par la couleur.« 

Dans une lettre à Pierre Alechinsky (°Saint-Gilles/1927), fin mai 1995, Jean-Michel Folon écrivait : « Je suis entré en sculpture fin 1989, pendant l’exposition du ‘Metropolitan’, en dessinant dans le musée le jour de fermeture, chaque semaine. C’est une petite sculpture des Cyclades que j’ai aimée. Pendant les quatre mois de l’exposition, je l’ai regardée. En rentrant à Burcy, j’ai pris un couteau dans la cuisine. Et dans le restant d’un manche de brosse, j’ai commencé un corps, je ne savais pas comment faire la tête, j’ai sculpté la tête d’un oiseau qui regarde vers le haut. Depuis, j’ai tout oublié. »

En ouvrant les chemins du mystère en peinture, René Magritte porte en germe l’art de Jean-Michel Folon, qui n’aura de cesse d’explorer les voies de la poésie. Ainsi, cette exposition, tenue au sein même du « Musée Magritte », met en résonance les œuvres de ces deux artistes belges majeurs, leurs liens et leurs langages.

Stéphanie Angelroth, directrice de la « Fondation Folon » & Isabelle Douillet-de Pange, curatrice de l’exposition, écrivent : « Folon est surtout marqué par les œuvres de la fin de carrière de Magritte, celles qui rallient plus largement le public à sa révolution poétique. Par les jeux visuels et l’usage de tropes, tous deux mettent en œuvre des compositions qui créent la surprise, complexifient les liens entre les objets représentés et remettent en question la perception du spectateur. Ainsi Folon soumet ses représentations à des métamorphoses, à des contaminations d’un élément par un autre et à des hybridations. »

« Comme Magritte, il impose parfois l’isolement à ses objets, les faisant résonner pour eux-mêmes. Comme lui, il imprègne ses œuvres d’une certaine théâtralité, faite de rideaux et de plancher de scène. Sans que l’influence soit littérale, sans qu’elle soit non plus totale, Folon puise dans l’univers de Magritte, ces articulations complexes qui dépassent la simple représentation de la réalité. Magritte ouvre à Folon les potentialités infinies du langage poétique. Réenchantant le réel, les deux hommes proposent de images comme autant de fenêtres ouvertes sur l’imaginaire. »

Ouverture : jusqu’au dimanche 27 juillet, du mardi au vendredi, de 10h à 17h, le samedi et le dimanche, de 11h à 18h. Prix d’entrée : 10€ (08 €, dès 65 ans et pour le membres d’un groupe de minimum 15 personnes / 3€, pour les étudiants à temps plein de 19 à 25 ans, les personnes à mobilité réduite et leur accompagnateur, les demandeurs belges d’emploi, les bénéficiaires d’un revenu minimum & les membres de groupes scolaires de moins de 26 ans / 0€, jusqu’à 18 ans inclus {hors groupes scolaires} / }, pour le enseignants, les accompagnateurs d’un groupe scolaire, de jeunesse ou de défavorisés, les « amis des « MRBAB », les détenteurs d’une « Brussels Card » & pour tous, les mercredis 05 juin & 03 juillet). Catalogue (« Ed. Racine »/Stéphanie Angelroth, Isabelle Douillet-Depange, Marie Godet, Charly Herscovici, Michel Draguet & Sarah Lammens/cartonné/144 p./221 x 265 mm) : 27€95.  Contacts : 02/508.33.33 & info@fine-arts-museum.be. Site web : https://fineartsmuseum.recreatex.be/.

** Catalogue (S. Angelroth, I. Douillet-Depange, M. Godet, C. Herscovici, M. Draguet & S. Lammens) :

** Activités programmées aux « MRBAB » (sur inscriptions) :

- visites guidées, en langue des signes, pour jeunes et adultes, par Virginie Deguent. une guide sourde, formée aux  « MRABAB », qui présentera les dialogues poétiques et les « affinités électives », qui rapprochent René  Magritte  et Jean-Michel Folon, de 14h à 15h30 (Contacts : 02/508.33.51 & myriam@fine-arts-mudeum.be).

- conférence-rencontre « Arts et Droits huumains », en partenariat avec « Amnesty lnternational » & la  « Fondation  Folon », le jeudi 23 mai, à 19h (visite libre, à 18h), avec Micol Forti , responsable de la « Collection d’Art contemporain » des « Musées du Vatican », détentrice d’un doctorat en recherche de l’histoire de l’art, à l’ « Université La Sapienza », à Rome, & Françoise Tulkens, docteure honoris causa des Universités de Brighton,  Genève, Gent, Limoges & Ottawa, présidente de la « Commission fédérale belge de Déontologie ».

- guidés par un.e historien.ne de l’art, découvrons les dialogues poétiques et les « affinités électives », qui rapprochent René Magritte et Jean-Michel Folon, les dimanches 02 juin et 07 juillet.

- pour nos enfants, « Des Vacances surrrrrrrrrrrrrréalistes ! », du mercredi 10 jusqu’au vendredi 12 juillet.

** Le « Folon Pop up Store Brussels » :

Donnant sur les « Galeries Saint-Hubert », n’hésitons pas à consacrer quelques minutes au « Folon Pop Up Store Brussels »rue des Bouchers, 37, où, confortablement installés dans une chaise longue, nous pouvons découvrir  deux courts-métrages d’animation consacrés à Jean-Michel Folon, à l’entrée d’une échoppe éphémère de  « merchandising », où nous pourront regarder et acheter tout ce qui concerne Jean-Michel Folon, de la carte postale aux pièces textiles, en passant par des copies d’oeuvres, des mugs ou le catalogue de l’exposition   « Magritte-Folon. La Fabrique poétique ».

** La « Sculptures Walk » (Parcours de Sculptures de Folon) :

Prolongeons notre plaisir en empruntant, dès la sortie du « Musée Magritte », sur la place Royale, jusqu’au vendredi 31 mai, la « Sculptures Walk », un parcours dans le Centre-Ville, nous permettant de découvrir des sculptures de Jean-Michel Folon.

Descendant par le Mont des Arts, nous atteignons les « Galeries Saint-Hubert », où nous découvrons une série de sculptures (1996-1999), intitulée « L’Année des Pensées ».

** Poursuivons notre parcours « Folon. A journey in Brussels’, avec 2 expositions, en Région de Bruxelles Capitale :

- « Olivetti. Folon », au « Design Museum », proche de l’ « Atomium », à Bruxelles, jusqu’au dimanche 01 septembre, du mercredi au lundi, de 11h à 19h. Contacts : info@designmuseum.brussels & 02/669.49.29. Site web  : https://designmuseum.brussels/expositions-actuellement/.

- « Folon insolite », à la « Maison Autrique », chaussée de Haecht, 266, à Schaerbeek, jusqu’au dimanche 29 septembre, du mercredi au dimanche, de 12h à 18h. Contacts : info@autrique.be & 02/215.66.60. Site web :  https://www.autrique.be/.

** Fondation Folon, à La Hulpe :

Bien sûr, pour toute personne intéressée par l’art, une visite de la « Fondation Folon », à La Hulpe, s’impose, cet espace muséal, créé en octobre 2000, par Jean-Michel Folon, qui illustra, en 1988, l’important livre, intitulé : « Déclaration universelle des Droits de l’Homme » (« Ed. Folio »), ayant réalisé, dès 1989, les illustrations de plusieurs timbres poste français, et créé, en 1975, les génériques de début et de fin de programmes télévisuels français d’ « Antenne 2 ».

Yves Calbert.

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