"The World of Steve McCurry", jusqu'au 20 Août
Pour toute personne aimant la photographie et/ou les voyages à la rencontre de l’autre, une exposition à ne pas manquer, « The World of Steve McCurry », prolongée jusqu’au 20 août, en plein centre de Bruxelles, au « Palais de la Bourse ».
Né à Philadelphie, en 1950, Steve McCurry nous confiait, lors de la visite de presse: « J’ai commencé à voyager avant de m’intéresser à la photographie. J’ai vécu quatre ans en Suède et à Amsterdam, puis j’ai traversé l’Europe de l’Est, la Turquie… Ce n’est qu’après cette période que je décidai que quoique je fasse dans la vie, les voyages devaient en faire partie… Vint ma découverte de l’Inde, un pays, aux traditions vieilles de plusieurs siècles, dont je suis tombé amoureux, y retournant 80 à 90 fois, sans jamais m’en lasser. »
De la sérénité de l’Inthalake, au Myanmar, Steve McCurry nous emmène à l’horreur du 11 septembre new-yorkais, aux Etats-Unis, au sein d’une mise-en-scène soignée signée Peter Botazzi – la nefde la Bourse étant habitée d’un labyrinthe de voiles de tulle, auquelles les agrandissements photographiques sont accrochés -, une réalisation de la bien connue agence belge de conception et gestion d’expositions « Tempora », également réalisatrice de l’exposition « 21, rue de la Boétie », à Liège, et de la scénographie du « War Museum », à Bastogne.
Entrant au sein de cette exposition conçue par Biba Giacchetti, à main gauche, nous trouvons une série de photographies en noir et blanc (ne possédant pas le budget pour l’achat de films couleurs), réalisées en 1978, celles là même qui furent publiées par le « New York Times », le 03 décembre 1979, alors même qu’il ne travaillait que pour un journal local de Philadelphie.
Alors âgé de 28 ans, étant entré clandestinement en Afghanistan, afin de pouvoir réaliser son reportage, il s’était joint, vêtu comme eux, démuni de tout passeport, à un groupe de Moudjahidines, dont il partagea l’existence en toute simplicité, ne se nourrisant que de pain et de fromage, cousant ses films dans ses vêtements, afin que ses pellicules ne puissent pas être confisquées et détruites, pouvant ainsi être envoyées aux Etats-Unis.
… Et c’est lors d’un de ses retours dans cette région, qu’il photographie, au sein du camp de réfugiés de Peshawar, auPakistan, une jeune-fille afghanne aux yeux verts, dont il ignore, alors, le nom – prouvant ainsi sa fascination pour les visages -, une photo qui fera la couverture d’un « National Geographic », permettant à son auteur d’être mondialement reconnu, cettephotographie étant aujourd’hui reprise pour illustrer l’affiche de saprésente exposition.
Commentant ce portrait, Karine Lalieux, Echevine de la Culture, déclara: « Cette photo est malheureusement d’une actualité remarquable puisqu’elle rappelle la situation des trois à quatre millions de réfugiés, vivant sous tentes, de par le monde. ».
Conscient de ce que cette photo lui a apporté, Steve McCurry partira, avec l’appui de « National Geographic », à la recherche de cette personne, qu’il retrouvera 17 ans après l’avoir photographiée. Reconnaissant, il permettra d’améliorer les conditions de vie de Sharbat Gula, lui offrant un logement et l’accès aux études pour ses enfants.
… Une bien belle histoire, relatée, sur grand écran, au sein de cette expo, par un documentaire d’une quarantaine de minutes, montrant, au passage, toute la différence entre la précarité des camps de réfugiés, au Pakistan et en Afghanistan, et le confort technologique des studios américains, où cette photo fut longuement analysée.
Au centre de l’exposition, nous retrouvons ce regard perçant, que nous pouvons comparer, à quelques mètres de là, à celui de cette même Sharbat Gula, capté, 17 ans plus tard, par ce même Steve McCurry.
… Mais d’autres belles histoires nous sont offertes par l’audioguide, inclus dans le prix d’entrée, 50 photographies étant commentées par Steve McCurry (ses propos étant traduits en français).
Ainsi, l’on apprend qu’une photo, prise au début de la mousson, qui fit, également, la couverture d’un « National Geographic », où l’on voit un Indien évoluant dans l’eau jusqu’au menton, une machine à coudre sur son épaule droite… Reconnaissant l’une des machines qui sortit de ses ateliers, son fabriquant voulu retrouver cet homme, … à qui il offrit une nouvelle machine à coudre, histoire de l’aider à commencer une nouvelle vie…
Dans les commentaires de l’audioguide, SteveMcCurry nous dit: « J’adore saisir en photos ce que capture mon regard », comme pour réussir ses deux clichés poétiques du Taj Mahal, l’un nous présentant ce mausolée en marbre blanc à l’envers, puisque reflété dans l’eau, alors qu’un Indien se penche pour ramasser ses clefs tombées dans cette même eau, l’autre, pour la réalisation de laquelle il revint à dix reprises au même endroit, histoire de capter la bonne lumière… A son sujet, il insiste sur l’importance, à l’avant plan, d’une ancienne locomotive à vapeur, une photo appartenant, comme il aime le souligner, à l’histoire, cette ligne de chemin de fer ayant été remplacée, depuis lors, par une route…
Au sujet de sa patience, il nous confie: « Je suis tétu, mais je sais ce que je veux, pouvant attendre plusieurs heures pour obtenir ce que je souhaite. »
Etonante, cette photo de pêcheurs srilankais, debouts sur des pieux – ceux-ci ayant, curieusement, résistés au tsunami -, qu’ils tiennent d’une main, pêchant de l’autre. « Je suis passionné par les comportements humains », nous dit-il. »
En opposition à ce cliché des plus paisibles, une de ses photos nous montre un garçon d’une douzaine d’années, portant un collier de munitions, il nous dit: « Je suis fasciné par les enfants… Quand je pense qu’à leur âge, je jouais au footbal et faisais mes devoirs … J’ai de l’empathie pour ces enfants qui aimeraient jouer mais qui doivent vivre dans un monde d’adultes… »
Sur deux écrans vidéos, des courts métrages, sous-titrés en français par « Tempora », permettent à Steve McCurryde se confier à nous: « Le voyage compte plus que la destination… Ainsi, j’ai pris mes meilleures photos, alors que je me dirigeais vers un lieu… Plusieurs années plus tard, ce lieu particulier a été oublié, mais les photos prises pendant le trajet se sont révélées inoubliables. »
Pour preuve, des 200 photos exposées, résumant 35 ans de carrière, pour la première fois exposées en un si grand nombre en Belgique, celle qu’il semble préférer fut réalisée sur la route: « La photo de ces femmes, en Inde, prise dans une tempête de poussière pourrait bien être ma péférée. Je roulais sur la route, un matin, au Rajasthan, lorsque, soudain, de la poussière s’est levée d’on ne sait où. Alors qu’elle enveloppait mon taxi, mon premier réflexe a été de fermer la fenêtre et de rester à l’intérieur. Puis-je me suis dit: ‘attends, attends,, l’idée de ce voyage, c’est précisément de photographier des instants comme ceux-ci, juste avant la pluie de la mousson.’ Alors, j’ai sauté hors du taxi, j’ai aperçu ces femmes sur le bas-côté de la route et j’ai couru pour les prendre en photo. »
Parmi les autres propos de ce photographe humaniste, soucieux de partager avec nous les différentes cultures qu’il rencontre, relevons: « Il convient de percevoir l’humeur de la rue, d’y pénétrer et de s’y perdre. C’est alors que que quelque chose de magique se passe. Vous commencez à voir des images, vous vous détendez, vous observez quasiment en état de contemplation. C’est précisément à ce moment là qu’arrivent les meilleures photos, rien n’étant planifié. »
Ou encore: « Votre travail, vous devez le faire avec passion et toute l’énergie voulue… Si vous ne disposez que de sept jours, il vous faut trouver votre histoire en deux jours, afin de pouvoir photographier les cinq jours suivants, aller droit au but, au coeur de la situation. Il convient de se lancer et de photographier, et ensuite d’encore photographier, sans s’arrêter, c’est cela l’objectif principal… »
« Et à la fin de la journée, les images auxquelles je tiens, dont je pense qu’elles sont intéressantes et peuvent connaître le succès, sont des images et des histoires qui me touchent profondément et qui, pour moi, sont importantes… Et lorsque je suis témoin d’événements, il me faut les relater, informer les gens de certaines situations, ce qui peut amener l’un ou l’autre changements… Nous nous devons d’être ouverts, sans vouloir forcer les situations, nous impliquant dans des situations qui donnent un sens à notre vie… »
Il tient à ajouter: « Il est fondamental d’avoir une bonne équipe de chauffeurs, traducteurs et autres collaborateurs, ma vie étant entre leurs mains. Souvent, il suffit d’un mot mal traduit, d’une conversation qui prend une mauvaise tournure, d’un faux pas constituant une limite entre la vie et la mort… »
Des anectotes nous sont aussi contées, comme celle d’une Indienne âgée qu’il a photographiée, qui lui confia qu’elle devint veuve à … 14 ans, ou encore nous montrant une pagode édifiée près de Mandalay, au Myanmar, qui est la plus grande au monde, quoique étant demeurée inachevée, des astrologues ayant prétendu que la dynastie s’étindrait si sa construction était menée à terme. Commentant son portrait de Robert de Niro, dans son studio new-yorkais, il nous signale qu’il avait reçu de « Kodak », à sa demande, une pellicule de l’ultime ligne de production « Kodachrome », qui fut développée dans le dernier laboratoire « Kodak » alors toujours en activité, sis dans l’Etat du Kansas…
Au sortir de cette superbe exposition, où l’Humain est toujours le protagoniste principal, n’oublions pas cette phrase de Steve Mc Curry, membre de l’agence « Magnum », depuis 1985, lauréat, entre autres, de quatre premiers prix « World Press » et de la « Médaille d’Or Robert Cappa »: « Voyager et photographier, voir le monde dans lequel nous vivons: je ne peux imaginer un meilleur moyen de vivre la vie qui nous est donnée. »
Ouverture: 7 jours sur 7, de 10h à 19h (dernière entrée à 17h30). Prix d’entrée, incluant un audioguide: 12€ (10€: membre d’un groupe de minimum 20 personnes / 6€: de 06 à 18 ans et étudiants / 0€: – de 6 ans / 36€: 2 adultes + 2 enfants et 6€ par enfant supplémentaire). Sites web: www.tempora-expo.be/the-world-of-steve-mccurry & www.stevemccurryexpo.be
Yves Calbert.