Verlaine, Afrique

écrit par ReneDislaire
le 08/12/2012
Fabrice Gazere, Paul Verlaine, au bar Festina a Kegue: 42 a l'ombre, 6 decembre 2012

Fabrice Gazere, le poète du fugace entre jour et nuit de la banlieue de Lomé, au Togo, vient de lire «P. Verlaine et l’Ardenne », cet ensemble de séquences aléatoires qu’avec méthode et rigueur Danielle Chanteux-Van Gottom a offert aux amoureux du grand poète aux origines ardennaises, en Belgique.
Entretien avec un poète symboliste togolais
- Fabrice, vous nous aviez confié il y a quelques mois que vos deux maîtres sont Verlaine et Rimbaud. « Verlaine et l’Ardenne », qu’a-t-il appris connaisseur de Verlaine que vous êtes ?
Tout d’abord une généralité : à l’école, ici au Togo, on enseigne que Verlaine est un poète cent pour cent français ; je ne connaissais rien de cette filiation non seulement biologique, mais également géographique et culturelle avec ce pays du nord qu’est la Belgique. C’est une généralité, je veux dire que l’enseignement en Afrique présente souvent comme franco-français des êtres, des faits et des choses dont la nature est, à y regarder de plus près, hybride, métissée.
- Et connaître ces origines belges, cela vous a apporté beaucoup ?
Énormément. Verlaine est un des pères du symbolisme. Chez lui tout est symbole. Je sais maintenant que c’est en Ardenne qu’il a appris la nature ; c’est en Ardenne que réside le gisement de la plupart de ses symboles.
"J'ai découvert l'Ardenne: des couleurs. Des couleurs sans nombre et autant de lumières"
- Vous avez découvert une région ?
Je ne connaissais pas l’Ardenne et Madame Danielle m’a fait découvrir ces richesses de tant de couleurs méconnues en Afrique : les feuilles qui changent au fil des saisons alors que chez nous aucun arbre n’a les feuilles caduques et que l’expression « forêt d’automne » n’a aucun sens, la couleur fixée par l’humidité permanente dans le schiste alors qu'ici il ne se passe rien entre la pluie et le beau temps, la lumière dans tous ses états, le chatoiement en va-et-vient que donne à la nature le soleil dans sa course alors que non loin de l’équateur l’astre du jour est toujours au zénith à éblouir et disparaît chaque jour à la même heure sans gratifier les humains du spectacle de ses caresses.
- Le symbolisme des couleurs, c’est si important ?
Très important. Essentiel. Je vais relire les poèmes Saturniens, mon livre préféré, avec un tout autre regard. Tout y est couleurs qui éveilleront davantage mes sens. Les couleurs, mais aussi les bruits de la nature ardennaise, le gazouillis des oiseaux, le frémissement des feuilles, les remous des ruisseaux ; et tous les symboles fréquents chez vous : les croix que l’on trouve à chaque croisée de chemins, par exemple.
- Verlaine poète chrétien, c’était votre manière de voir l’illustre Ardennais ?
Absolument pas. Le poète maudit, le débauché –génial certes, mais débauché quand même-, celui qui a tiré sur son ami de loin son cadet avec qui il entrainait une relation homosexuelle, du tabou à l’époque, celui qui cherchait refuge de grande ville en grande ville : cet homme avait un cœur d’enfant qui battait dans la région si calme et si paisible de Paliseul, nourri par un catholicisme ambiant omniprésent. « Verlaine est un poète chrétien qui a donné à la littérature française ses plus beaux poèmes ». Là aussi, une phrase qui donne une clé de lecture qui me permettra de revisiter tant de strophes avec une familiarité plus grande.
- Que vous a encore appris ce livre ?
Tant de choses. Des nouveaux mots, précieux, délicieux, qui ne sont définis nulle part, sinon par le contexte symbolique verlainien.
Mais je suis heureux surtout d'avoir fait la connaissance d’un guide femme, Madame Danielle, alors que toutes les critiques magistrales des poètes du XIXe siècle m’apparaissaient le monopole des hommes.
Madame Danielle tient sa plume avec une sensibilité et un style littéraire qui collent tellement à Verlaine. Et son idée de la forme d’abécédaire donnée à son ouvrage, c’est une surprise totale : le quotidien est présenté dans une paradoxale débâcle sereine.

Propos recueillis par René Dislaire
à Kégué (Lomé), le 6 décembre 2012

Liens de référence à cet article :.
P. Verlaine et l’Ardenne, Par Danielle Chanteux-Van Gottom, éditions Weyrich
Fabrice Gazere, poète “Total” du Togo

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