Houffalize. Offensive. Conte. 4e chapitre. Le SS doryphore

écrit par ReneDislaire
le 14/01/2020

Houffalize. Offensive. Conte. 4e chapitre. Le SS doryphore
Si les soldats allemands du gros de la troupe faisaient preuve d’altruisme et de bienveillance dans les caves comme en ville, il n’en était pas de même des S.S., dont on aurait préféré ne jamais voir que leurs talons, si tant est qu’il fallait qu’on les voie.
Les gens disaient SS ou GESTAPO, pour eux c’était du pareil au même sinon que SS était un mot, semble-il, moins effrayant.
L’un d’eux, au visage d’alcoolique qu’il était et pas un peu, entrait plusieurs fois par semaine dans la plus grande cave, revolver au poing. Dans l’espace confiné d’un sous-sol mal éclairé, ça impressionne.
On savait d’avance pourquoi il venait.
Il levait la main gauche en montrant ses cinq doigts : « fünf Mädchen, Kartoffeln ». Cinq jeunes filles, pommes de terre ».
Il venait chercher cinq jeunes filles pour éplucher les pommes de terre, base de la nourriture de l’armée allemande. Les noms moqueurs ne manquaient pas pour désigner ces soldats occupants ; l’un d’entre eux était « doryphore », un insecte calamiteux parasite du tubercule.
Et cinq jeunes filles volontaires devaient le suivre. Et il y avait intérêt à ce qu’il y en ait cinq, sans hésitation aucune.
Elles devaient alors précéder le SS jusque chez Nestor Lesnino, au-dessus de la ville : c’était là leur atelier d’épluchage.
Bien sûr que pour l’Allemand, c’était son droit, et pour les jeunes filles, c’était une obligation : par temps de guerre, il faut savoir être docile. Mais ça n’aurait contrarié personne si le SS qui les escortait n’avait pas eu un revolver au poing.
Ce SS était mal vu aussi bien des Houffalois que des Allemands qui, outre d’en avoir honte, en avaient peur eux-mêmes.
***
Une rumeur fondée était qu’il existait une grosse chamaillerie entre le notaire Urbin-Choffray et notre SS doryphore. Le notaire habitait une grosse bâtisse cossue on ne peut plus au centre, là où était installée la banque Fortis au début du XXIe siècle. Il apparaissait comme étant l’homme le plus riche de la ville. Son immeuble, désaffecté depuis le sinistre de l’Offensive, en fut la dernière ruine, offrant à la vue des passants des spectaculaires stigmates, vestiges des tirs d’artillerie qui l’avaient criblé lors des bombardements.
Comme le notaire, socialement très distant, n’était pas l’homme à aller s’épancher dans les cafés ou à la sortie de la grand-messe, on n’a jamais eu que des conjectures à propos de leur dispute.
Semble-t-il que l’Allemand rackettait le notaire en exigeant qu’il lui fournisse sa ration quotidienne d’alcool.
Mais comme disaient les Houffalois goguenards : « ça ni nos r’louk nin çou ki gn’a inter di zèls deûs, mès i vâ mî ki ça sèye avou l’notêre k’avou onk di nos-ôtes ». « Cela ne nous regarde pas ce qu’il y a entre eux deux, mais il vaut mieux que ce soit avec le notaire qu’avec l'un d'entre nous autres. »

René Dislaire © Houffalize, le 14 janvier 2020 (à suivre)

Houffalize. Offensive de 1944/1945. Conte.
Hans, Perpétue et Félicité. Liens vers les 7 chapitres.

* Houffalize. Offensive. Conte. Hans, Perpétue et Félicité. Chapitre 1. Les trtibulations de Hans en Europe
* Houffalize. Offensive. Conte. Hans, Perpétue et Félicité. Chapitre 2. Hans prend ses quartiers à Houffalize
* Houffalize. Offensive. Conte. Hans, Perpétue et Félicité. Chapitre 3. L’allemand Hans sous les bombardements
* Houffalize. Offensive. Conte. Hans, Perpétue et Félicité. Chapitre 4. Le SS doryphore
* Houffalize. Offensive. Conte. Hans, Perpétue et Félicité. Chapitre 5. Hans et la petite Perpétue
* Houffalize. Offensive. Conte. Hans, Perpétue et Félicité. Chapitre 6. Hans et Sepp croisent deux connaissances
* Houffalize. Offensive. Conte. Hans, Perpétue et Félicité. Chapitre 7. 6 janvier 1945. Fin

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