« Orfeu Negro », « Ouvrir la Voix » et « Lumière ! L’Aventure commence »
Au « Caméo », à Namur, ce mardi 28 novembre, à 12h et 20h, à l’affiche des « Classiques du Mardi » du Service Cinéma de la Province de Namur, un grand moment de Cinéma, avec « Orfeu Negro » (Marcel Camus/Brésil-Fra.-Ita./1959/105′), « Oscar du meilleur film étranger », en 1960, et "Palme d’Or", au Festival de Cannes, en 1959.
Synopsis : « À la veille du carnaval de Rio, Eurydice, arrivée de la campagne, menacée par un inconnu, se réfugie chez sa cousine Sérafina. Au milieu des festivités d’une ville en liesse, Eurydice rencontre Orphée, conducteur de tramway et artiste adulé par le peuple pour ses qualités de danseur et de guitariste… »
Ce film à la beauté mythique est une adaptation du spectacle musical « Orfeu da Conceiçao », écrit et mis en scène, en 1956, par le poète brésilien Vinícius de Moraes, reprenant le mythe grec d’Orphée et d’Eurydice, en le situant dans le contexte d’une favela de Rio de Janeiro.
Pour trouver ses acteurs le réalisateur français, Marcel Camus (1912-1982), organise un casting à l’ « Alliance française » de Rio, un appel à candidatures qui passionna les journaux brésiliens. Si, finalement, c’est une danseuse américaine, Marpessa Dawn, qui incarna Eurydice, c’est un joueur de football brésilien, Breno Mello, qui fut choisi pour devenir Orphée, alors qu’un autre sportif, champion olympique du triple-saut, en athlétisme, Adhemar Ferreira da Silva, qui fut l’interprète de « la mort »… A noter que ce choix d’acteurs noirs, inconnus des cinéphiles, fut, à l’époque, considéré comme un choix courageux…
Ode au rythme et à la danse, « Orfeu Negro« se distingue par ses musiques, de la samba à la bossa nova, en passant par le jazz, des chants traditionnels afro-brésiliens accompagnant la « descente aux enfers » d’Orphée., Marce Camus ayant été fasiné par l’énergie débordante de ses acteurs, par leurs corps en perpétuelle agitation contaminant la moindre scène…
Cinquante huit ans après la sortie d’ « Orfeu Negro« , nous retrouvons des femmes noires ou métises – à 20h, ce mercredi 29, au « Caméo », à Namur, en partenariat avec le « CAI » (« Centre d’Action interculturelle » de la Province de Namur), et ce jeudi 30, au « Cinéma Sauvenière », à Liège, en partenariat avec l’asbl « Barricade » -, avec la projection, en avant-première du documentaire « Ouvrir la Voix » (Amandine Gay/Fra./2017/ 122′), une rencontre avec la réalisatrice française étant prévue à l’issue de chacune de ces deux séances.
Synopsis : « Centré sur l’expérience de la différence en tant que femme noire ou métisse et des clichés spécifiques liés à ces deux dimensions indissociables de l’identité « femme » et « noire », il est, ici, question d’intersections de discriminations, d’art, de la pluralité de parcours de vies et de la nécessité de se réapproprier la narration… »
« Ouvrir La Voix » est un documentaire donnant la parole à 24 femmes noires ou métisses, issues de l’histoire coloniale européenne en Afrique et aux Antilles. Sa réalistrace, elle même étant de race Noire, tent à souligner qu’ « on ne peut jamais se fondre dans la masse, être invisibles, c’est-à-dire ne pas être une source de curiosité ou d’angoisse pour l’autre. Nous sommes toujours en alerte, car si l’on oublie qu’on est noire, on va nous le rappeler de manière extrêmement violente. Et pour ceux qui grandissent dans un milieu où être noir est la norme, il est extrêmement difficile de comprendre ce que vivent les Noirs en France… Mon film va être très violent pour la communauté noire. D’abord parce que, lorsque l’on est victime, on peut être dans le déni de ce que l’on vit et que l’on n’a pas envie que l’on nous renvoie justement cette image de victime. Mais aussi parce que si nous voulons nous décoloniser, nous devons aborder les sujets tabous au sein de notre propre communauté, comme l’homosexualité par exemple, et interroger la normativité sexuelle et genrée…«
« Ce film passionnant où la parole de ces femmes est vectrice d’émancipation, de prise de conscience de soi mais aussi de prise de conscience de ne plus être la seule à vivre des discriminations raciales et/ou de genre. Une œuvre d’utilité publique, vibrante et vivante… » écrit « Les Grignoux ».
Oeuvre sociologique, ce film, créant l’universel à partir de l’individuel, figure, aussi, aux programmes habituels, à Liège, du « Cinéma Churchill », jusqu’au lundi 18 décembre, et du « Cinéma Sauvenière », le mardi 05, à 22h05, ainsi qu’à Namur, au « Caméo », jusqu’au lundi 18.
Pour continuer au niveau de la programmation habituelle des « Grignoux », ce lundi 27, à 14h, au « Cinéma Churchill », à Liège, ou à 18h, au « Caméo », à Namur, une dernière opportunité nous est offerte de découvrir ou de revoir, à Namur, « Lumière ! L’Aventure commence »(Thierry Frémaux/Fra./2017/90′), un film incontournable, tant par son respect du sujet traité que par la qualité de la restauration des courtes séquences réalisées par les Frères Lumière, Auguste (1862-1954) et Louis (1864-1948).
Synopsis : « En 1895, les frères Lumière créent une machine qui allait émerveiller le monde entier : le cinématographe. Armés de leur invention, ils signent les tout premiers films de l’histoire du cinéma. Mise en scène, travelling, trucage ou remake : ils posent également la grammaire technique de ce qui allait devenir le 7e Art. Le film réunit des chefs-d’oeuvre célèbres ou des films plus obscurs… »
Présent à Namur, à l’occasion du 32ème « FIFF« (« Festival International du film Francophone »), le français Thierry Frémaux – délégué général du « Festival de Cannes », directeur de l’ « Institut Lumière », à Lyon, et président de l’ « Association Frères Lumière » -, réalisateur de « Lumière! L’Aventure commence », tint à insister sur le fait que tout le mérite des images rassemblées dans son long-métrage revient aux Frères Lumière, laissant la porte ouverte à la réalisation d’un second film rassemblant d’autres réalisations des célèbres cinéastes, natifs de Besançon.
Projeté une première fois, en septembre 2016, au « Festival International du Film de Toronto », le présent film commençant par l’une des trois versions de « La Sortie de l’Usine Lumière, à Lyon », rassemble quelque 107 autres séquences, d’une durée moyenne de 50 secondes, dont celle, bien connue, de « L’Arroseur arrosé », la qualité de la restauration offrant une nouvelle vie à ces premiers courts-métrages de l’histoire du Cinéma.
Pour l’anecdote, signalons que Martin Scorese apparaît au sein de la dernière séquence, une reconstituion, mise-en-scène par Thierry Frémaux, reconstituant, en mars 2016, la première séquence, celle de « La Sortie de l’Usine Lumière, à Lyon », réalisée en 1895, considérée comme étant le premier film de l’histoire…
… Et oui, avec les Frères Lumière, l’aventure cinématographique commença, notre collègue Guillemette Odicino écrivant : …« il est bien question de grammaire du cinéma et de la mise en scène avec, déjà, l’art du travelling, de la composition des plans, de la profondeur ou de l’axe de champ, et même de la direction d’acteurs. Quand l’opérateur, Alexandre Promio, filme, en 1896, sur une plage d’Angleterre, des enfants ramassant des crevettes avec des haveneaux, c’est bouleversant : on se croirait chez Jane Campion. (réalisatrice néo-zélandaise, ndlr). Quant au ‘Défilé de Voitures de Bébés à la Pouponnière de Paris’, c’est du Chaplin avant l’heure… »
« Ce film offre, aussi, un beau voyage dans l’espace, de Lyon aux chantiers navals du sud de la France, de Venise aux pyramides de Gizeh ou à la Cochinchine. Sur Madison Street, à Chicago, Alexandre Promio, encore lui, filme un défilé de cinq mille policiers dont … 4.997 arborent une moustache ! C’est souvent très drôle, et il faut entendre Thierry Frémaux, conteur au timbre éraillé, agrémenter ces archives de détails historiques, donnant à sa voix des inflexions de comédien comique. Inutile de se ruer sur le dernier ‘blockbuster’ : tout l’effet spécial que procure le Cinéma est dans ce film… »
Pour « Le Nouvel Observateur », Pascal Mérigeau écrivait : « C’est captivant, passionnant, électrisant, profondément vrai et, pourtant, définitivement fantastique ». Autres appréciations : « Un bijou » (« Le Vif »/Thomas Baurez), « Eblouissant » (« Le Figaro »/Marie-Noëlle Tranchant), « Une oeuvre sublime » (« Moustique »/Juliette Goudot), « Un complet ravissement » (« Studio Cine Live »/Thomas Baurez), « Une formidable déclaration d’amour au Cinéma » (« Le Soir »/Fabienne Bradfer), « Ne le loupez pas. C’est passionnant. A voir ansolument ! » (« RTBF »/Cathy Immelen), …
Et si vous ne pouvez le voir à Liège ou à Namur, ce film reste à l’affiche à Bruxelles (« Cinéma Galeries ») et à Stavelot (« Ciné Versailles »).
Yves Calbert.