Cinéma : “Petit Paysan”, “Rester vivant”, "Le troisième Homme"
Après avoir été projeté en première mondiale, lors de la 56ème “Semaine de la Critique” du dernier “Festival de Cannes”, “Petit Paysan” sera l’objet d’une projection événementielle, ce lundi 04 décembre, à 20h, au“Caméo”, à Namur, “Les Grignoux” nous proposent le documentaire “Petit Paysan” (Hubert Charuel/2017/90’/avec Arlaud Swan, dans le rôle titre, et Bouli Lanners – ‘Magritte du meilleur Acteur dans un second Rôle’, pour “De Rouille et d’Os”, en 2013 – dans le rôle d’un fermier … ayant tout perdu), en partenariat avec “Paysans-Artisans”, ainsi que le soutien de la “FUEGA” (“Fédération Unie de Groupements d’Eleveurs et d’Agriculteurs”) et de la “FJA” (“Fédération des Jeunes Agriculteurs”).
Dans le cadre du Cycle itinérant de Ciné-Débats : « Peut-on se passer de l’Alimentation industrielle ? », la projection de ce “thriller mental, dans une étable, de plain-pied dans notre époque, avec des héros ordinaires d’une tragédie de notre temps” (Isabelle Regnier, pour “Le Monde”) ayant obtenu le “Prix Junior”, lors de la dernière édition du “FIFF” (“Festival International du Film Francophone“), à Namur, du “Valois d’Argent”du “Festival du film d’Angoulème” et de deux autres “Valois” (“de l’acteur, pour Arlaud Swan, et de la musique), sera suivie d’une rencontre avec Étienne Frippiat, de la “Ferme fromagère de Chertin“ ; Vanessa Martin, agricultrice et administratrice de la “FUGEA” ; Benoît Dave, coordinateur de la coopérative “Paysans-Artisans” ; et Pierre André, président de la “Fédération des Jeunes Agriculteurs”, ces quatre intervenants prônant de pouvoir réinventer l’agriculture et la distribution alimentaire.
Synopsis “Pierre (Arlaud Swan), la trentaine, est éleveur de vaches laitières. Sa vie s’organise autour de sa ferme, sa sœur, vétérinaire, et ses parents, dont il a repris l’exploitation. Alors que, dans la vie rélle, les premiers cas d’une épidémie se déclarent en France, Pierre découvre que l’une de ses bêtes est infectée. Il ne peut se résoudre, lui qui ne possède rien d’autre, à perdre ses vaches… Pour les sauver, s’attachant à un jeune veau, qu’il a retiré, lui-même du ventre de sa maman, il prendra différentes initiatives…”
Cet hommage – super bien documenté, au métier d’agriculteur, à l’investissement, sans mesure, dont les agriculteurs font preuve, à la lutte implacable qu’ils mènent, chaque jour, contre l’appauvrissement de leur situation, réalisé par un fils … d’agriculteurs, Hubert Charuel – est vraiment à découvrir, … et pas seulement par les professionnels de l’agriculture, mais par chacun de nous, nous qui sommes, pour la plupart, consomateurs de lait et/ou de viande bovine.
Bien davantage que certains documentaires, ce film, premier long métrage d’Hubert Charuel, tout juste diplômé de la “Fémis” (“École nationale supérieure des Métiers de l’Image et du Son”), possède un scénario qui lorgne tantôt du côté du thriller psychologique en milieu rural, tantôt du côté du drame réaliste, révèle le talent d’Arlaud Swan, “très impressionant, … d’une proximité sans fard avec les vaches, épousant avec un naturel confondant les gestes du métier, tout en exprimant brillamment les doutes et angoisses de ce ‘Petit Paysan’ qui n’a jamais quitté l’enceinte de sa ferme, … la logique fatale de ce thriller renvoyant à l’isolement profond du héros, à son enfermement irrécupérable dans un métier dangereusement envahissant, à son emprisonnement dans la somme écrasante des tâches quotidiennes” (critique de Mathieu Macheret, pour “Le Monde”).
Egalement à 20h, ce lundi 04, mais à Liège, cete fois, au “Cinéma Churchill”, et ce jeudi 07, en partenariat avec le “Centre d’Action sociale” local, à Namur, au “Caméo”, projection d’un autre intéressant documentaire, “Rester vivant” (Bel./2017/110′), réalisé par Pauline Beugnies, une attachante cinéaste-photographe-auteure belge, qui, ayant étudié l’arabe, tout au long de cinq ans de vie au Caire, assista au réveil de la population égyptienne durant les manifestations de 2011, avant d'y retourner à plusueurs reprises, notamment pour poursuivre la réalisation de son premier long-métrage.
Ayant présenté, jusqu’au 22 mai 2017, au “Musée de la Photographie”, à Mont-sur-Marchienne, son intéressante exposition “Génération Tahrir”, titre de son livre, rédigé avec Ahmed Nagy, en français et en arabe, signe bienvenu de leur volonté de rapprochement entre deux cultures (Ed. "Le Bec en l’Air"/ 120 photos de l’auteure, dialoguant avec les dessins percutants d’Ammar Abo Bakr/2015/30€).
Lauréate du « Nikon Press Photo Award », en 2013, pour son reportage photographique intitulé : “Battir, l’Intifada verte”, ayant, également remporté un « Mediterranean Journalism Award », de la « Fondation Anna Lindh », écoutons la au sujet de son film “Rester vivant” : « Dans un contexte de propagande, où l’Etat égyptien s’efforce de réécrire l’histoire, de réinventer ses héros, de maquiller la vérité, je ressens l’urgence de partager une vision personnelle de ce temps de l’histoire égyptienne… Je puise mon énergie dans cette jeunesse… Cette énergie, puisée en Egypte, je veux la partager »......
Parmi les échanges que Pauline Beugnies eut avec plusieurs jeunes Cairottes, notons ce que Sara, alors âgée de 25 ans, lui disait : « Je voulais profiter de la vie… Je portais le voile pour satisfaire mes parents… On doit toujours réaffirmer que même si on est une femme, on n’est pas faible… On doit se battre constamment pour notre liberté »… Autres propos, ceux de Fedan, 17 ans, à l'époque : "Je trouvais ça profondément injuste que l'homme s'habille comme il veut et qu'il me dise quoi porter... Ils me traitaient de mécréante, personne ne voyant que c'était ma liberté personnelle... Ma mère m'a dit : 'Tu dois écouter la parole de l'homme', son père lui écrivant, à l'occasion de son anniversaire : 'Ma fille, que diras-tu à Dieu, le jour du jugement derni… Même les théologiens d’Al Azhar ont tous confirmé la nécessité du voile qui cache le corps entier… Fais en sorte que ton anniversaire soit un point de départ qui satisfasse Dieu, toi-même, tes parents' … Quant à moi, on m'a dit, à la naissance, que j'étais musulmane, mais j'aimerais comprendre ma religion..." Enfin, Malika, 27 ans, elle lui confia : "J’étais dévastée… Mon docteur était plus patriarcal que mon mari… Il essayait de me convaincre: ‘Tu ne vas pas trouver d’hommes qui veulent t’épouser, seulement des vieux … qui veulent des relations sexuelles avec toi, sans t’épouser’… J’ai décidé d’aller à une réunion sans le voile… Quelqu’un s’est lamenté… J’étais flippée… Je me suis sentie nue… La Place Tahir est le premier endroit où je me suis sentie vraiment libre… J’y suis allée chercher le courage..."
Avec de tels propos, confiés, en 2011, à la réalisatrice, l'on comprend que cette année là fut la période la plus exaltante de la révolution égyptienne pour la jeune génération. Période d’engagement politique et démocratique, période de rejet des chaînes du patriarcat, de la précarité et de la corruption imposées par le président de l’époque, Hosni Moubarak, avec cette formule qui mettra tout le monde d’accord : « Moubarak, dégage ! »
Dans "Rester vivants", Pauline Beugnies retrouve Ammar, Eman, Kirilos et Soleyfa, quatre jeunes Egyptiens, qu’elle connaît bien pour les avoir côtoyés lors de ses différents séjours au Caire, les questionnant, ici, sur ce que la révolution a changé pour eux... En 2014, comment est-ce que ces quatre jeunes, pour qui la révolution coulait dans les veines, vivent dans cette Égypte qui n’a pas pris le tournant espéré ? À travers ces portraits intimes, la réalisatrice nous interpelle sur des questions à portée universelle : une révolution, sans avoir pensé la reprise du pouvoir, a-t-elle un sens ? Comment sortir indemne d’une expérience de démocratie avortée ? Faut-il s’en aller ou au contraire rester et continuer à se battre dans un pays bercer de désillusion ? ...
... Et la cinéaste-photographe-auteure de s'interroger : "Depuis l'arrivée au pouvoir du Maréchal Al Sissi, une politique de la terreur s'abat, au hasard, sur les activistes ou les opposants politiques... Depuis la mobiisation, née à Tahrir, les jeunes sont prêts à contester l'autorité de l'Etat, comme celle du père, à remettre en cause le carcan des relations sociales traditionnelles et à s'affirmer par le biais de la culture, de l'activisme ou simplement dans leur vie quotidienne, par un état d'esprit différent de celui des générations précédentes... Ensemble, ils restituent, avec énergie et optimisme, une part décisive de l'histoire en train de s'écrire."
Mais si, ne nous y trompons pas, "Rester vivants" n’est pas une critique du printemps arabe, il n’a pas pour vocation de diminuer son impact ni son importance. Mais bien de permettre la compréhension d’une après-révolution pour cette jeunesse arabe à laquelle il est facile de s’identifier, dans un monde complexe, en perpétuel changement, ce qui nous promet, en fin de séance, une fort intéressante rencontre avec Pauline Beugnies, la réalisatrice, et deux protagonistes du film, Ammar et Soleyfa
Bien loin du cinéma francophone, à Namur, au “Caméo”, les “Classiques du Mardi”, du “Service Cinéma” de la Province de Namur, nous propose de revoir ou de découvrir “Le troisième Homme” (CarolReed/UK/1949/104’/ avec Orson Welles), “Oscar de la meilleur Photographie” (1951), “BAFTA du meilleur Film britanique”, de la “British Academy of Film and Television Arts” (1949), et “Grand Prix du Festival de Cannes” (1949), … il y a 68 ans déjà…
Synopsis : “Holly Martins, un minable écrivain américain, est venu retrouver son ami Harry Lime dans la Vienne dévastée de l’après-guerre. Mais celui-ci est retrouvé mort après avoir été écrasé par une voiture. Martins choisit alors de mener sa propre enquête pour démasquer les assassins de son ami. Rien ne l’a préparé à ce qu’il va découvrir…”
Carol Reed confia le scénario de son film à un ancien espion britannique, Graham Greene, qui développa son travail pour publier, l’année suivante, son roman éponyme (Ed. “Robert Laffon”/1950/255 p.), ce long-métrageayant été tourné dans les décombres d’une Vienne misérable et cynique de l‘immédiat après-guerre, alors divisée, par les alliés, en quatre secteurs d’occupation, cette atmosphère si particulière ayant contribué à l’énorme succès populaire et cinéphilique de ce film, plein de mystères, avec ses scènes nocturnes et ses coinssombres d’une capitale autrichienne dépeinte par Carol Reed avec un véritable souci documentaire, doublé de la force d’un style cinématographique qui se ressent de l’influence de l’expressionnnisme allemand.
Ayant rarement vu un film plus diaboliquement mené, plus machiavéliquement construit, l’aura de cettefiction fut d’autant plus forte, par l’apport d’Orson Welles (1915-1985), qui dépassa son rôle d’acteur, leréalisateur, Carol Reed (1906-1976) reconnaissant avoir reçu quelques conseils, sur deux ou trois séquences, de son prestigieux acteur, par ailleurs lui-même réalisateur de films primés, tels “Citizen Kane”(“Oscar du meilleur Scénario original”, en 1942) et “Othello” (“Palme d’Or du Festival de Cannes”, en 1952), ayant, aussi, reçu, en 1959, le “Prix d’Interprétation masculine” du “Festival de Cannes” (partagé avecBradford Dillman et Dean Stockwell), pour sa prestation dans “Le Génie du Mal”, de Richard Fleischer (1916-2006), ainsi que différentes récompenses pour l’ensemble de sa carrière d’acteur et de réalisateur, tels, entre autres, un “Oscar d’Honneur” (1971), un “Homage for overal Work” du “Venice Film Festival” (1970), un ” Life Achievement Award” de l’ “American Film Institute” (1975) et un “Prix Luchino Visconti” des “David–di–Donatello” de l’ “Académie du Cinéma italien” (1983).
Yves Calbert.