"Walthéry s'affiche", à la "Tour d'Anhaive", à Jambes, jusqu'au 1er Septembre
Par une chaude nuit d’été, alors que François Walthéry – fait « Officier du Mérite wallon », en 2013, lauréat du « Grand-Prix Saint-Michel », pour l’ensemble de son œuvre, en 2015 – allait rentrer chez lui, à pied, à 3h du matin, après avoir travaillé chez son ami « Peyo » (Pierre Culliford/1928-1992), lorsque tous feux éteints, une voiture le coinça contre la bordure d’un trottoir. Des policiers, armes au poing en sortirent :
Hé là, que faites-vous là, vous ?
Moi ? Je travaille, m’sieur l’agent !
A 3 heures du matin ?
Vous le faites bien aussi, vous.
Que faites-vous là, autour d’une villa en pleine nuit de juillet quand tout le monde est en vacances !
Ben, moi ? Je fais des « Schtroumpfs » !
Quoi ? Embarquez-moi ce gaillard, hop !
… Fort heureusement ces policiers acceptèrent, néanmoins, de réveiller « Peyo »… Tout le monde se retrouva dans une franche rigolade et les agents y gagnèrent des petits « Schtroumpfs »…
Cette amusante anecdote, extraite de« F. Walthéry. Monographie de la Bande dessinée » (1981), nous la retrouvons au 1er étage du donjon de la « Tour d’Anhaive », à Jambes-Namur, où l’exposition « Walthéry s’affiche » nous attend, jusqu’au dimanche 1er septembre.
Fort différente des habituelles expositions consacrées à la bande dessinée, nous trouvons ici, comme le titre de l’expo le laisse supposer, une intéressante collection d’affiches, créées par François Walthéry, qui commence fort avec, face à la porte d’entrée, une vision personnelle (2018) d’un tableau de Félicien Rops (1833-1898), peint, 140 plus tôt, en 1878, « Pornocratès ». A ce sujet, Réginald Muller, commanditaire et éditeur de cette oeuvre contemporaine, déclara :« Le ‘Pornocratès’ de l’artiste Félicien Rops, je l’ai choisi suite à la visite de l’exposition’ ‘Pornocratès dans tous ses Etats’, installée au ‘Musée Rops’ au printemps 2018… »
A main gauche, dès notre entrée, nous découvrons, aussi, une grande affiche de Georges Simenon (1903-1989), réalisée pour promouvoir, en 1989, un festival consacré au créateur de l’« Inspecteur Maigret », aux « Chiroux », à Liège, dans une Province bien connue de François Walthéry, natif, de fait, en 1946, d’Argenteau, près de Visé.
Soulignons que l’intérêt de la présente exposition à la « Tour d’Anhaive » est relevé par la présence de nombreux objets, esssentiellement centrés sur
« Natacha », créée en 1968, alors qu’il n’avait que 22 ans, par François Walthéry, le premier album de la célèbre hôtesse de l’air étant publié, en 1971, par les Ed.« Dupuis« .
Ainsi – grâce à la collection de l’asbl « Oufti », fondée, à Cheratte, en 1995, forte de plus de 250 membres -, nous constatons que« Natacha » possède sa… carte d’identité et qu’un timbre poste fut édité à son effigie. De même, dans différentes vitrines, nous découvrons, avec « Natacha » ou d’autres de ses personnages, un billet de banque factice de 100 F.B. (édité avec l’autorisation du Conservateur de la « Monnaie royale », … qui demanda d’en obtenir deux exemplaires, l’un pour lui et l’autre pour la collection nationale), des « pin’s collector », des cartes postales de l’ « Opération 11.11.11 », des post-it « CAP 48 « , des cartes des« TEC-Charleroi », un menu « Simenon » de la« Maison Guillaume », …, voire même de simples sacs en papier, pour une boulangerie, … sans oublier une scène, avec de superbes figurines miniatures en étain, au « Café Braham », inspirée du « Vieux Bleu ».
Autre sujet d’intérêt, le « Mambo à Buenos Aires », un conte musical de Patrick Dewez, que nous pouvons visioner au 1er étage, les pages de l’album, dessinées, en 17 planches, sans phylactère, par François Walthéry, se tournant sur l’écran, alors que nous écoutons différents styles musicaux, de la chanson française à la samba, en passant par le jazz, avec, entre autres, le Baron Thielemans (Jean-Baptiste Frédéric Isidore Thielemans/dit Toots Thielemans /1922-2016) et « Renaud » (Renaud Séchan), ce conte musical étant dit par un ancien animateur de la « RTBF », Georges Pradez (Georges Jortay/ 1939-2004). Libre à chacun d’entres nous d’acquérir ce CD, à l’accueil, pour 30€, ce prix incluant l’album du dessinateur, publié en 1990.
Un livre broché, « Aventures scoutes au Pays du Calendrier Belge » est également mis en vente, au prix de 20€, François Walthéry ayant réalisé de nombreux dessins pour différents calendriers de la « Fédération des Scouts Catholiques », entre 1965 et 2002. En outre, en plus de la publication de différentes publicités, dessinées par notre auteur (certaines étant exposées au rez-de-chaussée de la « Tour d’Anhaive »), cet album contient un « tiré à part » dédicacé et numéroté… Avis aux … collectionneurs !
Autres achats possibles : le dernier album de « Natacha », le N° 23, « Sur les Traces de l’Epervier bleu » (Ed. « Dupuis »/2018), scénarisé par « Sirius » (Max Mayeu/1911-1997), vendu sous une jaquette dessinée spécialement pour la présente exposition : 25€ ; l’affiche et le « pop-up » (feuillet-catalogue) de l’expo : 2€ chacun.
Concernant les deux dernières aventures de « Natacha » – en rapport avec « L’Epervier Bleu », une BD, créée en 1942, au sein du « Journal de Spirou » et dont les albums furent édités par« Dupuis », en 1948 -, François Walthéry confia à Fiona Lebecque et Aline Thibaut, rédactrices du « pop-up » : « J’étais en vacances chez Max Mayeu, dit ‘Sirius’ (créateur de« Timour », ndlr), en 1977, avec Maurice Tillieux (1921-1978/créateur de « Gil Jourdan », ndlr). J’avais dit à Max que j’aimerais bien la retransposer. Ça a été assez simple à transformer en scénario, pour « Natacha ». Je l’ai réalisé en deux parties au lieu d’une seule car ça aurait fait un album d’une centaine de pages. C’est une aventure qui me plaisait… »
Ainsi, 75 ans après les premiers dessins de l’« Epervier Bleu », ce dernier a repris vie, grâce à « Natacha », consécutivement à une amitié de longue date que François Walthéry avait avec feu « Sirius »…
… Assurément, cette exposition constitue un bel hommage à ce dessinateur wallon, qui, homme de coeur, s’attacha à l’opération carritative « Arc-en-Ciel », pour laquelle il réalisa de jolies affiches, pleines d’optimisme et de joie de vivre, que nous retrouvons dans toutes les salles de cette expo « Walthéry s’affiche ».
Suivant des cours à l’ « Institut Saint-Luc », de Liège, en 1962, à 16 ans, il vit sa 1ère planche publiée dans le journal « Junior », des Ed.« du Lombard ». « Mittéi » (Jean Mariette/1932-2001), qui, comme lui, habitait Cheratte, lui confia les dessins de sa série « Pipo ». Devenu, l’année suivante, le 1er assistant de « Peyo », il dessina, pour ce dernier, plusieurs aventures des « Schtroumpfs », puis de« Johan et Pirlouit », dès 1970, continuant, à son nom, à partir de 1966, la série des aventures de« Benoît Brisefer », créées par ce même« Peyo », en 1960, dans le no 1183 du « Journal de Spirou », le 1er album étant publié en 1962, par les Ed. « Dupuis ».
Un cartel de l’exposition nous révèle ses propos, alors qu’il dessinait des planches des « Schtroumpfs » : « Des fois, j’avais des arbres avec des troncs verts et des feuilles marron… Oui, parce que je suis daltonien, je ne vois pas bien les couleurs. Je le savais depuis l’école, mais je l’avais oublié. »
Alors que les oiseaux firent l’objet d’un numéro spécial du « Journal de Spirou », en 1973, François Walthéry s’est dit qu’il allait faire quelque chose du pigeon héroïque de son aïeul colombophile. Aussi, en bon Wallon qu’il est, il fut l’auteur, en dialecte wallon liégeois, de « Li Vî Bleû » (« Le Vieux Bleu »)… et de ses pigeons.
Par ailleurs, attaché à la Ville de Liège, pour les Ed.« Noir Dessin », il illustra un conte sur le « Village de Noël » , « Tchantchès a disparu », dont des cases hyper agrandies décorèrent les palissades extérieures de la 32e édition de ce si accueillant « Viyèdje di Noyé di Lîdge », la Ville de Liège ayant été désignée, en 2018, comme « Capitale européenne de Noël ».
Ce personnage de« Tchantchès » – qui possède son théâtre de marionnettes à tringles et son musée, dans le quartier d’Outremeuse -, croqué par François Walthéry, illustre, par ailleurs, la couverture d’un dictionnaire « Assimil »,« Le Wallon de Poche » (2004/272 p.), exposé à l’accueil.
Loin d’arrêter son envie de créer de nouveaux personnages, en 2019, il donne naissance à « Sophia Stomboli », une capitaine des carabiniers italiens, sur un scénario d’André Taymans, ses principaux scénaristes ayant été « Gos » (Roland Goossens) et Raoul Cauvin, voire même « Peyo » lui-même, lorsqu’il dessina « Jacky et Célestin », dès 1963.
Soulignons que l’origine de cette exposition revient à Dominique Allard, directeur de la « Fondation Roi Baudouin » (propriétaire de la « Tour d’Anhaive »), qui nous déclara : « Par passion, à partir le plus souvent d’une trouvaille surprenante, les collectionneurs rassemblent, protégent, conservent des pans entiers du patrimoine de l’humanité. A tel point que, sans eux, ce patrimoine là ce serait même perdu, l’affiche n’étant qu’éphémère, ne vivant que ce que vivent les roses. Par contre, l‘affiche étant collectionnée, conservée, l’événement devient éternel, le spectacle pérenne. »
Aussi voulant partager une partie de ce patrimoine, informé de l’impressionnante collection d’affiches du Wépionnais Joseph Libion, l’idée vint de nous proposer une toute petite partie de celles-ci, à l’occasion de la présente exposition.
… Et Joseph Libion de nous préciser : « Une collection est un élément vivant et non statique, les pièces qui la composent devant faire l’objet de nombreuses précautions, devant être numérotées, répertoriées, inventoriées selon leur catégorie, maintenues dans un environnement à température modérée et la plus constante possible. »
A l’occasion du vernissage, à Jambes, nous présentant son frère, Freddy, collectionneur, quant à lui, d’affiches de cinéma, il nous dit que, faute de place chez eux, tous deux avaient du se séparer d’une partie de leurs collections, lui même s’étant, désormais, limité aux grands auteurs de BD et à quelques artistes de renoms, tels Pierre Alechinsky (°1927), Pol Bury (1922-2005), Jean-Michel Folon (1934-2005) ou René Magritte (1898-1967).
Joseph Libion nous confie, aussi, comment lui est venue cette envie de collectionner des affiches : « Avec mes condisciples, nous récoltions des billes, on les échangeait, on les amassait. Ensuite, vint la collecte des boîtes d’allumettes, des timbres poste, des chromos historiques, des images accompagnant les barres de chocolat, des photographies de vedettes du cinéma ou de différents sports, … Bref, l’on assistait, ainsi, à la naissance d’une ‘collectionnite aigue’, qui se déclencha ensuite, ma première affiche de valeur étant une affiche créée par Paul Delvaux (1897-1994), pour une exosition présentée à la ‘Galerie Isy Brachot’. Passionné par la peinture, je n’avais pas les moyens de m’offrir des oeuvres originales, ce qui me dirigea vers la collection d’affiches mettant en valeur peintures et sculptures. »
« Ma collection m’incita à visiter nombre de musées et d’expositions, me permettant de rencontrer plusieurs artises, dont Pierre Alechinsky, qui déclara, en ma présence : ‘L’affiche, c’est comme un tableau, c’est une création, c’est une oeuvre en soi’. »
Et de terminer notre entretien par ces mots : « Au milieu de mes affiches, je suis comme le jardinier qui soigne ses plantes, ses fleurs, et leur apporte toute l’attention qu’elles exigent et méritent. »
Grands collectionneurs devant l’éternel, les deux frères Libion ont créé, il y a près de 20 ans, l’asbl « Affipage », qui possède à son actif l’organisation de six événements ayant trait au cinéma et 31 relatifs à la bande dessinée ou à des artistes peintres, cette asbl leur permettant de faciliter les contacts avec de nombreux organismes culturels, officiels ou privés, ce qui est indispensble pour eux qui souhaitent partager les beautés, les richesses de leurs collections.
Heureusement pour tous les amateurs du « neuvième art », Joseph Libion a donc conservé celles créées par François Walthéry, au plus grand plaisir des fans de ce dernier et des nombreux visiteurs qui viendront, assurément, de toute la Wallonie et d’au dela, des Flandres et du Nord de la France…
… En famille, découvrons cette quarantaine d’affiches, de même que de nombreux objets bien sympas et des anecdotes qui ne le sont pas moins, à la
« Tour d’Anhaive », sise au N° 1 de la Place Jean de Flandre, à Jambes, ouverte jusqu’au dimanche 1er septembre, du mardi au vendredi, de 13h30 à 17h30, anisi que les samedis et dimanches, de 14h à 18h, l’entrée étant gratuite pour tous.
A noter que le dimanche 16 juin, à l’occasion du vernissage de « Walthéry s’affiche », une exposition proposée, cet été, par le « Centre d’Archéologie, d’Art et d’Histoire de Jambes », dont Fiona Lebecque est la Conservatrice, Frédéric Laloux, actuel Président du « Syndicat d’Initiative de Jambes », eut ces mots, bien dans l’ambiance de cette plaisante expo : « Je lui refilerai la patate chaude », présentant, au micro, Sandrine Bertand, qui lui succédera en date du 1er septembre 2019. Voilà pour le futur…
… Par rapport au passé, pour les personnes qui ne connaissent pas cet édifice, signalons qu’Anhaive était une petite seigneurie, à vocation rurale, appartenant à l’origine à l’évêque de Liège, Jean de Flandre, qui s’y établit avant 1285 jusqu’à son décès, le 14 octobre 1291. Quant à la « Tour d’Anhaive », autrefois entourée de douves, son édification, en calcaire de Meuse, remonte au Bas Moyen-Age. Au 2e étage, nous y découvrons toujours les vespasiennes féodales, qui surplombaient les douves, aujourd’hui disparues.
Jambes faisait partie de la Principauté de Liège, alors séparée du Comté de Namur par la Meuse, une frontière naturelle que l’on pouvait franchir en empruntant l’ancêtre de l’actuel« Vieux-Pont de Jambes », qui était flanqué d’une« Tour Beauregard », percée d’une porte à pont-levis, marquant bien la séparation entre ces deux Etats féodaux, devenus, le 1er janvier 1977, une seule et même cité : la Ville de Namur.
Une anecdote rapportée par Frédéric Laloux, lors d’un précédent vernissage :« Vous aurez remarqué que le lieu où nous nous trouvons a changé de nom, ne s’appelant plus ‘Seigneurie d’Anhaive’, mais bien ‘Tour d’Anhaive’, étant donné que nous étions summergés d’appels téléphoniques nous demandant si nous disposions encore d’une chambre libre dans notre ‘Seigneurie’… »
… Et pour en revenir au domaine de la bande dessinée, en ce lieu remontant au Moyen-Age, nous y verrions très bien, prochainement, une expo consacrée à un certain« Chevalier Ardent », apparu en 1966, dans les pages du « Journal Tintin », son 1er album ayant été publié en 1970, par les Ed.« du Lombard », d’autant plus que la fille du créateur de ce personnage, François Craenhals (1926-2004/ami de François Walthéry) – était présente, en famille, ce 16 juin, à l’occasion du vernissage – étant… Jamboise, sa maman, l’épouse de ce dessinateur, trop tôt disparu, habitant Erpent, toutes deux étant donc Namuroises…
Yves Calbert.