Evénements Cinématographiques, à Namur : "Ceux qui restent" et "Pauvres Millionnaires"
Ce jeudi 20 juin, à 20h, au "Sauvenière", à Liège, et ce lundi I7 juin, à 20h, au "Caméo", à Namur, projection d'un documentaire belge, en langue roumaine, sous-titré en français, "Ceux qui restent" (20I8/93'), suivie d’une rencontre avec les deux réalisatrices, Charlotte Grégoire et Anne Schiltz.
Synopsis : "Mâlăncrav est un petit village de Roumanie aux paysages qui ressemblent à ceux que l’on voit dans les films d’Emir Kusturica. La vie y est dure, mais ses habitants n’ont pas la volonté de le quitter. Nombre d’entre eux partent pourtant en Allemagne ou en Autriche pour des emplois précaires et de courte durée afin de ramener un peu d’argent au village. Ceux qui restent combinent les moyens pour s’en sortir, n’ayant d’autres choix que le travail à l’usine, dans les conditions que l’on connaît, ou celui de la terre et des bêtes, également ingrat, mais pour d’autres raisons..."
Ayant étudié la danse, le documentaire et la musique, licenciée en anthropologie, à l' "ULB", et postgraduée en anthropologie visuelle, à l' "University of Manchester", Charlotte Grégoire réalisa son premier court-métrage documentaire, "André et Nandi" (Bel./200I/25'), avant de collaborer, cinq ans plus tard, avec Anne Schiltz, pour la réalisation de "Stam nous restons là".
De son côté, Anne Schiltz, docteur en anthropologie de l' "Université Libre de Bruxelles", est, aussi, diplômée en Sciences sociales et en Sciences cognitives. En 2000-200I, elle fit une thèse en anthropologie sur la Roumanies, vivant quelques mois à Mâlăncrav, le village où "Ceux qui restent" fut tourné. Ancienne coordinatrice de projets culturels, ayant été la Commissaire d'une Exposition, elle entama donc, en 2006, la réalisation cinématographique, aux côtés de Charlotte Grégoire.
A elles deux, elle réalisèrent :
- "Stam nous restons là" (Lux./2006/54'), film primé, en Roumanie, à l' "Astra Film Festival").
- "Charges communes" (Bel.-Lux./20II/82'), présenté au "FIFF" ("Festival International du Film Francophone"), à Namur, en 20I2, dans sa section "Regards du Présent", primé, en Moldavie, à l' "IDFF Cronograf", ainsi qu'en Roumanie, à l’ "Astra Film Festival" et à l' "Urban Eye Festival".
- "Bureau de Chômage" (Bel./20I5/75'), lauréat, en 2015, du "Prix Cineart", du"Festival Filmer à tout Prix", et, en 20I6, du "Prix audiovisuel de la SCAM" ("Société Civile des Auteurs Multimédias"), étant nommé aux "Magritte du Cinéma", ce documentaire, tourné en Belgique, dénonçait le fonctionnement bureaucratique de l’ "ONEM".
Anne Schiltz déclarait récemment : "La Roumanie est frappée par la migration dans tous les milieux sociaux: les universitaires, les ouvriers, les paysans. Dans ce pays, traditionnellement agricole. Il y a énormément de petits paysans vianten semi-subsistance. Même s'ils souhaitent rester dans leur pays, la production agricole ne leur permet pas de survivre, notamment à cause des normes de l'Union Européenne, à cause du coût de la vie qui a augmenté. Les gens qu'on a suivis et qui sont devenus les personnages du film ont très peu d'éducation, ils ne connaissent que le roumain et ils partent pour des contrats de saisonniers, très souvent en Allemagne ou en Autriche, parce que ce village fait partie de la Transylvanie, région possédant une minorité germanophone, depuis des centaines d'années. Ce sont des réseaux migratoires qui se sont mis en place et nos sujets en profitent..."
"Dans chaque famille, il y a quelqu'un qui part régulièrement pendant deux ou trois mois avant de revenir. On s'est rendu compte que ces départs avaient beaucoup de conséquences sur la vie sociale et économique du village mais aussi sur la vie familiale, sur les relations entre les gens, entre les couples. Les gens partent par nécessité économique mais il y a un désir profond de rester enraciné dans le village. C'est ça aussi qui nous a fortement marquées. On ne part pas parce que c'est mieux ailleurs, on part parce qu'on peut gagner de l'argent mais le désir profond, c'est de rester là et une fois qu'ils sont dans le circuit de ces allers-retours, ils n'ont plus le choix de continuer à partir parce que l'argent arrive et cet argent est nécessaire...", complétait Charlotte Grégoire.
Anne Schiltz: "Quand l'on parle, aujourd'hui, de mouvements migratoires, il s'agit souvent des migrants qui viennent travailler chez nous. Notre curiosité se plaçait sur ceux qui restaient, sur pourquoi d'autres partaient, qu'est-ce qu'ils quittent et quelles conséquences cela a sur leurs relations au village, à la famille."
"La violence de cette séparation. Ce qui est tragique, c'est qu'ils partent pour améliorer leur vie dans le village mais c'est en partant que ce rêve s'éloigne parce que les familles qui restent au village commencent à vendre le bétail. C'est pour cela que la vie devient difficile au village car rien n'est garanti. Tout le monde peut partir du jour au lendemain s'il a une proposition de travail à l'étranger. C'est très difficile de mettre sur pied des projets communs à moyen terme. Avec ces rentrées d'argent récoltées pour le travail effectué à l'étranger, la vie de la communauté a fortement changé, le rapport entre voisins aussi. On est dans une phase de transition et on assiste à l'existence des derniers bergers de Transylvanie..."
Charlotte Grégoire : "Nous avions besoin d'être là, ne voulant pas juste relater ce que nous imaginions. Ainsi, nous attendions des moments inédits, tournant énormément pour avoir ces images, provoquant des situations vécues avec eux, en l'absence de notre matériel de tournage."
"Au fil de ce dernier, nous suivions Andreï, qui sera confronté à cette question de la migration parce que sa mère finira, elle aussi, par partir à l'étranger. Cette dernière s'était d'abord questionnée, finissant par faire le choix de le laisser seul et de quitter Mâlăncrav, pour leur permettre, à tous deux, une vie décente au village."
"Dans chaque famille, il y a quelqu'un qui part régulièrement pendant deux ou trois mois avant de revenir. Nous avons constaté que ces départs avaient beaucoup de conséquences sur la vie sociale et économique du village mais aussi sur la vie familiale, sur les relations entre les gens, entre les couples..."
Pour"Les Grignoux", Ludivine Faniel écrit : "Les réalisatrices nous livrent des portraits intimes : celui d’une mère qui vit avec son fils, un gamin attachant qui rêve encore, lui, de devenir berger et d’avoir son propre troupeau. Il se déscolarise progressivement et cumule plusieurs petits boulots de paysan, tandis que sa mère part pour plusieurs mois en Allemagne travailler comme aide aux personnes âgées, forcée de le laisser seul ; celui d’une autre famille dont le père se rend régulièrement en Allemagne pendant que sa femme garde leurs deux enfants et gère seule le cochon, la jument et les vaches. Forcément, les allers-retours continus de ceux qui partent affectent la vie de tout le village."
"En suivant la vie de ces jeunes encore insouciants, de ces femmes et hommes combatifs mais désabusés, les réalisatrices offrent à voir une réalité bien différente de la nôtre et replacent les migrations économiques dans un contexte qui leur donne de la légitimité, alors qu’elles sont bien souvent considérées comme déraisonnables..."
*** "Pauvres Millionaires" (Dino Risi)
Ce mardi I8 juin, toujours à Namur, au "Caméo", à I2h et 20h, projection de "Pauvres Millionaires" (Dino Risi/Ita./I959/95'), en partenariat avec le "Service Cinéma" de la Province de Namur, ... qui, déjà, nous fixe rendez-vous, en septembre, pour la présentation de la nouvelle saison 20I9-2020 de ses "Classiques du Mardi", dans sa toute nouvelle "Maison de la Culture", rebaptisée "Delta"...
Pour cette dernière projection des "Classiques du Mardi", au "Caméo", nous découvrirons l'Italie des années '50, avec une comédie légèrenous emmenant à la suite de deux couples de jeunes mariés confrontés aux affres des débuts de la vie conjugale.
Synopsis : "Jeunes mariés, deux couples d’amis formés par Anna Maria et Romolo d’un côté, et par Marisa et Salvatore de l’autre, partent en voyage de noces pour Florence, mais une série d’incidents et de malentendus les ramènent bien vite à leur point de départ : Rome. Là, ils décident d’emménager dans leur appartement flambant neuf, mais se rendent comptent que les travaux n’y sont pas terminés. Salvatore fait alors la rencontre d’Alice, une riche aristocrate qui lui confie immédiatement la direction de l’un de ses grands magasins, celui où Romolo travaille. De son côté, Marisa va tout entreprendre pour essayer de reconquérir son jeune époux…"
"Pauvres millionnaires" est le troisième opus d’une trilogie, réalisée par Dino Risi et écrite par un duo de scénaristes célèbres, Pasquale Festa Campanileet Massimo Franciosa, ... mais ne sollicitant jamais de manière essentielle des événements survenus dans les deux films antérieurs. Ce troisième volet privilégie essentiellement la fibre comique, voire burlesque. Très enlevé, il est habité d’une énergie toute transalpine.
Ce film de Dino Risi offre, à sa manière, un instantané passionnant de son époque. Dans le courant des années 1950, l’Italie connaîtra un boom économique sans égal, notamment suscité par l’afflux massif de capitaux américains. La société changera profondément et c’est d’ailleurs en partie la soudaineté de ce « miracle » économique qui expliquera, au strict point de vue cinématographique, des phénomènes simultanés aussi divers que la fin subite du néoréalisme tel qu’il était né, l’essor colossal de la production ou le développement de la collaboration avec Hollywood.
"Pauvres Millionnaires",représentatif de la mutation du néoréalisme, fait place au burlesque et au comique de situation. C’est le fait de croire aux personnages qui fait passer la pilule de situations extraordinaires s’éloignant de toute crédibilité. Au final, quelque peu attendu, tout le monde étant heureux de retrouver un quotidien sans esbroufe, ... dans l'attente, veine, d'un quatrième chapitre de l’existence de ces Romains. Libre à nous, donc, d’imaginer la suite des aventures de Romolo et Salvatore (au chômage), Marisa et Anna Maria (enceintes) et ... des autres…
Aujourd'hui âgé de 9I ans, Dino Risi remporta, en I976, le "César du meilleur film étranger", pour "Parfum de Femme" (Ita./I975/I03'), ce film étant nommé, la même année, pour l' "Oscar du meilleur Scénario adapté" (pour Ruggero Maccari). En I957, pour "L'Impossible Isabelle" (Ita.-Fra./I957/95'), il recevait, en I957, la "Coquille d'Or" du "Festival de San Sebastian".
Au moment de terminer cet article, remercions Jean Boreux pour son investissement au niveau du Cinéma, ayant été le dernier responsable, pour la Province de Namur, de l'organisation du Festival "Média 10/10", dont la dernière édition se déroula en 2013. Aussi, Jean Boreux, présenta une dernière fois une séance des "Classiques du Mardi", ce derniermardi 21 mai, à 12h, tenant lui-même à remercier, au micro, ses trois collaboratrices, qui l'aidèrent, notamment, à la rédactiion des fiches techniques, particulièrement bien documentées, ainsi que pour l'obtention, en temps voulu, des films qu'il avait choisi de présenter au public namurois... Au revoir Jean et bonne retraite, bien méritée...
Yves Calbert.