Découverte en Pologne : Jean Racine avait écrit sur l’histoire de Houffalize et de Bastogne

écrit par ReneDislaire
le 01/04/2011
Racine

Une découverte historique et littéraire majeure pour Bastogne et Houffalize, et autres lieux de Wallonie :
un manuscrit inconnu, de Jean Racine (XVII e s.), se planquait en Pologne...
Interview de René Dislaire par le Professeur P. Rilis

- René Dislaire, l’affaire n’est plus confidentielle aujourd’hui, vous avez fait une découverte historique importante ?
- On savait que l’armée de Louis XIV avait eu beaucoup à faire dans nos régions, à la fin du grand siècle.
Il s’agissait de conforter les limites du royaume, notamment contre l’appétit du Saint-Empire romain germanique.
C’est à l’une de ces campagnes que l’on doit notamment la destruction du château-fort de Houffalize.
L’armée du Roi-Soleil aurait campé un certain temps à Achouffe, le hameau mieux connu aujourd’hui pour … sa bière.
Curieusement, les archives sur cette tranche d’histoire étaient rares.
Aujourd’hui, cette lacune n’existe plus.

- Qu’avez-vous découvert, et où ?>
- C’est en Pologne que le dernier seigneur de Houffalize s’est jadis retiré ; son descendant y vit toujours, dans le vénérable château de famille.
A la recherche de documents anciens, j’y ai découvert, sous la poussière des combles, un long texte écrit de la main de Jean Racine.
On sait que le plus célèbre auteur du classicisme français était l’historiographe de son roi.
On ignorait qu’il eût accompagné les troupes dans une campagne militaire, ce qui n'a en soi rien d’exceptionnel.
Mais l’œuvre qu’il a écrite est un trésor inestimable, riche en renseignements sur la vie dans nos provinces, actuellement celle de Liège et le Nord du Luxembourg.

- En quoi consiste cette découverte ?
- En 92 parfaits alexandrins. La découverte est pour moi plus littéraire qu’historique.
Le bref (la lettre) au Roi rédigé par Racine, intact après 350 ans, fait d’innombrables révélations sur les usages et les mœurs de l’époque, dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils n’étaient pas très catholiques. Et sur la tournure d’un esprit puritain confronté à des turpitudes.
C’est en raison de la salacité de son récit que l’ancien élève de Port-Royal, le fief du jansénisme, dans la vallée de Chevreuse, se serait refusé à l’adresser au monarque. Une autocensure que l’on comprend aisément quand on entre dans l’intimité de la soldatesque qu’il décrit.

- Qu’y a-t-il de choquant dans ces vers ?
- De la paillardise et de la xénophobie.
C’est en des termes troupiers que Racine décrit certaines situations, parfois semble-t-il délibérément dramatisées. L’objectivité n’était pas la règle de base du journalisme de l’Ancien Régime, et quand on s’appelle Racine, on ne peut chasser le naturel…
Rien de choquant aujourd’hui, mais on comprend que le délicat auteur de Phèdre et d’Athalie, par ailleurs grand collectionneur de maîtresses raffinées, ait hésité à permettre la divulgation de propos parfois carrément grivois.
Le génie racinien est toutefois omniprésent : son remarquable éloge à Vatel condensé en douze pieds, qui a tout d’un futur proverbe, est la chute d’une tirade scatologique antisémite troublante, particulièrement bien amenée.

- On y parle aussi de prédictions ?
- Celui qui veut faire son marché trouvera toujours ce qu’il veut.
L’Europe avait besoin d’un grand haruspice ; ce fut Nostradamus qui l’obtint.
Peut-être Racine va-t-il désormais prendre le titre, qu’il aurait tant aimé qu’on lui reconnût, à l’auteur de la prédiction de Varennes.
On peut être en effet surpris de l’association de noms de localités avec des mots qui font allusion à des faits postérieurs.
Achouffe et Capoue, Fichermont, Robermont… Mais en ce domaine des mystères de la clairvoyance, nous préférons laisser à chacun ses découvertes.

- Pourquoi ne pouvez-vous pas publier cette lettre de Racine ?
- Pour des raisons juridiques et diplomatiques.
L’œuvre ne vaut que par son caractère immatériel.
A qui appartient-elle ? A un Polonais ? A la Pologne ? A la France ? Et la Belgique, les Pays-Bas ? Après tout, pourquoi pas à moi ?
Et il y a des pourparlers dans les milieux culturels européens pour donner à la publication l’impact médiatique que cette archive mérite.

- Ou se trouve l’original du manuscrit ?>
- Je m’attendais à la question : je dois regarder mon bout de papier ! Dans le coffre d’une banque de Zachodniopomorskie. Avec un nom pareil, il est bien protégé (rires ) d’autant que nous sommes deux à connaître chacun la moitié de la combinaison !

- Et vous vous permettez de lire le texte en public ?>
- Les paroles volent !
J’ai fait une copie du manuscrit: des photos prises sans flash, il va de soi.
C’est dans le grenier du Vieil Engreux, en privé, à un public littéraire choisi parmi les relations de Jacques Jaminon dont vous êtes, Professeur Rilis, que j’ai eu le plaisir de le faire découvrir oralement, le 19 mars dernier.
Et c’est bien volontiers que j’ai pris le risque d’en accepter le mise en ligne, depuis ce 1er avril, sur ardenneweb.

Propos recueillis par le Professeur Primaap Rilis
Le Professeur Primaap Rilis enseigne l’histoire de la littérature française à l’Université de Cracovie, et est maître de conférences à l’Université de Liège.

Voici deux strophes du début du manuscrit:
Voici mon bref, Sire, qu’à Phébus on compare,
Depuis un lieu perdu dont cent lieues nous séparent.
Veuillent souffrir sans dol vos augustes oreilles
Les capouans délices d’une armée sans pareille.
(...)
Alors comme en goguette, et au son des pipeaux
Vos maréchaux quérirent un mérité repos.
La vieille Proserpine fûtée guida vos braves
Pour camper à Achouffe dans un champ de choux raves.

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