La joaillerie Wolfers Frères, dessinée et conçue par l’architecte Victor Horta au Musée du Cinquantenaire à Bruxelles.

écrit par VandenHende
le 29/11/2017
La joaillerie Wolfers Frères, dessinée et conçue par l’architecte Victor Horta au Musée du Cinquantenaire à Bruxelles.

Sous le haut patronage de Leurs Majestés le Roi et la Reine des Belges

Dès ce 29 novembre 2017 et jusqu’au 31 décembre 2018, une des plus belles réalisations d’Art nouveau en Belgique est accessible au public : le mobilier de la joaillerie exclusive de la famille Wolfers, un projet d’art total de Victor Horta. Le Musée du Cinquantenaire y présente les chefs-d’œuvre de sa collection Art nouveau et Art déco.

105 ans après l’inauguration officielle de la joaillerie Wolfers Frères en 1912, le magasin peut à nouveau être admiré dans son aménagement d’origine. Pour ce faire, une salle du Musée du Cinquantenaire disposant d’environ la même superficie et la même forme que celles prévues par Victor Horta dans le bâtiment de la rue d’Arenberg à Bruxelles a été dégagée. Sur base d’une étude historique approfondie, les vitrines et les comptoirs ont été replacés comme Horta l’avait conçu en son temps. Il a d’abord fallu démonter la présentation provisoire d’une partie du mobilier au sein du musée, puis extraire des réserves les éléments de l’ameublement intérieur qui y étaient stockés. Les portes d’accès initiales ont également été réintégrées à l’ensemble. Les visiteurs peuvent se promener dans une reconstitution à l’identique, tels les clients de l’élite d’autrefois.
L’aménagement intérieur du magasin a été restauré dans les règles de l’art. Le mobilier, en acajou de Cuba, a été nettoyé et la couche de vernis d’origine remise à neuf. Le recouvrement intérieur en velours des vitrines a été retissé à l’exemple du tissu initial. La patine des garnitures en bronze a été rafraîchie. L’harmonie des couleurs voulue par Victor Horta apparaît à nouveau : une sublime combinaison d’acajou poli rouge profond, de velours vert foncé et d’accents dorés des garnitures en bronze, en totale concordance avec la teinte mauve des murs. Grâce à cette restauration et cette reconstitution minutieuses, les visiteurs ont l’illusion de franchir à nouveau l’entrée du magasin bruxellois d’articles de luxe.

Historique de la joaillerie Wolfers Frères
En 1909, l’architecte Victor Horta se voit confier la réalisation du bâtiment et du mobilier de la bijouterie-joaillerie Wolfers Frères. Vu le prestige dont Wolfers jouit alors dans le monde, faire appel à l’architecte Art nouveau le plus célèbre de l’époque semble aller de soi. Le bâtiment est inauguré avec faste le 4 novembre 1912. Il restera en usage, comme le magasin, jusqu’au début des années 1970.

Victor Horta, le plus célèbre architecte Art nouveau
Dans ses mémoires, Victor Horta (1861-1947) évoque les raisons pour lesquelles les gestionnaires de Wolfers Frères firent appel à lui : le prestige de la joaillerie et la réputation internationale de son directeur artistique, Philippe Wolfers. La façade du bâtiment et la luxueuse décoration intérieure du magasin se devaient d’égaler les bijoux et les parures exclusifs que Wolfers Frères vendait à sa clientèle fortunée.
Lorsque Victor Horta est engagé pour le projet en 1909, il jouit d’une réputation internationale. Avec l’hôtel Tassel, en 1893, il n’a pas seulement renouvelé l’architecture, mais a développé un nouveau langage décoratif, appelé plus tard « Art nouveau ». Son style linéaire d’inspiration organique, la fameuse « ligne coup de fouet », et ses principes architectoniques marqueront l’art au niveau international. Dans le domaine des arts décoratifs, l’Art nouveau devient alors un véritable phénomène de mode.
Après l’hôtel Tassel, plusieurs personnages éminents firent appel à Victor Horta pour la construction et l’aménagement de leur demeure privée, notamment Armand Solvay (1894), Edmond van Eetvelde (1895), Octave Aubecq (1899) et Max Hallet (1904). Plusieurs de ces hôtels particuliers, également entièrement meublés par Horta, sont inscrits depuis au patrimoine mondial de l’Unesco. Il n’était pas rare que les commanditaires soient par ailleurs clients chez Wolfers Frères.
Le Magasin Wolfers Frères ne fut pas le premier immeuble commercial conçu par l’architecte qui n’en était plus à son coup d’essai : À l’Innovation (1901), Le Grand Bazar à Bruxelles et à Frankfort (tous deux en 1903), Les Magasins Waucquiez (1903), …
Wolfers Frères est la dernière grande et prestigieuse création de Victor Horta avant la Première Guerre Mondiale. La palette de couleurs de l’intérieur respire l’influence de la mode parisienne et le rythme du jeu discret et relativement sobre de lignes Art nouveau annonce déjà l’Art déco, le style décoratif qui caractérisera l’entre-deux-guerres.
Wolfers fut tellement satisfait de sa collaboration avec Victor Horta qu’en 1930, il lui demanda d’agrandir substantiellement le bâtiment vers l’arrière. Ces plans pour une extension de style Art déco ne virent cependant jamais le jour suite à un refus de la Ville de Bruxelles.

Wolfers Frères, un nom au retentissement international
Lors de l’inauguration du prestigieux magasin Wolfers Frères en 1912, l’entreprise jouit d’une réputation de niveau international, acquise progressivement depuis 1850. Louis Wolfers, originaire d’Allemagne, s’était installé à Bruxelles en 1847 et avait fondé en 1850 un petit atelier d’argenterie à son nom. L’atelier grandit de manière constante et ses fils Philippe, Max et Robert furent impliqués dans l’affaire dès leur jeune âge.
Les dots contractées lors des mariages successifs des fils de Louis permirent à ces derniers d’acheter leur part de la société. Le premier, Philippe Wolfers devient associé, en 1885. Le nom change alors pour Louis Wolfers Père et Fils. En 1890, c’est au tour de Max, puis de Robert et de leur cousin Albert en 1897. L’entreprise s’appelle désormais Wolfers Frères. Suivant le modèle américain, chacun des partenaires se voit attribuer une fonction spécifique dans la société : Philippe devient directeur artistique, Max se concentre sur les contacts commerciaux, Robert développe la machinerie et Albert veille aux finances.
À l’époque de Louis Wolfers, la production était destinée au commerce en gros. Ce n’est qu’en 1886, alors que Philippe vient de devenir associé, qu’un magasin est ouvert à Bruxelles, dans la Galerie de la Reine. En 1890, après que Max ait acquis ses parts, le magasin déménage au coin de la rue Loxum et de la rue de la Montagne, près de la cathédrale St Michel. L’immeuble de luxe intègre également les ateliers et est désormais régulièrement agrandi.
Mais le bâtiment est exproprié suite au projet de la jonction ferroviaire nord-sud de la ville. La clientèle de la joaillerie se compose surtout de « nouveaux riches » résidant dans le haut de la ville - dans les quartiers de l’avenue Louise et du parc du Cinquantenaire. Les Wolfers font donc l’acquisition d’un terrain à bâtir à la rue d’Arenberg, qui prolonge la rue de Loxum et la relie à la Bourse. Après avoir fait des gains en bourse, on passait chercher Madame dans les galeries couvertes de la capitale et on faisait une halte chez Wolfers Frères pour choisir un bijou exclusif ou une pièce d’argenterie. Wolfers Frères jouit alors d’une renommée mondiale. Outre ses ateliers et son magasin de Bruxelles, la société dispose de succursales en Belgique et à l’étranger : Anvers, Gand, Liège, Düsseldorf, Cologne, Francfort, Paris, Budapest...
Le magasin et les ateliers de la rue d’Arenberg restèrent en activité jusqu’en 1973. L’argenterie était alors passée de mode. L’activité se limitait désormais à la création et à la production de bijoux et l’entreprise déménagea à l’avenue Louise. En 1975, elle fut vendue à la maison française Chaumet.

La présentation
Le magasin Wolfers offre un cadre unique à l’exposition de l’exceptionnelle collection internationale d’Art nouveau et d’Art déco du Musée du Cinquantenaire. L’institution dispose d’une collection hors-pair d’arts décoratifs de la période 1890-1940. L’optique de la présentation est avant tout esthétique, mettant en valeur l’aménagement intérieur exceptionnel de Victor Horta tout en permettant au visiteur de vivre une expérience totale. Celui-ci est réellement catapulté dans le passé et s’imagine aisément dans une boutique prestigieuse des premières décennies du XXe siècle.
La présentation suit trois axes principaux : 1. Art nouveau et Art déco, 2. La politique d’achat des arts décoratifs modernes entre 1890 et 1940 et 3. La production Wolfers Frères, en particulier celle de Philippe Wolfers.
Conformément à la conception originale du magasin Wolfers, il a été divisé en deux zones, l’une réservée au commerce en gros, l’autre au commerce de détail. Cette répartition a permis, en outre, de faire la distinction entre l’Art nouveau et l’Art déco.
L’ancien Musée des Arts Décoratifs, l’actuel Musée du Cinquantenaire, fut le premier musée belge et un des premiers en Europe, à intégrer les arts décoratifs modernes dans la politique de constitution de la collection. Cette optique fut fixée par arrêté royal en 1889. À partir de 1893, la collection se développa. Des objets exceptionnels furent acquis, entre autres, dans les salons légendaires de La Libre Esthétique, mais les expositions universelles offraient également aux musées l’occasion exceptionnelle d’acquérir des créations de très haut niveau. Le Musée du Cinquantenaire devint ainsi le premier propriétaire de la majorité des objets.
Le Musée du Cinquantenaire possède la plus importante collection d’œuvres Wolfers. Le premier objet, l’extraordinaire coffret à bijoux « La parure » fut acquis en 1905, puis la collection grandit régulièrement au cours des ans, en partie grâce aux liens étroits qui lient le musée à la famille Wolfers depuis les dernières décennies. C’est également pour cette raison que l’intérieur du magasin Wolfers fut légué au Musée du Cinquantenaire. Dans le mobilier du magasin est exposé le légendaire ensemble « Gioconda » avec lequel Philippe Wolfers remporta le très convoité Grand Prix qui lui fut concédé par un jury international lors de l’Exposition internationale des Arts décoratifs modernes à Paris en 1925.

L’ouverture du magasin Wolfers, le premier volet d’un triptyque
L’ouverture et la restauration du magasin Wolfers constituent la première phase d’un projet à grande échelle qui se propose de regrouper les arts décoratifs européens dans le bâtiment prévu à cet effet au début du XXe siècle. Il s’agit de l’imposant complexe situé à la rue des Nerviens, dont la façade se distingue par une coupole monumentale.
Au cours des ans, les collections des arts décoratifs européens furent éparpillées dans différentes zones du musée. Les objets couvrant la période du Moyen Âge au Baroque restèrent dans le bâtiment d’origine tandis que ceux du XVIIIe siècle à l’Art déco furent intégrés dans une construction prévue à l’origine pour les civilisations non-européennes. Les collections d’arts appliqués se trouvait ainsi éclatées.
Le regroupement des arts décoratifs européens dans le bâtiment initial suit une meilleure logique tout en respectant l’histoire du Musée du Cinquantenaire.
Un nouveau circuit de quatre salles monumentales consacrées à la période XVIIIe siècle-Art déco s’ajoute à celui couvrant le Moyen Âge au Baroque. Le visiteur disposera ainsi d’une vue d’ensemble sur plus de mille ans d’arts appliqués européens.
Dans le courant de l’année 2019, deux grandes salles seront ouvertes, consacrées respectivement au XIXe siècle et à l’Art nouveau et l’Art déco belges. Elles seront réalisées grâce au sponsoring du Fonds Baillet-Latour et de la Banque Nationale. Pour la salle consacrée aux arts décoratifs des XVIIIe siècle, la recherche d’un financement est encore en cours.

Informations pratiques
Musée Royal Art et d’Histoire - Cinquantenaire
10 Parc du Cinquantenaire
B - 1000 Bruxelles
www.kmkg-mrah.be
info@kmkg-mrah.be
+32 (0)2 741 73 31

  • La joaillerie Wolfers Frères, dessinée et conçue par l’architecte Victor Horta au Musée du Cinquantenaire à Bruxelles.
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