Deux Expos "Spirou et Bruxelles sous l'Occupation", Rue du Lombard, jusqu'au 1er Mars
Dans le cadre de ses 30 ans, le Parlement francophone bruxellois a eu l’excellente initiative, sous la coordination de sa Présidente, Julie de Groote, avec l’appui de Didier Pamasonik, pour la scénographie, de nous offrir une exposition consacrée au dernier album de « Spirou », édité par « Dupuis » ,
« L’Espoir malgré tout » (Emile Bravo/ Ed.« Dupuis » /cartonné/88 p./320 x 240 m/m/2018), et sur « Jean Doisy » (Jean-Georges Evrard/1900-1955), ancien membre de la Résistance belge et rédacteur en chef du « Journal de Spirou », édité par« Dupuis », de 1938 à 1955.
A souligner que, dans le même temps, cette exposition, intitulée « Spirou et Bruxelles sous l’Occupation », est également organisée, dans cette même rue du Lombard, dans l’ « Huis van de Raad van het Vlamse Gemeentschapcommissie », la Maison du Collège de la Commission communautaire flamande, rendant ainsi un même hommage à « Roddeboes » (« Spirou », en néerlandais), un personnage créé par le Parisien « Rob-Vel » (Robert Pierre Velter/
1909-1991), avant d’être repris, en 1943, par le Gedinois « Jijé » (Joseph Gillain/1914 -1980), puis par l'Eterbeekois André Franquin (1924-1997)…
… Mais, ici, « Spirou » ayant été dessiné et scénarisé, depuis lors, par de nombreux auteurs, c’est à Emile Bravo (°1964) que nous devons « L’Espoir malgré tout », cet auteur parisien, issu d’une famille d’origne espagnole, ayant été le lauréat, pour « Le Journal d’un Ingénu » (Ed. « Dupuis » /2008), sa précédente aventure de « Spirou », du « Prix St.-Michel du meilleur Album francophone » et du « Grand-Prix RTL de la BD », en 2008, ainsi que du « Prix Essentiel », au « Festival international de la Bande dessinée d’Angoulême », et, en Allemagne, du « Prix Peng de la meilleure Bande dessinée
européenne », en 2009.
Synopsis de « L’Espoir malgré tout » : « En janvier 1940, un hiver particulièrement rude s’est abattu sur Bruxelles…’ ‘Spirou’ et ‘Fantasio’ sont d’abord, comme tous les Belges, sur les routes de l’exode… ‘Fantasio’ s’engage dans l’armée belge… ‘Spirou’ rencontre un peintre juif allemand,dont les nazis ont jugé l’oeuvre « dégénérée », sa femme lui faisant découvrir la « question juive » et la complexité de la situation internationale : le 10 mai 1940, l’Allemagne nazie d’Adolf Hitler attaque la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg… Le 28 mai 1940, Léopold III, Roi des Belges capitule… 18 jours auront suffit au IIIème Reich pour occuper le Plat Pays… »
Pensant à cet exode des Belges, à l’époque, ne convient-il pas de nous référer à notre présente actualité, avec ses centaines de milliers de réfugiés syriens, vénézuéliens et autres…
Si dans son précédent album, Emile Bravo relatait ce que « Spirou » avait vécu, à Bruxelles, en 1939, dans le présent album, une fiction pleine de réalité historique, où l’auteur s’intéresse aux notions d’héroïsme, d’engagement, d’humanité, de solidarité et de justice, il aborde 1940, plongeant notre héros dans la Seconde Guerre mondiale..., l’auteur nous révélant le quotidien d’un Bruxelles humilié, meurtri, désorienté… Pas étonnant, dès lors, que « Spirou », à l’occasion des 70 ans de la « Déclaration universelle des Droits de l’Homme », en 2018, ait été désigné, par l’ « ONU », comme « Défenseur des Droits de l’Homme » ! …
A notre collègue Vincent Brunner, pour« Télérama », Emile Bravo confia : « La période de la Seconde Guerre mondiale me passionne depuis mes 10 ans… Les actes héroïques sont souvent inconsidérés, pas réfléchis. A moins d’avoir été politiquement engagés dès le début, la plupart des gens ont subi les événements. Quand je parle avec quelqu’un qui a vécu cette période, ce sont la faim et la peur qui reviennent tout le temps. Il fallait manger ! … Dans notre société d’abondance, c’est un message que je voulais transmettre aux jeunes… J’ai l’habitude de dédramatiser. L’absurdité de la condition humaine me fait souvent rire… »
Mais revenons au vernissage, en deux parties, du lundi 11 février, les invités étant d’abord reçus par Julie de Groote, au Parlement francophone bruxellois, cette exposition s’attachant, aussi, au rôle particulier que joua Jean Doisy, d’obédiance communiste, pour participer à la construction d’un réseau clandestin de résistance.
Dans le même temps, avec l’aide des enfants de la famille Dupuis, il s’est battu pour faire vivre les personnages en dehors des pages du « Journal de Spirou », les nazis ayant stoppé la fourniture en papier des Ed. « Dupuis », après leur refus d’accepter un Allemand dans leur conseil d’administration. Ainsi, l’univers du « Journal » continua d’exister, notamment grâce au théâtre de marionnettes « Farfadet », dirigé par André Moons (1932-2006), que Jean Doisy rencontra en recrutant une « passeuse ». Ce jeune homme idéaliste, qui rêvait de grandes scènes pour son théâtre ambulant, permit ainsi à
« Spirou » et « Fantasio » de continuer leurs aventures, sous une autre forme, accompagnés d’autres personnages des Ed. « Dupuis », tels « Tif et
Tondu », créés, en 1938 par l’Anderlechtois Fernand Dineur (1904-1956), permettant à la Résistance de circuler librement en Belgique, sans éveiller la moindre inquiétude
A noter que ce théâtre de marionnettes dissimulait un réseau de résistants, qui pouvait, ainsi, librement, circuler dans nos contrées, sans éveiller la moindre inquiétude, et que Jean Doisy reçut, à la Libération, la « Croix de Guerre avec Palme », pour son rôle auprès de l’état-major du Front d’Indépendance., son rapport sur un « centre de mise à mort« , à Auschwitz, transmis à la Résistance, ayant accéléré le sauvetage de milliers d'enfants
belges, de confession juive, grâce à la « Mission Victor Martin ».
Autre Prix, remis à titre posthume, à Jean Doisy, rédacteur en chef de « Spirou » et créateur de« Fantasio » et de « Jean Valhardi »i, que« Jijé » dessina pour lui, un diplôme d’honneur octroyé par les Parlements de nos deux Communautés, signé par les deux Présidentes, Carla Dejonghe, côté néerlandophone, et Julie de Groote, côté francophone, que cet auteur réunit ainsi, à l’image des deux expositions qui lui sont actuellement dédiées par nos deux Parlements communautaires.
A noter que cette cérémonie intime s’est déroulée en présence de Julien Papelier, Directeur Général des Ed. « Dupuis », de Bertrand et Christelle Pissavy-Yvernault, historiens du « Journal de Spirou », de Laurence Schram, historienne, spécialiste de la Deuxième Guerre mondiale, qui a ponctuellement conseillé Emile Bravo, et deVeerle Vanden Daelen, conservatrice du Mémorial de la Shoah, à la » Kazern Dossin », à Mechelen, où se déroule, jusqu’au 22 avril, l’exposition « Shoah et Bande dessinée ».
A Bruxelles, l’exposition « Spirou et Bruxelles sous l’Occupation » nous présente, ainsi, des documents originaux, relatifs à Jean Doisy et au « Farfadet », une occasion de conseiller à nos lecteurs de se référer à différent ouvrages édités par « Dupuis », dans leur Collection « Patrimoine », à l’occasion, notamment, des 75 ans de « Spirou », en 2013, tels « La véritable Histoire de Spirou » (figurant dans une des vitrines de l’expo), « Spirou par Robvel »,
« Spirou par Jijé », « Le petit Théâtre de Spirou », …
Terminons cette présentation de deux expos complémentaires, avec une anecdote concernant « Fantasio », ce nom ayant été créé par Jean Doisy, comme signature patronyme d’une des rubriques du « Journal de Spirou », dans l’aventure de « Spirou » intitulée « Le Pilote rouge », « Jijé » ayant donné ce nom, ce qui aurait fâché Jean Doisy, à son nouveau personnage, apparaissant pour la première fois en personnage de BD, en … caleçon !!! … Jean Doisy en aurait été fâché, mais cela ne l’empêcha pas de confier, en 1941, à« Jijé », les illustrations de son scénario de Jean Valhardi, qu’il venait de créer.
Ouverture : jusqu’au vendredi 1er mars, de 10h à 16h, au Parlement francophone bruxellois et à la « Huis van de Raad », rue du Lombard, 77 et 67. Entrée gratuite.
Yves Calbert.