Lès hèyedjes. (Les collectes) et autres coutumes de la période de fin d’année

écrit par francois.detry
le 12/01/2019
 Lès hèyedjes. (Les collectes) et autres coutumes de la période de fin d’année

(Vous avez été nombreux à vous intéresser aux "hèyes" et à m'interroger, alors voici ce que je peux en dire, et vous remercie déjà pour les renseignements supplémentaires que vous pourriez me communiquer)..

Lès hèyedjes. (Les collectes).
Cette coutume n'est pas uniquement wallonne car elle existe également dans d'autres pays.
Il ne faut pas confondre "hèyèdje" - collecte - et mendicité, ni "lès hèyeûs" avec les mendiants: le mendiant reçoit une aumône alors que "li hèyeû" reçoit "une dîme" qui lui est "conférée par la tradition".
Certains règlements communaux interdisaient la mendicité mais pas "lès hèyèdjes" qui étaient donc tolérés..
"Lès hèyèdjes" c'étaient des collectes de porte à porte et en bande, organisées afin de solliciter soit des denrées spéciales de l'époque ou de l'argent pour en acheter.
Et "lès hèyeûs" précisaient bien leur rôle en chantant:
Dji vin hèyî, mins ci n'èst nin po v'ni briber (Je viens collecter mais ce n'est pas pour venir mendier)
C'è-st-ine cåse qui va (ou qui vint) di tot costé.
(C'est une cause qui va (ou qui vient) de tout côté: une coutume qui vaut partout).

Rares étaient les non-donneurs car refuser de donner "portait malheur" et le ciel était censé punir les avares.
Et quand on refusait de participer à la collecte, "lès heyeûs" chantaient:

Pour une femme:
Dji vin hèyî a l'oliète (Je viens collecter "avec ma lampe à huile)
Li feume di chal n'a pus d'tètes (La femme d'ici n'a plus de seins)
On l'z'a côpé a côps d'cizètes (On les a coupés à coups de ciseaux)
On l'z'a rostis d'vins ine pèlète. (On les a rôtis dans une petite poêle).

ou pour un homme avare:
Dji vin hèyî (Je viens collecter)
al vète èplåse (à l'emplâtre verte)
Li mèss! di chal (le maître d'ici)
A tchî è s'cou-d'tchåse (A chier dans son haut de chausse).

- Exemples de chants pour hèyî:
Ine bone annèye a v'sohètî (une bonne année à vous souhaiter)
I fèt si freû so lès bleûsès pîres qui dj'a m'narène come 'ne pètèye crompîre
(Il fait si froid sur les pierres bleues que j'ai "mon" nez comme une pomme de terre "pètée").
Dinez nos dè lèv'go, dès såcisses ou bin dès mitchots
(Donnez nous du lèv-go, des saucissese ou bien des michots).

Remarques :
- En wallon liégeois on utilise « Narène » pour nez, mais dans certaines localités, « né » est utilisé également.
- le wallon utilise un possessif "dj'a må M' tièsse" pour "j'ai mal la tête" donc "..dj'a M,narène" pour "j'ai le nez"
- « Pétèye crompîre »: pomme de terre cuite sous la cendre.
- « Le lèv'go » est un boudin au foie avec des raisins de Corinthe.

* Autres souhaits utilisés :
C'è-st-oûy lès hèles, i n'a dèl mizère; c'èst tos hièleûs,
i n'a pus dès bribeûs: sèyîz-nos braves,
fez-nos lès wafes, lès wafes èt lès galèts,
po mète è nosse paquèt.

- Il y avait aussi :
C'è-st-oûy lès hèyes, dji vin hèyî; ç'a-stu l'bon Diu qu'm'a-st-avoyî.
Et on terminait souvent par: Ine pitite hèye, Madame Si v' plèt.

- Ou encore.......
Al' hèye , a l' hèye dji vin hèyi a l ' blanke mohone
L'ome di d'chal è-st-on bråve ome
Qu' aclèvé deûs crås pourcês,
Onk å laton, onk å lécê, ine pitite hèye madame s'i v' plêt.

Bien sûr, chaque village avait sa version mais elles tournent toutes autour ce ces paroles.

José-Louis Thomsin W

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Dji vins hèyî...

La coutume du « hèyèdje » que l'on retrouve aussi en France, est une des coutumes une fois de plus presque complètement perdue, chassée par la modernité, les dangers de la rue, etc...
Disons de suite qu'il ne faut pas confondre « hèyèdje » et mendicité, celle-ci étant loin d'être disparue d'ailleurs. Le « hèyeû » ne mendie pas dans le sens où il n'attend pas une aumône, mais où il perçoit une dîme qui lui est due d'après un droit conféré par la tradition. Dans une de ses nombreuses complaintes, le « hèyeû » précise bien : Dji vins hèyi, mins c'n'est nin po v'ni briber
On voyait beaucoup de « hèyeûs » mais personne ne les prenait pour des « bribeûs » I

Le « hèyèdje » se pratiquait en bande, de porte en porte pour obtenir de l'habitant quelque denrée spéciale à l'époque du collectage. Le « hèyèdje » n'est pas cantonné à une seule date ou période de l'année. On le retrouve au mardi-gras, à Noël, au Nouvel an, à l'Epiphanie, mais aussl à la St-Hubert le 3 novembre, ou encore à la Ste-Catherine et même chaque fois que l'on a capturé un animal « malfaisant » comme le loup ou le renard.
Ce qui caractérise le « hèyèdje », c'est qu'il est accompagné de complaintes ou chansonnettes, Ainsi le mardi-gras, les enfants chantent :

Srnf Pansâ n'a nin sopé, / Tayez bin, tayez mâ, / on bon gros morchô / po Sint Pansâ /
C'est d'min cwarème vènant / donez tos bos ramonans / à Srnt Panzâ.

Il ne faudrait pas cependant croire que les enfants sont les seuls à se mettre en route, bien que la plupart du temps ce fut eux qui collectaient
Ainsi, les petits métiers de la rue tels les égoutiers, les boueux, les allumeurs de réverbères, les balayeuses publiques, les tambours de la garde civique présentaient, à l’occasion du Nouvel an, de petits cartons imprimés en échange d’un don de l’habitant. A Mons, le sonneur de trompe distribuait une image sur laquelle s’inscrivait cette mention « Le sonneur, veilleur, trompette qui respecte les heures vous souhaite une année heureuse en attendant vos bontés généreuses ».

La garde civique de Liège n’est pas en reste avec ce couplet :
Monsieur,
Votre dévoué tambour a l’honneur en ce jour, de venir vous souhaiter une sainte, heureuse année, santé, bonheur, prospérité, que Dieu daigne vous l’accorder et pour comble de tous souhaits, le bonheur parfait Etant toute l’année votre dévoué serviteur, de me recommander en ce jour j’ai l’honneur.

Dans les petits ateliers, les ouvriers se rendaient en groupe chez le patron qui les recevait leur distribuant cigares, boissons et argent.

Dans les environs de Liège, le jour des Rois était aimé des pauvres car ce jour, en effet, refuser l’aumône portait malheur. Et si le quêteur était mal accueilli, le bourgeois ou la bourgeoise recevait un couplet satirique ou insolent ou même menaçant parfois. Un exemple anodin illustrera ce propos :
Dji vins héyi po quéquès miyètes, / mins les djins d’chal n’ont nin plakète. / On dit qui l’feume n’a pu des tètes. / On l’-z-i côpa avou ‘n’cizète. / On l’a rosti d’vins ‘n’nouve pêlète. / Â diâle li feume èt lès miètes. ( pour traduction, voir ci-avant )

On les reçoit avec une bienveillance toute spéciale et on garnit leurs poches de gâteaux et victuailles en nombre plus important que d’habitude. Cette coutume se pratiquait la veuille du jour des Rois, le 5 janvier.

Un journaliste du terroir nous révèle que les femmes du peuple, leurs jupons relevés sur la tête, le visage couvert de façon à ne pas être reconnues, entraient dans les corridors des maisons et agitant une sonnette pour appeler la maîtresse du logis, chantonnaient sur un ton traînard :
Dji vins priî àl’blanke mohone,/ li mêsse di chal èst-st-on brave ome./ Il a mopuri treûs crâs pourcês, onk’âs rècènes, deus âs navês. / Ine pitite part Dièw, Madame, si v’plêt.

Si vous passez par Remouchamps, la veille des Rois, ne vous étonnez pas de voir encore circuler des groupes d’enfants qui, prolongeant la tradition, continuent de « hèyi » en chantant l’un ou l’autre des refrains traditionnels. Cette coutume est due au groupe des Cabris du Val d’Amblève qui s’efforce dans la mesure du possible de maintenir dans notre mémoire cette tradition :

Madame,
Dji vin hèyî (Je viens collecter) / Po veûy çou qui’vos m’dinriz, / Vos avîz fêt les wafes, / Vos m’les lèrez sayî /
Bouter fou, boutz d’vins / Disqu’à tant qu’i seûye bin plin / Eune pitite hèye Madame, / Pasqui dj’a si bin tchanté.

( avec l’aide du Calendrier populaire wallon de R. de Warsage et de la Revue Wallonia I, 1893 / Extrait du bimestriel de la DAPO )

© François DETRY
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