Offensive. Conte. 2. Hans prend ses quartiers à Houffalize

écrit par ReneDislaire
le 11/01/2020

Offensive. Houffalize. Conte. Tonton Hans prend ses quartiers à Houffalize
Le lundi 18 décembre 1944
, les soldats américains avaient quitté la ville furtivement, eux qui depuis la Libération étaient là comme garants de la sécurité de la population. Levé le camp sans prévenir le bourgmestre, malgré la promesse que le commandant lui avait faite la veille, en précisant naïvement -mais était-ce naïvement ? - que l’éventualité du retour des Allemands était à exclure.

Voici une ville laissée en plan avec ses habitants sans nouvelles fiables de qui et d’où que ce soit : il n’y avait plus d’électricité, donc pas de TSF (radio). Que dire du téléphone. Et que croire des fuyards en transit...

Mardi 19. Houffalize est une ville ouverte, offerte à l’arrivée des Allemands.
Surprise : la soldatesque teutonne ne payait pas de mine. Plus rien de la superbe qu’on leur connaissait. Vraiment rien de la rutilance de la campagne des 18 jours.
Hans, comme ses compagnons déjà bien engagés dans la trentaine, paraissait 20 ans de plus que son âge. Çà et là pour rafraîchir la troupe, quelques écoliers bien blonds et aux dents blanches arrogantes dans des uniformes mal ajustés. Des hommes exténués plutôt bon papa d’un côté, et de l’autre des jeunes gens inexpérimentés le regard effarant.

Sous-alimenté depuis des années notre tailleur de Hanovre présentait un visage livide, décharné, les yeux renfoncés dans les orbites de par les horreurs qu’il avait traversées.
Ah ! Tous ces vieux de la Wehrmacht, les vêtements parfois dépareillés, qui marchaient claudiquant d’au moins une jambe, les pieds chaussés de bottes délabrées en accordéon.
Si ces hommes défilaient derrière des tanks impressionnants, tout le reste du charroi était brinquebalant, obsolète, avarié par des milliers de kilomètres endurés dans les pires conditions. Une mécanique cacophonique.

Houffalize, ville ouverte, Houffalize, ville morte. Plus Noël approchait, plus elle se vidait de ses habitants, partis en quête de refuge ailleurs.
Hans trouva à se loger dans une maison que des Américains avaient quittée précipitamment. Il partageait sa chambre avec Sepp, un ouvrier de brasserie de Munich.

Le temps passait : le jour de Noël Houffalize avait fait connaissance de ses premiers bombardiers bourreaux venus d’Angleterre, qui lui avaient fourni à Saint-Roch son premier lot de victimes à inhumer.

Hans et Sepp aimaient se promener à Houffalize. Hans le protestant austère de Hanovre appréciait une cité pittoresque dont sa région monotone était dépourvue, et Sepp le catholique jovial retrouvait un coin de sa Bavière bucolique.

Mais surtout, Hans et Sepp aimaient les enfants. Depuis cinq ans, ils étaient privés des leurs.
Pas évident de sympathiser avec des enfants sous les yeux de leurs parents dont on est l’ennemi redoutable depuis cinq ans. Quand on porte l’uniforme et qu’on parle la langue synonymes de barbarie.

Les Américains avaient quitté leur chambre à la hâte en laissant dans une armoire des sucreries : du chocolat, des bonbons, des barres de gaufres, des chewing-gums, des boîtes d’abricot en conserve.
Ni Hans ni Sepp n'en auraient goûté, eux dont les enfants étaient dépourvus de toute friandise, qu’ils savaient mal nourris et malheureux à Hanovre et Munich depuis le début de la guerre.

Comment se faire accepter distribuant aux enfants houffalois des gâteries avec sur les mains le sang de leurs semblables de l’Atlantique à l’Oural et au Maghreb méditerranéen?
Car Hans l’avait compris depuis longtemps : ce n’était pas pour chauffer son peuple avec du charbon de Pologne que le Führer avait conduit son pays à sa perte. Il avait multiplié au quotidien des crimes contre l’humanité au nom d’une inhumaine doctrine et mu par sa folie génialement contagieuse.

Hans le simple et brave tailleur organiste de Hanovre qui initiait les enfants au solfège les dimanches matin avait honte de ce qu’il était.

René Dislaire © Houffalize, le 11 janvier 2020
(à suivre)
* Conte. Ch 1. Houffalize. Le soldat Hans et la petite Perpétue sous les bombardements. Les tribulations de Hans durant la 2e guerre Houffalize. Offensive de 1944/1945. Conte.
Hans, Perpétue et Félicité. Liens vers les 7 chapitres.
* Houffalize. Offensive. Conte. Hans, Perpétue et Félicité. Chapitre 1. Les trtibulations de Hans en Europe
* Houffalize. Offensive. Conte. Hans, Perpétue et Félicité. Chapitre 2. Hans prend ses quartiers à Houffalize
* Houffalize. Offensive. Conte. Hans, Perpétue et Félicité. Chapitre 3. L’allemand Hans sous les bombardements
* Houffalize. Offensive. Conte. Hans, Perpétue et Félicité. Chapitre 4. Le SS doryphore
* Houffalize. Offensive. Conte. Hans, Perpétue et Félicité. Chapitre 5. Hans et la petite Perpétue
* Houffalize. Offensive. Conte. Hans, Perpétue et Félicité. Chapitre 6. Hans et Sepp croisent deux connaissances
* Houffalize. Offensive. Conte. Hans, Perpétue et Félicité. Chapitre 7. 6 janvier 1945. Fin

180 lectures
Portrait de ReneDislaire
René Dislaire