Rue des Chiens marins, M. Constant – Le Lombard.

écrit par patrickthibaut
le 04/05/2010
Rue des Chiens marins, M. Constant – Le Lombard.

Rue des Chiens marins, M. Constant – Le Lombard.

Avec cet album surprenant, Michel Constant nous invite à embarquer à bord d'un U-Boot, fleuron de la Kriegsmarine, en pleine Seconde Guerre Mondiale. Sous l'eau, il ne se passe jamais rien de nouveau: les torpilles, les cadavres et les vannes lourdes des collègues. Alors, pour éviter de sombrer, à chaque remontée en surface, Josef discute avec son confident, un phoque placide mais loquace. Il lui raconte son enfance, ses frères, les promenades dans les bois et les yeux d'Emma, la plus jolie fille de la rue des Chiens marins. Difficile, en effet, de troquer soudainement la défroque de l'enfance contre celle du soldat ! Il faudra bien un peu d'absurdité pour enfiler ces nouveaux habits sans mot dire...

Entre À l'Ouest, Rien de Nouveau (E.M. Remarque) et Le Désert des Tartares (D. Buzzati), Michel Constant signe ici un récit poignant qui refuse obstinément tout manichéisme et ramène la guerre à son horrible réalité : des gamins apeurés contraints de devenir adultes ou mourir, sans juste milieu. En mélangeant les souvenirs de sa famille avec ses propres observations, l'auteur parvient à nous livrer une histoire humaine qui emprunte juste ce qu'il faut à l'Absurde, pour dépeindre la perte de l'innocence. Car, au-delà de la tragique ironie de la guerre, M. Constant nous parle de l'adolescence et de ses turpitudes, en nous prouvant que la sensibilité n'exclut point un brin de loufoquerie, bien au contraire !

Michel Constant a beau être né à Liège, avoir fait ses études graphiques à l'Institut Saint-Luc de Liège et vivre toujours à Liège, c’est dans l'Italie des années 1950 (Mauro Caldi avec Denis Lapière) que l’ont mené ses premiers pas dans le 9e Art. Il a ensuite pris la direction des Etats-Unis pour Bitume, puis Red River Hotel et Au Centre du Nowhere. À l'instar de son habituel complice Jean-Luc Cornette, il affectionne les histoires de genre, du moment que ces dernières revêtent un aspect poétique, voire onirique, voire complètement déjanté. Enfant naturel de la « ligne claire » d'un Chaland ou d'un Clerc, son trait a depuis évolué vers un graphisme un peu plus « en masses de noir » et aussi un peu plus « cartoony ». Grand spécialiste des visages expressifs et des plans larges, il peut magnifier un scénario comme personne, au point de s'y essayer lui-même avec Rue des Chiens marins, un album conçu pour la collection « Signé » du Lombard. Comme à l'accoutumée, le burlesque y croise le grave. Et, quand ils se rencontrent, ils s'étreignent fort et font des bédés qui ne ressemblent à aucune autre !

www.lelombard.com – 64 pages – 14,50 €.

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