"Graciela Iturbide. Lignes d'Ombres", à la "Fondation A", à Forest, jusqu'au 02 Avril
L’artiste photographe Graciela Iturbide (née María Graciela del Carmen Iturbide Guerra/°Ciutad de Mexico/1942) était spécialement venue du Mexique, le mercredi 18 janvier, afin de présenter à la presse sa nouvelle exposition « Graciela Iturbide. Lignes d’Ombres », ouverte jusqu’au dimanche 02 avril, au rez-de-chaussée de l’ancienne manufacture « Bata », à la « Fondation A », Avenue Van Volxem, 304, à Jette, fondée en 2012, sise à proximité du « Centre d’Art contemporain Wiels ».
Lauréate, en 2008, en Suède, de la plus importante distinction photographique, le « Prix Hasselblad », Graciela Iturbide est une figure majeure de la photographie latino-américaine, qui écrivit : « La photographie est un rituel pour moi. Partir avec mon appareil, observer, saisir la partie la plus mythique de l’homme, puis pénétrer dans l’obscurité, développer, choisir le symbolique. »
Dans les années 1970, elle s’initia à la photographie, aux côtés du célèbre photographe mexicain Manuel Àlvarez Bravo (1902-2002), lui aussi lauréat, en 1984, du « Prix Hasselblad », ayant exposé deux fois, au « MoMA » (« Museum of Modern Art »), à New York, en 1940, au sein d’une exposition collective, et, en 1997, une rétrospective personnelle lui étant alors dédiée, sans oublier son expo, au « Museum of Modern Art », à San Francisco, et ses rétrospectives, au « Museo de Arte Contemporáneo », à Monterrey, au Mexique, et au « Philadelphia Museum of Art », aux Etats-Unis.
Graciela Iturbide était à bonne école, participant aux voyages de son mentor, le suivant dans les villages et les fêtes populaires mexicaines, où elle le vit chercher le bon endroit, attendre que quelque chose se produise, puis photographier, presque invisible, sans déranger, ce qui l’intéressait.
En 2011, à un(e) collègue du quotidien français « La Croix », elle déclara : « Il a été mon sauveur, m’a ouvert les yeux. J’ai compris que m’intéresser aux indigènes était aussi une façon de me connaître. Il m’a conseillé de m’imprégner des poésies, des légendes et des témoignages des anciens. Il me répétait sans cesse : ‘Prend ton temps, rien ne presse’ ».
Dans les salles de la « Fondation A », en découvrant les photos, essentiellement en noir et blanc, de Graciela Iturbide, nous plongeons dans l’âme latino-américaine, l’un de ses clichés, "Nuestra Señora de las Iguanas"(« Notre-Dame des Iguanes »/1979) étant devenu iconique, nous dévoilant une femme zapotèque, sorte de déesse pré-hispanique, qui, sur le marché de Juchitán, dans l’Etat mexicain d’Oaxaca, était porteuse d’un couvre-chef réalisé avec des iguanes, un cliché qui lui permit de remporter, en 1987, aux Etats-Unis, le prestigieux « Prix W. Eugene Smith », décerné en hommage au réputé photographe, de l’agence « Magnum », William Eugene Smith (1918-1978), qui déclara : « Les photographies peuvent susciter suffisamment d’émotions pour être un catalyseur de la pensée. »
Devant cette photo, Graciela Iturbide – qui photographie, comme elle l’écrit, « avec une dose d’imagination et de poésie », qui pousse plus loin l’interprétation documentaire – tint à nous dire à quel point la ville zatopèque de Juchitán possède une culture matriarcale, les femmes y détenant le pouvoir, les photographies de plusieurs d’entre elles étant accrochées aux murs de la « Fondation A ». Ainsi, entre 1979 et 1989, elle réalisa sa série « Juchitán de las Mujeres » (« Juchitán des Femmes »), avec, exposées, entre autres, à Forest, « Los Pollos » ("Les Poulets"/1979) et « Mujer Toro » ("Dame Taureau"/1985).
Notons l’importance de son approche personnelle pour réaliser ses portraits, elle qui a besoin de partager une complicité avec la personne, avant de la photographier. « C’est une question d’éthique. Pour moi, la photographie est une expérience vécue, un prétexte pour découvrir le monde à travers l’autre », déclara-t-elle.
Des portraits de femmes de Juchitán, qui l’ont fait connaître à l’international, jusqu’aux Amérindiens Seris, du désert de Sonora, de sa série « Naturata », réalisée, en 1996, au "Jardin botanico" (« Jardin etnobotanique », de la Ville d’Oaxaca, jusqu’aux impressions arides et dépeuplés, du sud des États-Unis, Graciela Iturbide capture la magie dans l’ordinaire.
Originalité, également, à la « Fondation A », avec « Torito » (1983), nous montrant, photographié dans la demarcacione territoriale (démarcation territoriale) de Coyoacan (Ciutad de Mexixo), un guidon de vélo, réalisé avec les cornes d’un taureau, hommage à la tauromachie, dans un pays qui possède, au sein la capitale mexicaine, la plus grande arène au monde, forte de ses 50.000 sièges.
Ayant rencontré le célèbre photographe français Henri Cartier-Bresson (1908-2004) – co-fondateur de l’agence « Magnum » et du « Conseil mexicain de la photographie » – lors d’un voyage en Europe, elle fut invitée, durant une vingtaine d’années, entre les années ’70 et ’90, pour travailler en Allemagne de l’Est (avant la réunification, en 1990) , en Argentine, à Cuba, en Equateur, en Espagne, aux Etats-Unis, en France, en Hongrie, en Inde, au Japon, à Madagascar, au Panama et au Pérou, ce qui lui fit dire : « La connaissance est double : lorsque vous voyagez, vous découvrez des choses à l’extérieur mais aussi à l’intérieur de vous-même, à travers votre solitude. »
« Graciela est imprégnée de références historiques, littéraires, économiques et politiques qu’elle tisse d’un point de vue poétique … Bien que très ancrée dans le monde réel, son œuvre est intense et hypnotique », déclara Marta Dahó (°Milan/1969), titulaire d’un master d’études approfondies en histoire de l’art (« Universidad de Barcelona »/ 2012) et d’un diplôme d’histoire de l’art (« Universidad Autónoma de Barcelona »/1995), commissaire d’expositions des « Rencontres photographiques d’Arles ».
Evoquant ces dernières, notons que Graciela Iturbide y exposa en 1991 et 2011, étant à l’affiche, à Paris, en 1982 , du « Centre Pompidou », ainsi qu’en 2022, de la « Fondation Cartier pour l’Art Contemporain ».
Soulignons que le commissaire français de cette dernière exposition, Alexis Fabry (°Neuilly-sur-Seine/1970), directeur artistique délégué de la « Maison Hermès », co-éditeur-fondateur des « Editions Toluca », est le même que celui de la présente exposition bruxelloise, comme il le fut, entre autres, en 2019, à Londres et Mexico, en 2019 et en 2022, à Buenos Aires.
Pour ceux d’entre nous qui ne connaissent pas la « Fondation A », signalons que, reconnue d’utilité publique, créée à l’initiative de la baronne Astrid Ullens de Schooten Whettnall, toujours « bon pied bon oeil » à plus de 80 ans, elle a pour vocation de soutenir la création, la connaissance et la conservation de l’image photographique, présentant, chaque année, trois expositions, dont l’une de doit de soutenir le travail d’un.e jeune photographe, à l’opposé de la présente exposition, « Graciela Iturbide. Lignes d’Ombres ».
Ouverture (sans réservation) : jusqu’au dimanche 02 avril, du mercredi au dimanche, de 13h à 18h. Prix d’entrée : 7€ (2€, pour les étudiants de moins de 26 ans, les enseignants, les demandeurs d’emploi & les seniors / 0€, pour les moins de 12 ans, les détenteurs du « Museum Pass Musées » & les membres de groupes scolaires). Contacts : 02/502.38.78. Site web : http://www.fondationastichting.com.
Yves Calbert.